Severed : en petites coupures

Severed : en petites coupures

Note de l'auteur

Il était une fois deux jeux que tout opposait : le beau Legend of Grimrock et la séduisante Fruit Ninja. Le premier est un vaillant RPG en temps réel et en vue subjective. La seconde est une petite application tactile où on coupe des fruits avec son doigt. Deux concepts qui n’ont rien à voir mais pourtant, un amour vrai et sincère se développa entre ces deux titres, animé par une passion enflammée. De leur union naquit Severed, un petit jeu sorti des studios DrinkBox Studios (les excellents Guacamelee et Tales from Space: Mutant Blobs Attack).

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Severed grandissait peu à peu, écoutant les conseils de gameplay de ses deux parents. Son père lui vantait l’aventure en vue subjective, même s’il n’avançait que case après case. Sa mère lui préparait tous les jours des jus de fruits en les coupant à longueur de journée. Un jour, il voulut s’émanciper, s’envoler de ses propres ailes, et choisit de sortir sur PSVITA. Ses deux parents jugèrent ce choix saugrenu d’un mauvais œil. « Mais plus personne ne joue sur cette console, fiston ! Tu n’auras aucun succès ! » lança Legend of Grimrock. « Laisse-le, chéri, tu vois bien qu’il veut s’exprimer ! » rétorqua Fruit Ninja. « S’il veut aller sur la VITA, laisse-le faire, j’ai toute confiance en mon bébé ! » C’est alors que Severed, son gameplay bizarre et ses graphismes colorés sur le dos, partit de la maison familiale, sous l’œil attendri de sa mère Fruit Ninja et le regard désespéré de son père Legend of Grimrock. « Je te préviens, s’il revient en chouinant, c’est toi qui t’en occupes ! »

severed-gameplay-trailer1La tactique du tactile

Après cette longue introduction représentative de l’incompréhension de ce choix de plate-forme, il faut reconnaître une sacré paire de cojones aux développeurs de Severed pour avoir sorti leur nouveau jeu sur la PSVITA, une console déjà oubliée qui devient le cimetière des jeux indés venant s’échouer lorsque leur version PS4 a déjà rentabilisé le coût de développement. Il est vrai que le gameplay de Severed est très spécifique à la console portable de Sony : vous dirigez une jeune guerrière au bras coupé qui va partir à la recherche de sa famille dans un monde fantastique et cauchemardesque. Le jeu se déroule donc en vue subjective, en avançant case par case dans les niveaux. Vous avez néanmoins la possibilité de regarder autour de vous à 360°, histoire d’admirer les décors et de casser des pots (merci Link !). Les ennemis sont symbolisés par une flamme que l’on peut voir de loin avant de s’engager : lors des combats, il faudra utiliser son doigt pour trancher les points faibles de chaque ennemi, sachant qu’on peut vite se retrouver encerclé. C’est ce gameplay de frottage d’écran à l’aide de votre index qui représente le gros point fort de Severed.

severed_screenshot_13En effet, au fur et à mesure de l’avancée, la difficulté des combats va vite grimper. Au début, un ou deux ennemis ne vous opposeront guère de résistance. Mais très vite, on se retrouvera entouré de cinq monstres avec chacun des patterns à apprendre par cœur, sous peine de succomber très vite. En effet, en bas de l’écran s’affiche un cercle sur les icônes des ennemis (qui correspondent à leur emplacement) se remplissant au fil du temps. Lorsque cette jauge est pleine, le monstre attaque. Il faut donc être très attentif à ce qu’il se passe pour ne pas les laisser vous toucher, et ainsi tourner constamment votre vision pour contre-attaquer quand il faut. Heureusement, certains ennemis ont leur jauge d’action qui se réduit lorsque vous les frappez. L’idée est donc de se concentrer sur un adversaire particulier pour contrer ces attaques (en glissant le doigt vers la direction opposée à son coup) tout en frappant régulièrement les autres monstres pour ne pas se laisser submerger sous les frappes. Ça rend les joutes particulièrement dynamiques, et fait monter le stress d’un cran quand six ennemis à la fois ne vous laissent aucun répit.

screenshot_B.0D’autres mécaniques interviendront plus loin dans le titre pour varier les bastons, notamment des propriétés qui s’ajouteront aux monstres (vitesse accrue, régénération, etc.) mais que vous pourrez voler avec une capacité particulière, ainsi qu’un pouvoir pour stopper le temps. Tous ces pouvoirs sont améliorables, tout comme les caractéristiques de l’héroïne, grâce aux membres récoltés sur les monstres. Lors des combats, une jauge de concentration grimpe au fur et à mesure que vous réussissez vos attaques (sans frapper sur le point fort de l’ennemi). Une fois pleine, lors de l’anéantissement du monstre, le jeu se mettra en pause quelques secondes, le temps de découper les membres aux endroits indiqués pour les récupérer et ainsi progresser en expérience. Un petit moment jouissif qui renforce l’assurance et le courage de l’héroïne pour venir se perdre dans ce monde sans pitié.

