
Simon Astier : « L’écriture de la saison 3 m’a fait changer la fin d’Hero Corp »
Pour fêter le retour de Hero Corp avec sa troisième saison, le Daily Mars vous propose de retrouver chaque semaine un entretien avec un membre de l’équipe. Pour boucler la boucle, la parole est à Simon Astier. Pour le coup, le créateur de la série, interprète de John, s’est prêté à un entretien un peu particulier.
L’équipe du Daily Mars a effectivement demandé à plusieurs personnes que nous avons interviewées ces dernières semaines (Alban Lenoir, Arnaud Joyet, Sébastien Lalanne, Claire Alexandrakis, Justine Le Pottier) et à François Descraques (Le Visiteur du futur) de lui poser des questions. Ses réponses ont provoqué d’autres questions, ce qui donne une interview au long cours. Un échange où l’on parle saison 3 de Hero Corp, Ricoré, cap de la trentaine, temps qui passe, Coupe du Monde et projets. Un entretien qui permet surtout à un homme aussi pudique que passionné de se raconter, un peu. Voici la seconde partie de l’interview publiée lundi.
Hero Corp : « Quand j’ai commencé, plein de gens m’ont dit « N’y va pas » »
D.M. : A nouveau Justine Le Pottier, « Qui sont tes héros ? »
S.A. : Les gars qui arrivent à être des mecs biens dans leur vies personnelle et professionnelle. Qui font tout ça en étant accomplis et heureux.
D.M. : Aujourd’hui, il y a une ou des choses que vous n’avez pas encore faites et que vous aimeriez faire ?
S.A. : Plein. Là, j’ai surtout envie de me reposer. Mais j’ai aussi envie de continuer à travailler dans ces conditions-là. En reprenant Hero Corp, j’ai retrouvé le bonheur que c‘est de bosser avec cette équipe. Et on n’est pas fermé sur nous : on fait toujours venir des nouveaux, on n’aime pas bosser en vase clos, en huis clos. Tous ensemble, on abat des montagnes, on raconte des choses que l’on a envie de défendre et c’est vraiment comme ça que je veux faire mon métier. C’est comme ça que je l’aime.
D.M. : Quand on vous écoute, on se dit que beaucoup de gens aimeraient vivre les choses telles que vous les décrivez. Ca vous arrive de vous arrêter et de vous dire « Je vis ça, je vis cette aventure-là ; je vis ce que je veux vraiment vivre » ? Quelque part, ça doit être fou…
S.A. : Exactement. C’est une chance. Mais comme je dis souvent, quand on a vécu ça, quand, au Comic Con, après toute cette histoire compliquée, on est récompensé par 13 000 personnes qui vous balancent de l’affection en pleine gueule, on prend conscience du fait qu’on a fait tout ça sincèrement et que ça touche les gens. C’est incroyable. C’est très naïf ce que je dis mais je pense que le secret est là. A 30 ans d’ailleurs, je me rends compte que le seul secret que j’ai vraiment éprouvé dans toutes les situations, c’est que quand on fait ça avec son cœur, on est toujours porté par une énergie positive.
D.M. : Oui, mais plein de gens viennent avec l’envie sincère de partager quelque chose avec le public… et tout le monde n’y arrive pas. Quand on part dans cette optique –comme vous- et que cela devient réalité auprès de tout un groupe de téléspectateurs –comme c’est le cas de Hero Corp- on se dit qu’émotionnellement, ça doit être incroyable…
S.A. : C’est assez étourdissant. Ca vous conforte… quand j’ai commencé à travailler sur Hero Corp, plein de gens m’ont dit « N’y va pas, c’est un petit diffuseur (la chaîne Comédie ! à l’époque, NDLR), personne ne bosse avec ces budgets-là, fais pas ça comme ça… ». Au début, j’écoutais beaucoup ce genre de conseils. Et puis en faisant Hero Corp, je me suis dit que chacun devait trouver sa propre façon de faire son métier. Si on fait son boulot pour de mauvaises raisons, ça se ressent… et puis on s’essouffle. Moi, je ne m’essouffle pas en bossant de cette façon parce qu’au final, on progresse à chaque fois. On ne se fait pas de cadeaux à nous-mêmes non plus. On n’est pas une espèce de grande bande de potes en train de faire des farandoles sur un plateau : on est tout le temps en train de se remettre en question pour voir là où on peut améliorer les choses. C’est ce qui se passe avec Hero Corp : chaque saison est meilleure que la précédente. C’est une force, la preuve que le truc est vivant et que l’on se pose les bonnes questions. Si on fait une saison qui est moins bonne, ça voudra dire qu’on s’est égaré. Dans ce métier – et c’est là où c’est magnifique – la marge de progression est infinie. C’est ce qui le rend passionnant. Je crois définitivement en la force de l’équipe, et quand on travaille un groupe qui tend lui-même vers le mieux, que l’on s’entraide, c’est une superbe rampe pour lancer des choses.
