
Simon Astier, Hero Corp Saison 4 : Apprendre à vivre avec ses démons
Noël, pour beaucoup c’est le temps des vacances au coin du feu. Et Hero Corp est revenue avec une saison 4 démoniaque ! Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Pour fêter ça, le Daily Mars vous propose une interview de Simon Astier sur la saison 4 d’Hero Corp, réalisée pendant les 2 jours fous du Toulouse Game Show 2014.
Daily Mars : Alors, content de cette saison 4 ?
Simon Astier : Très content de cette saison 4. C’est la meilleure de toutes. Elle est meilleure parce que mine de rien, depuis le début on s’investit dans cette série mais on n’a pas envie de faire travailler nos équipes pour rien. Donc c’est la production qui a investit plus, qui a mis ce qu’il fallait pour qu’on puisse monter un peu plus en exigence, pour qu’on ait un peu plus le temps de bosser, et la différence je pense qu’elle est flagrante. Il y a les moyens mais surtout, il y a ce qu’on raconte et ce que moi je veux raconter dans cette saison.
Je ne veux pas faire de la psychanalyse de comptoir mais avec Hero Corp, je vis un truc assez dingue. L’histoire à la surface c’est une aventure épique, mais je me sers beaucoup de moi, sans que ce soit factuel. Réellement, c’est le passage à l’âge adulte qu’on raconte dans cette série. Dans la saison 4, il y a une nouvelle dimension qui arrive, une prise de responsabilité. Tous les personnages sont mis à l’épreuve, ils doivent tous laisser tomber une mue pour pouvoir avancer pour la suite qui, à mon avis, sera la fin. C’est une saison un peu déclic pour moi, on joue une note très juste sur la saison 4. On a trouvé la meilleure formule pour faire cette série, je pense, en termes de format, de rythme, de jeu et de mise en scène.
C’est hallucinant d’avoir le temps de travailler partout ailleurs sauf sur ma série à moi. Donc c’était une frustration qui était là et grâce aux gens qui me suivent j’ai pu me permettre, dans la saison 4, de faire plus de mise en scène. Même si Hero Corp ça reste un projet tellement tendu du début jusqu’à la fin, où on se bat contre tout, ça rassemble des gens qui s’aiment bien dans la vie et qui aiment bien le projet, donc tout le monde est là pour des raisons positives et des raisons qui donnent une bonne énergie. Souvent quand on râle, on se rappelle juste qu’il n’y a pas beaucoup de places, pas beaucoup de chaines de télé et de cases qui permettent à des gens comme nous de raconter des histoires sur des sujets comme ça, c’est précieux en fait. Alors on va gagner de la thune ailleurs et on se retrouve avec les copains et on est très heureux d’être ensemble. Moi je suis heureux de faire ça. Je ne fais plus Hero Corp pour passer à autre chose, je fais Hero Corp parce que j’aime le faire, avec ces gens là et de cette manière là. Je crois en l’équipe, ça se voit dans ma série. Je m’entoure de gens que j’admire, en qui j’ai confiance. Je signe ce projet mais sans certaines personnes il n’existerait pas réellement. Des gens comme Sébastien Lalanne, comme Nicolas Garnier, comme tous les gens qui sont là et qui font cette série.
Ca aide d’être dans une bonne énergie pour aller vers une part plus sombre dans l’écriture ?
La saison 4 n’est pas réellement plus sombre, je trouve. Mais parce que je la connais dans son entièreté. Elle n’est pas sombre, elle est réaliste mais dans l’exotique. On parle de gens, de choses très humaines, mais on le met dans un univers qui n’est pas celui qu’on connait. Je l’ai assumé tard mais j’aime beaucoup parler des gens. Mais j’aime le mettre dans un projet où il y a de la comédie et du fantastique, où il y a des pouvoirs et de la magie. Au final c’est ça le divertissement que j’aime, c’est quand il y a un côté spectaculaire naif. La différence et l’exclusion, on peut parler de toutes ses choses là en banlieue ou dans n’importe quel cadre. Moi, je reçois mieux les messages quand c’est l’histoire avant tout qui me plait. Après ce que veut dire l’auteur et sa sensibilité, on le perçoit. J’ai l’impression que c’est organique en fait. J’ai tendance à aimer le spectacle mais je ne me ferme pas à d’autres formes de cinéma ou de séries, mais j’aime bien quand le cadre est un peu fun.
