
Spider-Man New Generation: les toiles animées
Lorsque Miles Morales, jeune lycéen de Brooklyn se retrouve doté des fameux pouvoirs de l’araignée, ce sont les autres Spider-Man des dimensions parallèles qui viendront l’épauler pour empêcher une catastrophe multi-dimensionnelle de raser la ville de New York. Bienvenue dans le Spider-verse et dans une nouvelle génération.
Si quelqu’un m’avait dit un jour que la franchise Spider-Man reviendrait au cinéma dans un film d’animation, je l’aurais traité de fou. Mes derniers souvenirs super-héroïques animés dans les salles obscures remontent à bien longtemps, le jour où le Fantôme Masqué affrontait Batman dans un film dantesque basé sur la cultissime série du justicier. Plus de vingt ans plus tard, Spider-Man: Into the Spider-verse (le titre VO de cette nouvelle mouture) tente une nouvelle entrée par l’animation débridée. Toute cette histoire remonte au fameux hacking de Sony en 2014, qui révélait que le duo Phil Lord et Chris Miller (Lego Movie, Tempête de boulettes géantes, les deux Jump Street) planchait sur une nouvelle aventure censée rajeunir la licence. Sony Pictures Animation possède un département de développement chargé de proposer des concepts neufs pour tous types de films. On se doute que les grands pontes du studio passaient dans le coin et ont repéré ces essais graphiques étonnants, avant de faire appel au duo de réalisateurs pour coucher une histoire sur le papier et profiter de ce style inédit. Et au passage, quoi de plus naturel que de récupérer Miles Morales, créé par Bendis et Pichelli dans la branche Ultimates de Marvel en 2011, pour le faire collaborer avec les principales itérations des différents univers de l’araignée. On oublie les origins story de Peter Parker et on passe aux choses sérieuses.
Si ce Spider-Man New Generation marque autant les esprits, c’est avant tout par son style visuel détonnant, loin d’être conventionnel. Exit les productions semi-réalistes à bases de défis technologiques ou de simulations de cheveux à ne plus savoir qu’en faire chez Pixar/Disney, les équipes de Sony Pictures ont choisi quelque chose de bien plus tranché et dynamique, effets de tramages et de pointillismes à l’appui. Tout est fait pour s’abroger des codes de l’animation classique, comme ces aberrations chromatiques surchargées qui viennent accentuer des effets de focale explosifs, ou encore des cuts rapides où l’image se transforme l’espace d’un instant en une case de BD. Le film rappelle avec bonheur que Spider-Man est avant tout un comics. Les onomatopées jaillissent verticalement à travers les plans, ça expérimente dans tous les sens – animation tantôt fluide, tantôt saccadé – et ça n’a jamais peur de bousculer le spectateur dans son imaginaire en créant un vrai comic book movie. Les personnages eux-mêmes s’amusent avec le côté méta de la chose, sur leurs conditions de héros de comics, comme un artifice délirant qui participe à la fraîcheur de l’ensemble sans être jamais lourdingue comme peuvent l’être parfois les adaptations de Deadpool.
Tout rappelle les cases d’une issue de Spider-Man : des poses flamboyantes aux lignes fortes dans les scènes d’actions plus cut, avant d’accentuer les traits dessinés des personnages sur des séquences d’émotions. Car en plus d’avoir un visuel fort et incroyable, Spider-Man New Generation peut se targuer d’adapter le message bienveillant de notre spider-héros préféré dans un modernisme bienvenu. En mélangeant le contexte social avec la multiplicité ethnique des personnages, en premier lieu Miles Morales, le film insiste sur l’aspect universel de ce regard, où chacun peut devenir un héros, chacun peut porter le masque, et de ce fait implique n’importe quel spectateur puisque personne n’est laissé derrière. C’est l’idée brillante derrière l’utilisation de ce multivers, au-delà de retrouver une savoureuse version de Spider-Man Noir porté par Nicolas Cage, une Spider-Gwen dont on adorerait retrouver dans un spin-off ou un Peter Parker bedonnant et franchement touchant. Tout le monde peut devenir Spider-Man.
Certes, le script patine un peu sur quelques points de l’arc de Miles, en particulier autour de ses proches dont on aurait aimé quelques scènes supplémentaires pour y apporter la profondeur dramatique qu’il essaye d’atteindre, et il faudra un petit temps d’adaptation pour s’habituer aux particularités chromatiques du film. Mais au vu de la prise de risque visuelle, parvenant même à se justifier en la mettant au service des personnages, on ne peut que jubiler à la vision de ce Spidey animé. Il fait non seulement rentrer Miles Morales dans la mythologie grand public grâce à un héros attachant au parcours initiatique passionnant, mais il parvient à proposer quelque chose de neuf dans un univers super-héroïque que l’on croyait désespérément emprisonné dans une boucle sans fin. Probablement la belle surprise de cette fin d’année.
Spider-Man: New Generation (Spider-Man: Into the Spider-Verse)
Réalisé par Peter Ramsey, Bob Persichetti et Rodney Rothman
Avec les voix de Shameik Moore, Jake Johnson, Hailee Steinfield, Nicolas Cage…
Sortie le 12 décembre 2018