#SeriesMania L’Homme Qui Avait Les Yeux Carrés

#SeriesMania L’Homme Qui Avait Les Yeux Carrés

Note de l'auteur

Du 13 au 23 avril se déroule la huitième saison de Séries Mania à Paris, et comme chaque année, le Daily Mars vous offre une couverture du festival. Au programme, critiques, bilans de conférences et autres surprises…

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L’année dernière, Séries Mania nous avait offert une proposition décalée, contrastant légèrement avec la programmation classique faite de conférences ou rencontres. Sous couvert d’une confrontation thérapeutique organisée par le docteur Thomas Destouches, on assistait à un vrai cri d’amour pour l’art sériel, évacuant toute dimension pathologique pour la reconnaissance d’une passion forte, intense et quelque part, universelle. En ce lundi de Pâques, c’est une autre expérience qui nous a été donnée. Pas tout à fait conférence, pas tout à fait stand up, L’homme qui avait les yeux carrés est un spectacle, une histoire vivante, un conte oral dans lequel est célébrée la télévision et plus particulièrement les séries.

Le Conteur Cathodique nous prend par la main pour nous guider dans un voyage. Un voyage dans le temps mais aussi un voyage dans un espace narratif où nous sont racontés des épisodes précédents comme si l’on avait pris le train en marche. Il faut se laisser aller, s’abandonner à la voix, aux gestes d’un orateur habile, malin, énergique et habité. Se laisser guider dans un récit comme une balle rebondissante, imprévisible et déroutant. Participer, selon une logique interactive, à créer un espace de communion où l’on viendrait échanger nos expériences autant pour créer un lien qu’alimenter le spectacle.

C’est donc l’histoire d’un petit garçon à qui la mère répétait sans cesse : arrête de regarder des séries, tu vas finir par avoir les yeux carrés. Une histoire où les séries finissent par se mélanger avec la réalité. Ou peut-être est-ce l’inverse ? Ce que nous raconte le Conteur Cathodique, c’est le souvenir romancé d’une enfance qui a trouvé une évasion dans les séries et qui s’est approprié cet art pour remodeler sa vie. Toute l’idée de ce spectacle, c’est de montrer combien on peut inviter la fiction dans nos existences. Allumer sa télévision (ou tout autre écran) revient à ouvrir une porte et laisser entrer ces invités éphémères à venir occuper notre salon, notre cuisine ou notre chambre pour mieux revenir la semaine suivante. Rejouer les épisodes que l’on a vus en incarnant nos héros préférés. Voir dans la petite lucarne le reflet légèrement déformé de nos vies ou voir dans nos vies, le reflet légèrement déformé de la petite lucarne.

Ce voyage aux confluents des souvenirs, des anecdotes, des réflexions nous conduit sur un rocking-chair. Bercé par son doux mouvement de balancier, la voix se fait plus calme, fragile mais sans trembler. Parce qu’elle évoque l’esprit de Laura Ingalls Wilder, hantant la télévision d’un savoir qu’elle aura transmis par contagion. Parce qu’elle se dénude des apparats du conteur pour redevenir un peu celle du petit garçon. Un petit garçon devenu homme mais dont le rapport aux séries n’a pas changé. L’innocence est intacte, l’enthousiasme aussi. Seuls les lieux ont bougé. Et les personnes aussi. Certains ont disparu laissant un vide douloureux mais la télévision est toujours allumée et un autre petit garçon dort dans la chambre à côté. Futur Conteur Cathodique, car si les écrans ont évolué depuis, la passion pour l’art sériel, elle, est toujours bien vivante.

Derrière le Conteur Cathodique se cache le journaliste Benoît Lagane que l’on peut écouter le soir dans Le Nouveau Rendez-vous sur France Inter. On lui doit sur France Culture avec Éric Vérat, le formidable feuilleton radiophonique Séries télé : L’Amérique en 24 épisodes ainsi que Séries télé, Chronique sur canapé. Un monsieur au talent immense, à l’érudition ludique et à l’enthousiasme communicatif.

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