C’est quoi un bon méchant dans Hero Corp ?
Un méchant qu’on aime. Un méchant qui est devenu méchant parce qu’on l’a trahit, parce qu’on lui a fait un coup de pute quoi, et que, du coup, plutôt que de faire le bien il fait le mal.

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Les méchants dans la vie, les gens qui font du mal, ce sont des gens qui souffrent en général. Au final, je pense qu’on a besoin de s’identifier autant au méchant qu’au héros pour comprendre ses motivations. Un méchant qui est méchant parce qu’il est méchant, j’ai l’impression qu’on s’y attache moins et qu’on peut moins être connecté à l’histoire. Dans ma série, les méchants sont des gens qui ont été bafoués, trahis, humiliés et qui vivent ça comme un truc bouillonnant en eux et qui fait qu’ils deviennent comme ça. Et après il y a Hypnos, mais Hypnos c’est un méchant symbolique, c’est le démon à l’intérieur de John, c’est son propre démon. Chacun appelle ses démons par son petit surnom, on essaie de les combattre une partie de notre vie et puis un jour on se dit juste qu’on va vivre avec. On ne va pas les exciter plus que ça mais ils sont là. On va les apprivoiser, c’est ça que raconte Hero Corp. On est tous habité par des petits démons, des petits singes qui ricanent et qui vous tirent les cheveux, il faut juste savoir exister avec ça. Ça fait partie de la vie.
John va s’entraîner à être méchant ou il va glisser naturellement dans une pente en laissant parler ses démons ?
John va apprendre à trouver les clés pour tenir debout. John il est méchant dès le début. A la fin (de la saison 3) il tue son père. La série parle du fantasme aussi. Le fantasme de quelque nature qu’il soit, on est toujours plus excité par l’avant que par ce qu’il se passe souvent. Au final être méchant c’est avoir un quotidien aussi, c’est devoir mettre en place des plans, des stratégies. John a peur de sa part sombre. Mais une fois qu’il est méchant, qu’est ce qui change en fait ? Il y a quand même des trucs qui changent pour le coup. Au début, il n’a pas trop le contrôle sur ce qu’il est. Lui, il est littéralement incarné par un démon. Qu’est ce que ça provoque chez lui ? Qu’est ce qu’il va en faire ? Est-ce qu’il va le combattre ? Quand il va le combattre, est ce qu’il va rester du monde derrière ? Est-ce que le monde va changer ou est ce que c’est juste lui en fait qui aura changé ? On ne sait pas. Mais c’est un des enjeux principaux de John dans la saison.
Au niveau de l’écriture, le fait qu’il y ait à chaque saison de plus en plus de personnages ça rend la tache plus compliquée ?
Bizarrement, non. Quand tu multiplies les intrigues, techniquement c’est un jeu de couture très particulier, mais au final non parce que les intrigues sont claires. Elles racontent toutes quelque chose et, au service du thème, elles illustrent toutes ce que tu veux raconter. Non, au contraire, c’est même parfois plus simple d’avoir beaucoup d’intrigues, plutôt que juste une. Quand tu n’en as qu’une, c’est pas le même travail.
Est-ce que c’est plus agréable de jouer John le gentil ou John le méchant ? Et pourquoi ?
John, le gars manipulé en début de la saison 3 qui fait la gueule et qui est chiant avec tout le monde, nous énervait beaucoup. En montage, on ne supportait plus de voir ces séquences là. C’est mon monteur qui a pris un grand coup d’air frais quand dans la semaine 6 John est avec sa famille et qu’il se met à se marrer et qu’il est de nouveau avec sa sœur et qu’il est bon esprit. En fait c’est dur, quand on aime les personnages comme j’aime mes personnages, de leur faire vivre des trucs aussi compliqués mais c’était agréable de jouer ce quotidien des méchants, de jouer avec le groupe des méchants. On rentre dans leurs codes, dans leur monde, ils ont leur propre humour. Je ne sais pas trop, c’est agréable de jouer les deux en fait, le moins agréable en fait c’est de jouer le John qui subit. C’est agréable de jouer un John qui est content d’être là.