SHOWGIRLS : PAUL VERHOEVEN S’EXPLIQUE

SHOWGIRLS : PAUL VERHOEVEN S’EXPLIQUE

LE TEXTE CI-DESSOUS EST SIGNE DE NOTRE REDACTEUR INVITE MARC GODIN

ShowgirlsShowgirls est moche, outrancier, mais c’est voulu. Tel est en substance le message de Paul Verhoeven venu présenter l’un de ses longs métrages les plus crus au Festival du film restauré, Toute la mémoire du monde. Une fois encore, le cinéaste s’est montré peu avare d’anecdotes croustillantes sur les coulisses de la production. On était aux premières loges.

 

Vedette hollandaise de Toute la mémoire du monde, festival du film restauré, Paul Verhoeven s’est baladé la semaine dernière entre la Cinémathèque et le cinéma Les Fauvettes. À la Cinémathèque, il a présenté un de ses films préférés (Vertigo d’Hitchcock) et quelques-unes de ses œuvres, notamment Spetters. Dimanche 7 février, à 14h, c’était la présentation de Showgirls, aux Fauvettes, dans une sublime copie restaurée. Film maudit de Paulo, Showgirls s’est fait laminer par la critique à sa sortie en 1995 et a été rejeté en bloc par le public, avant de récolter une belle moisson de razzie awards. Depuis, la critique – surtout française – tente de nous convaincre que Showgirls est une œuvre majeure et subversive, « un doigt dans le cul de l’Amérique », le meilleur Verhoeven.

À la revoyure, Showgirls – que j’avais copieusement détesté en 1995 – est plutôt drôle. Tout est outrancier, « over the top » comme l’explique Verhoeven ci-dessous. N’empêche, une mauvaise musique (revendiquée), des chorégraphies navrantes (assumées), un scénario bancal et de mauvais acteurs donnent rarement un bon film. C’est surtout un objet pompier, kitsch et vulgaire, ponctué de dialogues hilarants (« Tu es belle comme une bite de 30 centimètres »), mais surtout vain.

Et maintenant quelques explications de texte de Paulo :

Paul Verhoeven :

UN FILM TOURNE POUR SE CONSOLER…

« Je vais parler de la genèse de Showgirls. C’est un film écrit par Joe Eszterhas, le scénariste de Basic Instinct. Joe est allé voir le producteur Mario Kassar avec une idée de film sur Las Vegas. Il a reçu une avance de deux millions de dollars, puis ensuite deux autres millions ! Mais moi, je n’ai pas trop aimé son script. Avec Joe, j’ai fait des tas de recherches à Las Vegas, j’ai interviewé tout le monde : des danseuses de pole dance, les danseuses dans les grandes revues, les producteurs, les chorégraphes… Tout le monde ! Et cela nous a servi à bâtir une deuxième version du scénario.« 

« À l’époque, la Carolco devait financer deux très gros films : Crusade, que je devais réaliser avec Arnold Schwarzenegger, et Cutthroat Island (L’Ile aux pirates, 1995) avec Michael Douglas et Geena Davis, mis en scène par Renny Harlin. Ces deux films étaient budgétés à 100 millions de dollars. À un moment donné, Mario a compris qu’il avait 100 millions de dollars et certainement pas deux ! Il a décidé – et c’est une erreur je pense – de laisser tomber Crusade pour faire L’Ile aux pirates. J’étais déprimé et je me suis rappelé d’une phrase d’Hitchcock qui disait que lorsqu’un de vos projets s’arrête à cause du casting, du budget ou autre, il faut immédiatement passer à autre chose. Il ne faut pas essayer de trouver quelque chose de génial, mais simplement autre chose et vite : c’est ce qui s’est passé avec Showgirls (rires)« .

SHOWGIRLS SAUVE GRACE À SEYDOUX

IMG_3382« J’ai aussitôt retravaillé avec Joe Eszterhas et nous avons amélioré le scénario, même s’il y a toujours des problèmes que vous repérerez. Ou pas ! Tout s’est passé très rapidement, notamment le casting et on a très vite commencé à tourner. Avec l’échec absolu de L’Ile aux pirates, dont le budget est monté à 130 millions, Carolco a fait faillite et Showgirls a été sauvé par une société française, Jérôme Seydoux et Chargeurs, grâce à qui nous pouvons voir le film ce soir« .

« L’extravagance de Vegas est terriblement déprimante et c’est ce que je voulais exprimer avec Showgirls. C’est mon film américain le plus réaliste, mais je voulais un style hyperbolique. Tout est outré dans Showgirls, « over the top ». Le style, les scènes de sexe, les dialogues, la musique, les chorégraphies, les personnages, les décors : tout est over the top. La musique a été composée par Dave Stewart, du groupe Eurythmics, et pour les grands shows, je lui ai demandé d’écrire la pire musique possible (rires). Parce que la musique de ces shows est atroce. Tout est over the top dans le film, c’est mon style et personne n’a vraiment aimé cela. La réception du film a été catastrophique aux USA car pendant la moitié du film, les personnages sont à moitié nus. Ça n’a pas aidé… Le public n’est pas venu et les critiques étaient atroces. »

« Un critique a écrit : « Il a fallu que je quitte la salle à la moitié du film pour aller vomir ! » Je crois que ce rejet est également dû au message du film, car je dis clairement dans Showgirls que le sexe à Vegas, c’est une question de fric. Cela n’a rien à voir avec les émotions ou l’amour, c’est juste une question de fric. Tout à Las Vegas est une question d’argent. C’est une métaphore des États-Unis où tout est basé sur l’argent. On peut même acheter une élection avec du fric dans ce pays ! Le critique du New York Times a même écrit : « Cet Hollandais ne comprendra jamais notre pays. » (rires) Après tout cela, je suis bien content d’avoir réalisé en France un film que vous pourrez voir dans quelques mois. Un film qui ne parle pas d’argent… »

MARC GODIN

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