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Shoot again…and again (critique de Django Unchained, de Quentin Tarantino)

Shoot again…and again (critique de Django Unchained, de Quentin Tarantino)

Cousin d’Inglourious Basterds à plusieurs égards, Django Unchained est assurément du Tarantino jusqu’à l’os avec son lot de scènes instantanément jubilatoires et sa ration coutumière de clins d’oeils cinéphiliques. Un petit soucis pointe cependant à l’horizon : une plombante impression de répétition.

Synopsis dossier de presse

Dans le sud des Etats-Unis, deux avant la guerre de Sécession, le Dr King Schultz (Christoph Waltz), un chasseur de primes allemand, fait l’acquisition de Django (Jamie Foxx), un esclave, qui peut l’aider à traquer les frères Brittle, les meurtriers qu’il recherche. Schultz promet à Django de lui rendre sa liberté lorsqu’il aura capturé les Brittle – morts ou vifs. Alors que les deux hommes pistent les dangereux criminels, Django n’oublie pas que son seul but est de retrouver Broomhilda (Kerry Washington), sa femme, dont il fut séparé à cause du commerce des esclaves… Lorsque Django et Schlutz arrivent dans l’immense plantation du puissant Calvin Candie (Leonardo DiCaprio), ils éveillent les soupçons de Stephen (Samuel L. Jackson), un esclave qui sert Candie et a toute sa confiance. Le moindre de leurs mouvements est désormais épié par une dangereus eorganisation de plus en plus proche… Si Django et Schultz veulent espérer s’enfuir avec Broomhilda, ils vont devoir choisir entre l’indépendance et la solidarité, entre le sacrifice et la survie…

Avant d’entamer cette review mitigée du dernier Tarantino, faut que je vous dise : un camarade du milieu professionnel m’a récemment confié qu’il ne supportait plus les longues critiques ciné auto-complaisantes publiées sur le web par les journaleux ou blogueux, surtout à un mois de la sortie du film disséqué. Et le dit camarade de me préciser que sur le Daily Mars, il venait avant tout pour lire les news et des articles qu’il ne « lisait pas ailleurs ». La vache ! Ca m’a autant vrillé le crâne que le jour où Nicolas Boukhrief écrivit dans Starfix que la critique ciné ne servait plus à rien (déjà en 1990…). La révolution n’étant pas le fort de votre serviteur, les chroniques des sorties en salles ne risquent pas de disparaitre du Daily Mars, mais peut-être devront nous réfléchir à l’avenir à leur format, leur timing de publication, leur angle que sais-je… Si l’un de vous a un avis sur la question, à savoir l’utilité ou le plaisir retiré de la lecture de ces chroniques, on prend !

Bon donc sinon, Django Unchained ? Me voilà bien embarrassé : sorti d’Inglourious Basterds aussi surexcité qu’un moutard après un tour de Space Mountain, je me sens à poil d’impressions franches sur celui-là. Dans Inglourious Basterds, projet que Tarantino mit une bonne dizaine d’années à concrétiser après son écriture en 1998, le réalisateur offrait un brûlot uchronique défouloir dans lequel des Juifs criblaient de pruneaux la tronche d’Hitler dans un cinéma en flammes. Dans Django Unchained, film particulièrement cher au coeur du cinéaste et autre hommage à la filmo bis transalpine, c’est à un esclave afro-américain que Tarantino donne cette fois l’opportunité de briser le cours de l’Histoire en massacrant du négrier par paquets de douze sur leur propre plantation. Inglourious Basterds/Django Unchained, deux faces d’un diptyque historico-dégénéré, avec en trait d’union le magique Christoph Waltz, toujours aussi aérien dans sa façon d’associer faconde onctueuse et foudroyante virtuosité meurtrière.

Et tout comme il flirtait avec les limites du bon goût dans Inglourious Basterds, qui transformait de vraies victimes historiques en bourreaux de fiction monstrueusement sadiques, QT récidive dans Django… en remplaçant les Juifs d’Inglourious… par un Noir auquel son cinéma donne l’occasion vengeresse d’exploser au shotgun les pires raclures racistes du Sud de la Louisiane, collabo black y compris. Comme Tarantino n’est jamais en reste de provoc’ dans ses nobles intentions, il prend un malin plaisir à titiller son confrère Spike Lee, qui s’était déjà plaint de l’abondance de “nigger” prononcés dans Jacky Brown : le mot infâmant ponctue régulièrement les 2h44 du film (pas moins de 109 fois, aurait relevé Variety), dans un usage blaxploitationesque produisant son petit effet à double tranchant.

 Django Unchained partage aussi avec Inglourious Basterds deux scènes équivalentes (dans leur logique narrative) à l’introduction de ce dernier ainsi que sa mythique scène de l’auberge. Toujours ce malin plaisir à l’extrême dilatation du temps avant de brutalement décider d’appuyer sur le champignon. Une fusillade aux éclaboussures gore hypertrophiées renvoie aussi directement au final de Kill Bill 1, tandis que plusieurs dialogues référentiels (Alexandre Dumas, la princesse Brunehilde des Nibelungen et Shaft sont notamment convoqués…) font écho à la pléthore d’autres entendus chez l’auteur.

Faux western spaghetti (hormis son générique, quelques zooms grossiers et emprunts musicaux), vrai magma cinéphile effronté, Django Unchained donne du plaisir à la louche : son ouverture (presque aussi jouissive que celle d’Inglourious…), la photo toujours aussi éblouissante du vétéran Bob Richardson (fidèle de Tarantino depuis Kill Bill), cette violence esthétisée qui déborde sans complexe, ces sudistes haineux dézingués avec leur monture, DiCaprio jubilatoire en négrier psychopathe (à l’évidence, l’acteur s’éclate et c’est contagieux)… Et pourtant, pour la première fois, j’ai l’impression que le cinéma de Tarantino ne peut plus empêcher ses constantes de ressembler à des ficelles. Qu’il est encalminé, n’avance plus ou peu, presque vieillissant à l’image du réalisateur empâté vu dans un petit rôle. Bref, qu’il commence à sentir la redite et ne surprend plus qu’à grand peine, même quand il déchaîne l’enfer.

Le scénario de Django Unchained, plus linéaire que ceux des précédents Tarantino, valait-il d’être étiré sur 2h44 ? Jamie Foxx, impeccable, ne campe-t-il pas malgré tout un héros un peu figé au regard d’autres seconds rôles explosifs ou passionnants, comme ceux de Samuel Jackson ou de DiCaprio ? Tarantino ne s’est-il pas tiré une balle dans le pied avec un choix de scénario particulièrement frustrant au dernier quart du film ? Django Unchained, malgré ses nombreuses qualités, marque-t-il un début d’impasse artistique pour un cinéaste auquel pend au nez la pire des menaces, celle de l’auto-parodie ? Avais-je bien fait de reprendre deux fois de la brioche au petit-dej’ avant la projection ? Autant de questions auxquelles seule une seconde vision de Django Unchained apportera une réponse, tant la première m’a laissé à la fois enthousiaste… et un peu déçu.

 

DJANGO UNCHAINED, de Quentin Tarantino (2h44). Scénario : Quentin Tarantino. Sortie le 16 janvier 2013.

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