Service Minimum (critique d’Ant-Man, de Peyton Reed)

Service Minimum (critique d’Ant-Man, de Peyton Reed)

Note de l'auteur

ANT MANafficheAprès une interminable gestation et le psychodrame du forfait in extremis de son réalisateur initial Edgard Wright quelques semaines avant son tournage, Ant-Man surgit enfin de terre pour rejoindre la fourmilière cinématique Marvel. Bilan : un blockbuster consommable, sauvé par Paul Rudd et les vannes mais, comme toujours, téléguidé par les antennes de la reine ouvrière Kevin Feige.

Etrange statut que celui d’Ant-Man dans la stratégie Marvel. Voilà un projet dont la première version du scénario remonte à 2003, soit cinq ans avant la sortie d’Iron Man et le début de l’aventure Marvel Studios en tant qu’entité de production cinéma. A cette époque, déjà lointaine, où les films de super héros restaient bien cloisonnés dans leurs mondes respectifs, Edgard Wright et son complice Joe Cornish avaient envisagé Ant-Man comme un “caper movie” avec un début, un milieu et une fin. Une histoire de super héros gentiment bad boy plutôt fun, basée sur les aventures du petit truand Scott Lang (l’une des deux grandes incarnations d’Ant-Man avec Henry Pim) et lorgnant dans le ton du côté d’Elmore Leonard. Un truc cool et sans prétention, quoi ! Ecrit pour le studio Artisan qui détenait les droits cinéma du personnage, le script d’Ant-Man est revenu dans le giron de Marvel en 2006 et, depuis, tout a changé.

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Finie, la “petite” comédie d’action tongue in cheek tournée en solo : Ant-Man fait désormais partie du vaste Marvel Cinematic Universe et il fallait impérativement fourrer Scott Lang dans l’usine à gaz scénaristique à laquelle l’épopée Marvel est en train de virer film après film. On imagine bien les innombrables et interminables réunions de travail entre le tandem Wright/Cornish et Kevin Feige, les deux premiers s’arrachant les cheveux à respecter les exigences corporate du patron tout puissant de Marvel Studios. Seul un lointain futur nous apportera les explications précises du départ/limogeage d’Edgard Wright, survenu moins de deux mois avant le début du tournage d’Ant-Man.

En attendant, le spectateur se retrouve  avec un machin certes loin des honteux Thor 2 ou Iron Man 2 & 3, mais tout aussi loin de ce qui reste à jour le meilleur des Marvel Movies : Captain America : Le Soldat de l’hiver. Un film de casse laborieux dans sa première partie, à la réalisation anonyme et pour tout dire plutôt moche (signée Peyton Reed, sorti du banc de touche) et dont les principaux atouts se résument à Paul Rudd et quelques gags verbaux/slapstick plutôt bien vus. L’intrigue d’Ant-Man se déroule donc plusieurs mois après Avengers : l’ère d’Ultron et l’un des membres de la super équipe va jouer un rôle non négligeable dans l’intrigue, tandis qu’une séquence pré-générique située en 1989 pose les liens passés entre Hank Pym (Michael Douglas), premier Ant-Man historique, et le SHIELD.

Furieux des risques d’utilisation militaire de sa technologie de miniaturisation, Pym prend sa retraite (et le maquis), laissant à son dauphin Darren Cross (Corey Stoll) les clés de sa société Pym Technologies. Lorsqu’il découvre, des années plus tard, que Cross a mis au point sa propre version du costume rikikissant (le “yellowjacket”) et pourrait bien la vendre au plus offrant, un Pym vieillissant charge la petite frappe Scott Lang (Paul Rudd) de monter une équipe pour dérober à Cross sa machine de guerre. Il lui faudra pour cela initier Lang aux pouvoirs du costume d’Ant-Man…

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Compte tenu de sa production contrariée et de l’absolu non-intérêt de la filmo du commis d’office Peyton Reed (principalement des comédies lambda dont Yes Man, son dernier film au titre prédestiné), Ant-Man n’est pas la purge miniaturisée redoutée. Au générique de fin une impression s’impose : plus que la fin d’une phase 2 ou le début d’une phase 3, ce film de transition consacre la banalisation de la marque Marvel comme pourvoyeur de divertissement grand public interchangeable.

Bien plus que le roublard Les Gardiens de la galaxie qui, malgré ses ficelles, pouvait revendiquer l’originalité du space opera, Ant-Man a tous les atours d’un film élevé en batterie. On le regarde comme on engloutit un Big Mac au McDo, sans déplaisir, sans passion, sans surprise, désormais parfaitement familier des ingrédients privilégiés par la maison Marvel : un second degré dégoupillant tout excès de tension dramatique, une habile toile de clins d’œil pour les fans, deux ou trois sous-intrigues vaguement lacrymales pour la famille (Scott Lang et sa fifille ; Hank Pym et sa fifille ; Hank Pym et son épouse disparue…), une très vague romance asexuée (Scott Lang et la fifille d’Hank Pym…)… Et voilà. En l’état, Ant-Man ferait un plaisant “movie of the week” ou pilote de série télé sur ABC.

J’ai l’air comme ça d’écraser d’un coup de talon notre pauvre homme fourmi, mais cela n’empêche pas cette action comedy de réussir franchement certains de ses gags. Ni d’exploiter généreusement le comique de situation lié à la micro-taille des deux belligérants principaux. Emmenée par un Michael Pena en bouffon de service, la team de bracass’ complices d’Ant-Man offrent au film ses traits les plus “Elmore Leonardiens”, rare héritage de la paire Wright/Cornish par ailleurs toujours créditée au scénario. Quant à Paul Rudd, accordons à Marvel (et Wright) d’avoir su là encore caster le dude idéal, tenant le juste milieu entre la belle gueule, le loser au grand cœur et le vanneur vaguement badass. Regrettons simplement l’aspect ostensiblement trop “ambulancier” de certaines punchlines de Rudd, décochées comme évident désamorçage du total ratage des rares moments émotionnels du film.

Mais à force de nous faire le coup du coup de coude permanent, du “hey folks, on sait que c’est un peu ridicule tout ça mais on en rit avec vous”, Marvel se love dans une routine autosatisfaite aux ficelles aussi prévisibles qu’un tour de manège. A une reprise, une seule, vers la fin du métrage, lorsque Lang franchit les limites absolues du pouvoir de rétrécissement, Ant-Man flirte avec un semblant d’inattendu, un moment de temps suspendu, une exploitation visuelle presque radicale de son concept avec une authentique mise en danger du personnage. C’est trop peu et hélas trop fugace, le feel good movie prudent revenant au galop.

Formule promise au succès, jetant par ailleurs les os à ronger de rigueur aux fanboys (avec une allusion implicite à la prochaine arrivée de Spider-Man dans le cheptel), Ant-Man agrandit l’univers cinématique Marvel sans le grandir particulièrement. C’est un blockbuster consommable/oubliable pour toute la famille, au tempo plutôt enlevé dans sa seconde moitié. En ces temps de mise en coupe réglée du “genre” par les faiseurs de franchises, il semble bien que désormais, le blockbuster « haut de gamme » ne crève plus ce plafond de verre.

Ant-Man, de Peyton Reed (1h58). Scénario : Adam McKay, Paul Rudd, Joe Cornish, Edgard Wright. Sortie salles le 14 juillet.

La critique à Pierre-Alexandre Chouraqui, c’est par .

 

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