Saison 3 : « Ceux qui aiment nos personnages, on veut maintenant fouiller dans leurs tripes »
D.M. : Le plus dur souvent, c’est de pérenniser l’enthousiasme. Et avec toute l’équipe, vous y êtes arrivés…
S.A. : C’est ça. Mais on a eu de la chance. Je sais pas… c’est inexplicable, ce qu’on a vécu. Ce projet a symbolisé beaucoup de choses pour moi. L’envie de faire des choses venant de mon cœur. A ma manière. Sans concession. Des gens se sont greffés dessus, ça leur a parlé… et ça fait boule de neige. Quand tout le monde est là pour les bonnes raisons, je pense que chacun est porté par son énergie et celle des autres.
D.M. : Il y a une formule qui dit « Plus on travaille, plus on a de la chance ». Vous souscrivez à ces propos ?
S.A. : Je pense. Il ne faut jamais se dire « OK, maintenant j’en suis là : comment je peux rester à ce stade ? ». Je crois qu’il faut toujours essayer de monter plus haut. Monter plus haut en exigence. La question, c’est « comment je peux être meilleur ? ». J’ai réussi à faire les gens, comment je peux les faire plus fort ? Avec plus d’humanité ? La semaine 4 de diffusion de la saison 3, c’est un pivot de l’histoire. On veut jouer avec ça : ceux qui aiment ces personnages, on veut maintenant fouiller dans leurs tripes.
D.M. : Surtout quand on arrive en saison 3. On peut vraiment se le permettre : l’univers exploré s’appuie sur des fondations solides, pour aller plus loin…
S.A. : C’est là où ça devient passionnant. Quand on a vécu deux saisons avec des personnages, on les connaît : on peut faire plein de choses nouvelles. Explorer leur personnalité, effectivement ; les faire évoluer aussi. C’est ce qui se passe dans la saison 3 : on peut vraiment s’appuyer sur le passé des différents protagonistes.
« Moi, ce que j’aime dans Batman, c’est une image. Celle de Batman Returns »
DM. : On revient aux questions de votre équipe. Avec Sébastien Lalanne. « Simon, tu sais très bien qu’un jour, tu reverras les Batman de Nolan, crois-tu que tu pourrais reconnaître sa noirceur comme une œuvre, et non comme de la prétention. Et si tu le reconnais, le diras-tu ? »
S.A. : Quand je suis au Comic Con et que je vanne Nolan, c’est de la provocation : je ne me compare évidemment pas à ce monsieur, qui est très talentueux. Moi, ce que j’aime dans Batman, c’est une image. Celle de Batman Returns, le deuxième de Tim Burton. J’aime la mélancolie qui s’en dégage, l’anti-testostérone de Michael Keaton. Il a un côté humain, sourire un coin et en même temps, on retrouve en lui de la gravité. On peut aussi s’identifier à tous les méchants, dans ce Batman-là. Les méchants qui sont méchants parce qu’ils sont méchants, ça ne m’intéresse pas. Dans les Batman de Nolan, tout le monde a des couilles de 25 kilos et je suis moins sensible à ça. Les bons films et les mauvais films, ça n’existe pas : ce n’est jamais que le ressenti des gens. Quand les gens critiquent une œuvre, ils parlent d’eux-mêmes : moi, je fais juste de la provoc’ pour faire rire les autres en disant ça. Burton a fait de Batman un mec qui me touche. Il y a de l’humain dans ce qui se passe, et un côté petit conte fantastique qui fait me frotter les mains et dresser un peu les poils des bras. Chez Nolan, on est dans un réel un peu brut. Moi, j’ai tendance à aimer des histoires et à raconter des histoires toujours s’éloignant de la réalité ou de ce que je vis vraiment. Hero Corp, c’est une histoire qui raconte le poids de l’appartenance et ça pourrait en fait être n’importe où. Tous les thèmes de tous les films sont de toute façon très universels…
« La saison 3 raconte des choses profondes, dures, et j’ai dû y mettre des choses à moi dedans »
D.M. : Justement, le poids de l’appartenance est une question fondamentale dans la série. Vous en êtes où, vous, dans l’exploration de cette thématique ? Comment évolue votre réflexion sur ce sujet ?
