Les séries mésestimées : Sleeper Cell (2005/2006)

Les séries mésestimées : Sleeper Cell (2005/2006)

La cellule terroriste dormante de Sleeper Cell, saison 2. Photo Swift Production

Une menace terroriste. Des musulmans intégristes. Des agents du FBI. Une taupe. Le tout sur la chaîne Showtime, bien avant que tout le monde ne crie au génie devant Homeland. Imaginée par Ethan Reiff et Cyrus Voris, Sleeper Cell est sans doute une des séries les plus injustement méconnues des années 2000: on vous dit pourquoi ce n’est pas normal.

 Amis. Voisins. Maris. Terroristes. En quatre mots, avec une tagline puissamment sobre, la saison 1 de Sleeper Cell dit déjà tout, ou presque.

A sa sortie de prison Darwin al-Sayeed, musulman pratiquant, rejoint une cellule terroriste islamiste conduite par le mystérieux Faris Al-Farik. Installé depuis de nombreuses années sur le sol américain, Al-Farik se pose comme le leader bienveillant d’une communauté, un pacifiste au sourire séduisant. La vérité, c’est que sous des dehors tout à fait polissés, cet homme prépare une attaque terroriste d’envergure sur Los Angeles. Et qu’il ne reculera devant aucun sacrifice pour atteindre son objectif.

Depuis le 11 Septembre et l’avènement de 24 Heures chrono, rares sont les séries qui sont parvenues à prendre à bras le corps toute la complexité de la question terroriste, et surtout à faire le distingo entre musulmans et islamistes intégristes. Sleeper Cell est sans doute la production qui a le mieux atteint ce but.

En plaçant un musulman aux côtés de combattants du Jihad, Ethan Reiff et Cyrus Voris – déjà créateurs de Brimstone/Le Damné, autre série injustement oubliée- sont parvenus à éviter bon nombre de poncifs pour développer un récit fort, laissant une place réelle à la tension psychologique.

Darween et Faris, deux hommes et deux regards radicalement opposés sur l’Islam. Photo Swift Production

Sleeper Cell est le prototype même de la série qui a de grosses baloches : développant patiemment son propos, elle redonne à la menace terroriste toute sa dimension anxiogène sans jamais multiplier les scènes de violence physique. Et quand celles-ci surviennent, leur impact s’en retrouve démultiplié.

Au fil des épisodes, on découvre également une très troublante succession de portraits, démontrant que le terrorisme est un phénomène plus que protéiforme. Outre Faris, un homme pour qui le Jihad justifie toutes les atrocités et qui se voit en martyr pour la Cause, on croise également Ilija, Bosniaque qui a survécu à la guerre en Yougoslavie et qui en veut aux Occidentaux de n’avoir rien fait pour empêcher plusieurs massacres.

Il y a aussi Christian, qui était  un skinhead un an avant que ne débute la série. Originaire de France, il s’est converti après avoir épousé une Marocaine. Tommy, enfin, est Américain: viré de l’armée pour avoir tabassé un sergent, il s’est converti pour faire chier sa mère, avec laquelle il a de très mauvais rapports.

Souvent considérée comme l’anti 24 Heures Chrono, Sleeper Cell est surtout proche, dans l’esprit, d’une très grande série des années 80 : Wiseguy/Un Flic dans la Mafia. Comme Vinnie Terranova dans la production de Stephen J. Cannell, Darwin al-Sayeed avance toujours sur un fil. Et plus il approche du but, plus l’objectif initial semble lui échapper tant les choses sont complexes.

Christian Aumont, ex-skinhead et… Français: chez Sleeper Cell, quand on imagine un ennemi, on ne fait pas semblant. Photo Swift Production

Sombre, dure mais pas complètement désespérée, Sleeper Cell n’aura duré que deux saisons. Et si la première année est un vrai bijou, la seconde moins bien maîtrisée. Il n’empêche : emmenée par un bon Michael Ealy (meilleur que dans The Good Wife saison 2, en tout cas) et un excellent Oded Fehr, la série de Reiff et Voris est sans doute celle qui pousse la logique de la série parano le plus loin. Parce qu’elle exploite d’abord et surtout l’angle humain.

 

SLEEPER CELL

Série créée et showrunnée par Ethan Reiff et Cyrus Voris (18 épisodes, deux saisons diffusées en 2005 et 2006 sur Showtime)

Avec Micheal Ealy (Darween al-Sayeed), Oded Fehr (Faris Al-Farik), Blake Shields (Tommy Emmerson), Alex Nesic (Christian Aumont), Henri Lubatti (Ilija Korjenic), Melissa Sagemiller (Gayle Bishop), James Legros (Agent spécial Ray Fuller, saison 1). 

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