#SeriesMania The Art of Television (partie 2)

#SeriesMania The Art of Television (partie 2)

Note de l'auteur

Du 13 au 23 avril se déroule la huitième saison de Séries Mania à Paris, et comme chaque année, le Daily Mars vous offre une couverture du festival. Au programme, critiques, bilans de conférences et autres surprises…

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Malchance de programmation, nous n’avons pu assister à la projection de la première partie de la série documentaire réalisée par Charlotte Blum, cette critique se portera uniquement sur les trois derniers épisodes.

À peine a-t-on assimilé l’importance du scénariste à la télévision (et encore, la guerre n’est pas gagnée) que la téméraire Charlotte Blum est déjà passée à célébrer le réalisateur de séries. Et l’on ne peut que la remercier tant le sujet est riche et méritait d’être approfondi. Au Daily Mars, nous n’avons jamais caché notre intérêt pour l’image, au point d’y consacrer un dossier. C’est dire si le thème attisait notre curiosité. Composé de six portraits, The Art of Television entend donner la parole aux travailleurs de l’ombre qui mettent en image les mots de ceux que l’on encense. Hier, nous avons pu découvrir les épisodes 2 (Jennifer Getzinger), 5 (Matthew Penn) et 6 (Alan Taylor), sélection intelligente où l’on pourra découvrir les distinctions entre les séries du câble, des networks et le fait d’être une femme.

Encore aujourd’hui, il est plus facile de mentionner le nom d’un showrunner que celui d’un réalisateur. Et pourtant, leurs noms finissent par se répéter autant, créant une œuvre à part entière dans un ensemble qui rejette l’individualisme. Il faut comprendre ou plutôt désapprendre nos vieux réflexes où le réalisateur est roi, capitaine et auteur bâtissant sa filmographie comme un immense édifice. Pour une série, la versatilité est indispensable. C’est se glisser dans un moule pour raconter l’histoire de la meilleure des façons sans rompre l’équilibre et l’harmonie. Une situation un peu ingrate où il faut savoir étouffer son égo, le placer dans une autre dynamique. Une abnégation salvatrice qui conduira à une réelle reconnaissance.

Produit avec habileté et malice, The Art of Television expose le travail de ses invités sur un grand tableau et donne ainsi la possibilité aux réalisatrices et réalisateurs de commenter ou d’annoter leur travail. Une façon ludique de concentrer la parole tout en donnant une vue d’ensemble. On s’extrait temporairement de la confession face caméra, intercalée par de petits inserts revenant sur des lieux de tournage ou simplement des images. On mesure l’intelligence espiègle pour contourner les limites économiques et matérielles imposées. Moderne dans sa façon de mêler l’infographie à sa narration, classique dans son dispositif filmique, les épisodes gagnent une fluidité aérienne où la forme ne sacrifie jamais le fond.

On pourrait justifier l’existence et l’importance de The Art of Television à une séquence. Un simple moment où l’on oublie tout. Matthew Penn, sans voix et les yeux brillants, arrêté, après une question de Charlotte Blum. Cet instant précis, d’une intensité émotionnelle incroyable, capté par la caméra devient cette pure vérité que le réalisateur recherche pour la réussite d’une scène. Dans sa présentation, la journaliste et réalisatrice nous expliquait combien les intervenants avaient fini par se raconter eux-mêmes à travers leur travail. On découvrira ainsi combien le travail de Jennifer Getzinger est politique à l’heure où les réalisatrices sont encore sous-représentées et combien elle aspire à effacer cette singularité au profit d’une reconnaissance globale. On assistera à la confession d’un Alan Taylor revenu du cinéma (Thor 2, Terminator Genesis) et trouvant davantage de plaisir à travailler à la télévision, sans souffrance ou regret. Les trois voix se mêleront pour raconter la difficulté des débuts et la richesse d’un art aussi mouvant dans ses formes que son économie.

The Art of Television ne déçoit pas et s’inscrit dans une démarche volontaire pour, non seulement donner la parole aux réalisateurs de séries mais de comprendre combien leur travail est important dans la réussite d’une scène ou d’un épisode, combien ce travail diffère du cinéma (pas au niveau technique évidemment), combien il serait réducteur de penser qu’ils sont de simples illustrateurs. Charlotte Blum réussit son pari haut la main et nous offre une série documentaire intelligente, dynamique et nécessaire.

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