S.A. : Cette saison 3 est très particulière pour moi. Pour que votre histoire résonne véritablement chez les gens, il faut vraiment insuffler des choses qui viennent des tripes. Des questionnements personnels. Dans cette saison, je vais loin dans le traitement de la question centrale. A tel point que cela m’a fait changer la fin d’Hero Corp, voilà. J’ai la fin de la série en tête depuis 2008, et avoir fait cette saison 3, l’avoir amené à son terme, m’a fait imaginer une autre issue. Ce sera autre chose. Sans faire du mysticisme à deux balles, il y a des cycles dans la vie. Des cycles qui correspondent souvent aux structures d’un scénario. On a une problématique. D’abord, on refuse de l’affronter parce qu’on se dit qu’on a très bien vécu avant et qu’on ne va pas se poser de nouvelles questions. Puis on se rend compte qu’en fait, on est obligé d’y faire face. Le truc, c’est qu’on n’a pas toutes les armes, toutes les clefs pour trouver la solution. Il faut alors trouver ces éléments qui permettront d’avancer, et qui sont au fond de soi. C’est ce qui permet de vaincre le dragon, de gagner un combat qui semblerait perdu d’avance. C’est surtout ce qui permet de grandir tout en restant le même. Au final, Hero Corp, en saison 3 raconte des choses profondes, dures, et j’ai dû y mettre des choses à moi dedans. Aujourd’hui, ce fameux dragon que j’ai dû affronter, il me fait moins peur. Voilà pourquoi la fin va changer. En gros.
D.M. : C’est faire preuve de beaucoup de recul. Sur soi, sur ce qu’on est, sur ce qu’on veut être…
S.A. : (rires) Ce que j’ai définitivement compris aujourd’hui, c’est que quand on fait les choses avec cœur, avec honnêteté, en mettant un maximum de choses sincères et avec en le faisant avec ses tripes, ça rend l’histoire plus dense. Lorsque l’on essaie d’injecter des choses réelles, concrètes et profondes, ça devient vraiment autre chose.
« On ira au bout d’Hero Corp, je me suis de toute façon engagé »
D.M. : Petite question naïve, vous êtes heureux aujourd’hui ?
S.A. : J’ai tous les éléments pour être heureux, ouais. Et en même temps, il faut que je sois un adulte qui sache rassembler tout ce dont on vient de parler. Ma quête aujourd’hui, c’est de me servir de l’énergie positive du présent. Sans avoir peur du futur et sans constamment ressasser les difficultés du passé. C’est sûrement ce qui se ressentira dans mes prochains projets. J’ai compris que le présent, on peut le changer. Le futur, c’est pas palpable, et le passé c’est le passé. Il faut donc faire les choses telles que l’on a envie de les faire, pour se faire plaisir. C’est ça qui compte.
(MISE A JOUR du Samedi 7 décembre, 11h35) D.M. : Il y a aussi une question d’Alexandre Astier, votre frère : « Serais-tu prêt à lancer le buzz avec moi sur une série qui s’appellerait « Piège en Haute-Marne ? »
S.A. : Oui, évidemment. On s’est dit que c’était un beau challenge. Mais on a beaucoup hésité avec Derrick Begins, prequel de la série Derrick, et Malerte, la suite potentielle de Alerte (le film de virus avec Dustin Hoffman).
