
Six jours, de Robert Venditti, Kevin Maurer et Andrea Mutti
En pleine commémoration du débarquement allié en Normandie du 6 juin 1944, Urban Comics publie Six jours. Ou l’histoire d’un petit village français qui décide, au mépris de sa propre sécurité, d’aider les soldats américains. Une belle histoire aux intentions un peu trop démonstratives.
L’histoire : 6 juin 1944, Jour J : une flopée de parachutistes de l’armée américaine sont largués au-dessus des campagnes françaises, à 30 kilomètres de leur objectif initial, loin derrière les lignes ennemies. Près du petit village de Graignes en Normandie, où l’horreur de la guerre et le hasard des circonstances unissent les soldats américains et les villageois français dans l’adversité et la fraternité.
Mon avis : Avec son coscénariste Kevin Maurer, Robert Venditti (The Surrogates, Green Lantern) part du récit de son oncle, parachutiste tombé au combat, pour raconter le genre d’épisode de la Seconde Guerre mondiale qui échappe souvent aux gros titres et aux grandes opérations de commémoration. Le titre originel est, à ce titre, plus explicite encore, puisqu’il promet “l’incroyable histoire vraie du chapitre perdu du Jour J”…
On ne les compte sans doute plus, ces “chapitres perdus” de WW2. Ces villages rasés, ces populations massacrées, ces soldats américains recueillis au mépris de sa propre sécurité, ces maquisards et autres résistants cachés ou livrés. Le village d’Oradour-sur-Glane reste un symbole des exactions commises par les soldats allemands à la fin de la guerre : un village détruit, 642 personnes assassinées en une journée…
Le 6 juin 1944, juste après minuit, ce sont pas moins de 842 avions Douglas C-47 qui larguent trois divisions aéroportées depuis l’Angleterre. C’est le début de l’opération Overlord. Autrement dit, la bataille de Normandie. Les soldats sont dispersés au petit bonheur la chance. La 82e division aéroportée se retrouve ainsi 25 kilomètres hors zone. En cause : les Allemands, qui ont effectué plus de tirs antiaériens que prévu.
Des dizaines d’hommes convergent vers le bourbier au milieu duquel des gens ont cru bon de bâtir un village entier : Graignes. D’emblée, les villageois se portent au secours des soldats US. Ils les ravitaillent, les soignent. Flirtent avec eux, aussi, bien sûr. Et lorsqu’il faut voter pour décider de la stratégie à adopter pour la suite, ils sont peu nombreux, ceux qui claquent la porte aux Américains. Une écrasante majorité votent “oui” au cri de « Vive la France ! ».
Car oui, ce comics sorti juste avant le 6 juin, et que je chronique une semaine et 75 ans après les faits, est parfois très démonstratif dans ses intentions. L’idée n’est pas ici d’explorer les arrière-cours des grands évènements, de chercher la petite bête, la nuance. Tout est posé dès le texte d’introduction « Au cœur de ce récit de guerre, on lira avant tout l’histoire de deux peuples de cultures différentes unissant leurs forces pour le bien commun. Une solidarité dont le monde aura toujours besoin. »
Tout y est. Le parallèle entre la guerre à Graignes et la famille d’un des soldats aux États-Unis. Le GI qui, en revenant vers ses amis avec des munitions, se prend un tir de mortier et est sauvé par la volonté et le courage de son compagnon d’infortune. Pour finir sur la lettre aux parents d’un soldat mort au combat… Tout y est.
Pas de vraie nuance, donc. Ce n’est pas le propos de ce livre qui profite du dessin simple et maîtrisé d’Andrea Mutti, qui excelle dans les scènes d’explosions et de combats. Six jours n’est pas là pour nous faire réfléchir aux tenants et aboutissants d’une guerre mondiale, d’un conflit dont les échos résonnent encore et dont les racines ne se limitent pas à « la tentative de revanche de méchants nazis sur le reste du monde ». Ce livre est un témoignage, l’illustration d’un événement qui, sinon, n’aurait peut-être jamais été raconté.
Un évènement exemplaire mais pas unique dans la longue trame qui s’étira sur près d’un an, du 6 juin 1944, jour du débarquement en Normandie, jusqu’en mai 1945 avec la capitulation sans condition du Troisième Reich, voire jusqu’au 2 septembre 1945, fin officielle de la guerre et capitulation de l’empire du Japon.
Si vous aimez : … les récits de guerre avec davantage d’ampleur et de profondeur, tentez La Grande Guerre de Charlie, BD britannique scénarisée par Pat Mills (WW1) et Scott Goodall (WW2) et dessinée par Joe Colquhoun.
En accompagnement : une (re)vision du Jour le plus long, monument cinématographique de 171 minutes, un all-star movie tant à la réalisation qu’au scénario et au casting, sur une musique de Maurice Jarre.
Six jours
Écrit par Robert Venditti et Kevin Maurer
Dessiné par Andrea Mutti
Édité par Urban Comics