2015_03_Screenhot_15Le supplice de la guerrière

C’est ce qui ressort de l’ambiance de Severed : une atmosphère glauque, contrastée par les couleurs vives des décors, reprenant le style caractéristique orienté cartoon de Guacamelee, mais sans un gramme d’humour. L’héroïne du jeu est un personnage mutilé (littéralement), qui va devoir se transformer et sacrifier son humanité pour sauver sa famille, dans une narration qui ne mâche pas ses mots. La découverte de sa famille ne se fait pas sans heurts et les quelques rencontres ici et là donnent l’impression d’assister à une aventure pessimiste où l’on se dirige inéluctablement vers sa triste conclusion. On a l’impression de vivre un de ses mythes grecs qui ont pour but de faire souffrir les protagonistes pour les forcer à se dépasser.

severed_screenshot_12Le déroulement du jeu se découpe en trois grands donjons, où l’on peut évidemment revenir lorsqu’on débloque de nouveaux pouvoirs histoire de débloquer tous les secrets, et il y en a un certain nombre. Entre les salles cachées, les portes qui apparaissent en remplissant certaines conditions ou les portails qui font office de raccourcis, le jeu possède un univers très riche qui motive à le terminer à 100 %. La progression est très fluide, avec de petites énigmes assez simples mais ingénieuses à coups de cycle jour/nuit, de portes qui désintègrent des clés ou autres dédales labyrinthiques où l’on peut se perdre très vite et ruminer pendant des heures. Fort heureusement, la carte des lieux est très bien conçue et lisible. On trouve beaucoup d’emprunts aux ténors du genre comme Portal ou Legend of Zelda, mais le titre se révèle maîtrisé de fond en comble et on y revient avec plaisir.

severed_screenshot_03Et les quelques points faibles de Severed ne ternissent que très peu le tableau. On pourra mettre en cause un système d’évolution de personnages légèrement abusé par une capacité en particulier. À partir du moment où vous débloquez la possibilité d’échanger des objets divers récupérés un peu partout contre les membres de monstres servant à vous améliorer, il est nettement plus rapide de progresser puisque le coût d’échange est ridiculement faible. La difficulté des monstres n’est pas proportionnelle à l’évolution de votre héroïne, ce qui fait que les derniers combats se révèlent être presque plus faciles que les premiers. Par exemple, l’arrivée des propriétés des monstres pour les rendre plus difficile à combattre intervient au même moment que la capacité qui sert à s’approprier ces bonus. Les boss réservent néanmoins leurs petits moments de stress, mais arrivé à la moitié de l’aventure, le jeu offre beaucoup moins de résistance et se révèle même un poil facile. L’ambiance « aventure en solitaire » en prend un petit coup, surtout qu’on passera son temps à tracer la moitié de l’écran comme un forcené pour dégommer le monstre rapidement.

Fort heureusement, cela n’enlève en rien l’excellente tenue de Severed. DrinkBox Games nous offre un excellent jeu pour la PSVITA qui en avait en besoin urgent, et propose à la petite console portable de Sony une vraie expérience unique et propre à ses capacités ludiques. Certes, la durée de vie n’est pas énorme (5-6 heures de jeu), le jeu étant trop facilité par l’évolution de son personnage, et on aurait aimé plus de variété dans les donjons. Mais le gameplay ultra-dynamique couplé à l’excellente ambiance de cet univers bien glauque et sombre font de Severed un excellent titre qu’il serait dommage de louper, surtout si vous êtes possesseur de la PSVITA. Legend of Grimrock et Fruit Ninja, vous pouvez être fiers de lui !

Severed

Développeur : DrinkBox Games
Éditeur : Sony
Prix : 15 euros (uniquement en téléchargement)
Plate-forme : PSVITA


Severed – Trailer de gameplay par play3-live

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