D.M. : Dernière question, signée Arnaud Tsamère, « est-ce que la saison 4 va enfin tourner autour de Captain Sports Extrêmes ? »
S.A. : Ah ça, j’aurais pu parier une somme d’argent incroyable là-dessus… (c’est un running gag entre le comédien et le créateur de la série, NDLR) Captain Sports Extrêmes en tout cas, dans la saison 3, évolue déjà pas mal. Ce n’est plus l’espèce d’électron libre qui est avec le groupe mais qui n’en a rien à foutre de personne et ne pense qu’à aller faire du base-jump depuis une falaise. C’est bien la preuve qu’il se passe quand même pas mal de choses dans ces épisodes, non ?
D.M. : Au bout du compte, que peut-on vous souhaiter ?
S.A. : De continuer sur cette lancée. Avec une suite de Hero Corp : on ira au bout de cette histoire, je me suis de toute façon engagé auprès des gens. Continuer à faire ce métier-là, avec cette équipe-là, pour défricher plein de thématiques. Continuer à avoir la chance de faire ce que je fais dans ces conditions-là. Si un jour, on peut avoir un peu plus de moyens, pour aller un peu plus loin, c’est cool. Mais déjà, on est heureux de pouvoir raconter ces histoires-là avec des gens qui nous soutiennent, c’est super. Je veux juste que ça, ça continue.
Entretien réalisé le 12 novembre 2013.
Hero Corp saison 3 : sortie du coffret DVD le 10 décembre. La bande dessinée Hero Corp, tome 2 (« Chroniques ») est en vente depuis le 20 novembre.
La rédaction du Daily Mars tient à remercier toute l’équipe d’Hero Corp pour sa disponibilité et son enthousiasme à répondre à nos questions. Merci aussi à France 4 de nous avoir ouvert la porte. Nous désirons enfin remercier Alexandra Mariez de Village-RP, qui a rendu possible ces interviews, et cela avec beaucoup de compétence et de patience.
Merci Simon et merci au Daily Mars !
Merci Daily Mars pour ces interviews. Ça a été un plaisir de les suivre semaine après semaine.
Ce soir, c’est le dernier épisode d’Hero Corp, je serai devant mon écran avec une grosse boite de mouchoirs et des gâteaux au chocolat…
Merci le Dailymars !
Très bonne couverture du projet.
Maintenant que la diff est finie, et même si j’ai apprécié, je m’interroge:
A-t-il déjà eu le feu vert pour la saison suivante?
Si ce n’est pas le cas, quelle arnaque de Cliffer la fin de saison sans savoir s’il pourra continuer ! !
Croit-il ainsi forcer la main du diffuseur?
Est-il capable de finir une saison correctement? après avoir traîné en longueur le développement (je vais au fort, j’en revient, j’y repart, j’en reviens, j’y reste, j’en sort, etc.. en fait, il suffisait de passer par les sous-terrains et on va ou on veux.)
Une vraie fin avec une ouverture sur la suite, cela semblait trop difficile a faire ?
La S3 est une miraculée, la 4 peut très bien arriver dans 5 ou dix ans!
Il a de la chance que France4 veut se faire une image dans le genre.
Même si c’est une série attachante, j’apprécie pas le procédé.
je signale que quand les ricains nous laissent en plan avec leur cliff non élucidé, tout le monde proteste et là, il faudrait accepter sans broncher?
Son frère avait réussi à boucler ses saisons tout en laissant de la place pour continuer, mais sans se faire piéger.
Alors si Simon.A a déjà le green pour la saison4, je retire tout ce j’ai dis.
Un dernier point:
J’espère que cette saison lui aura aussi fait comprendre qu’on ne peut pas tout faire en même temps, il doit avoir un co-réalisateur, voire même un réalisateur tout court au manettes, car la série mérite une mise en scène plus inventive, plus riche, plus réfléchie pour rendre une bonne spatialisation entre les multiples action et personnages.( on ne sait souvent plus qui est ou par rapport à qui et à ou…voyez, c’est pas clair!)
Rendez vous pour la prochaine saison, très bientôt j’espère !!