
Stranger Things : Am I still pretty ?
Autant vous dire que c’est la bagarre au Daily Mars, entre les pro-Stranger Things et les anti. À l’instar de Guillaume Nicolas, nous sommes ici dans la team pro. Car bien qu’il y ait à redire (beaucoup), sur les rôles féminins et l’usage de tropes dont nous parlerons (surtout autour de la pauvre Nancy), il y a aussi pas mal de pour. Bien entendu : SPOILER ALERT !
Eleven et Nancy
« Am I still pretty ? », demande Eleven, une fois sa perruque retirée. Son amoureux, le petit Mike, ne dément pas. Au contraire, et cette fois-ci sans fard, il la rassure à nouveau, utilisant volontairement le mot « pretty » / jolie. Eleven/Elfe/Jane n’a jamais eu une enfance normale, kidnappée on le suppose à sa naissance. Habillée en garçon, cheveux rasés, elle est prise pour tel. Elle n’a d’ailleurs aucun tabou à se déshabiller devant des personnes de sexe opposé. Mais les garçons, eux, la traitent tout de suite en tant que fille. Non pas en lui demandant de retourner faire la dînette, mais en étant choqués de la voir nue. Pour la faire pénétrer dans l’école, ils décident de la déguiser, avec perruque et vieille robe rose. Bien entendu, ça fait grincer des dents. Mais Eleven se promène alors dans la chambre de Nancy, sœur aînée de Will. Et là, on se rend compte. Ce n’est pas tant la robe et la perruque qu’elle désire. C’est l’univers qui lui est associé.
Nancy, tiens en voilà une qui pourrait n’être que clichés ! Elle est jolie, elle sort avec le « bad boy » de l’école, elle y perd sa virginité. Pourtant, et c’est l’un des développements de personnages les plus intéressants de la série, Steve ne devient pas un immonde connard. Tout comme elle ne sortira pas avec le frère de Will, Jonathan, alors qu’ils ont partagé bien plus que quelques bisous. Véritable guerrière, on regrette cependant que ce ne soit pas elle qui ait sauvé Jonathan de l’attaque de la créature, mais Steve. Elle fait ses choix, dans une société où on attend d’elle d’être belle et de savoir faire à manger – même si cela entraîne la mort de Barbara.
La créature
La créature, elle, n’est pas féminine, ni masculine. Entièrement nue, on ne voit pas d’organes génitaux. Dans la version anglaise, on la désigne d’un genre neutre, « It ». Pourtant, on a l’impression qu’elle cherche à se reproduire, notamment dans la scène finale, et quand on découvre le jeune Will, prisonnier d’un tube qui n’est pas sans rappeler le « facehugger » d’Alien. En cela, « It » pourrait être de genre féminin ou asexué et rejoindre en partie les travaux de Marika Moisseeff, qui a notamment travaillé sur la procréation et Alien (La procréation dans les mythes contemporains : une histoire de science-fiction). La fin de la saison est bien entendu ambiguë, mais laisse supposer qu’elle tente de se reproduire, ou en tout cas de continuer à exister en utilisant des corps hôtes. Il est alors à noter que la personne qui lui fait mordre la poussière est une enfant. Une jeune fille, au corps pas encore développé, et à l’allure d’un petit garçon (Eleven a alors un pantalon, et une tenue trop grande pour elle). Androgyne contre androgyne, créature adulte contre enfant humaine, elles sont pourtant destructrice (Eleven), et créatrice (celle qui féconde). Après tout, « It » ne cherchait qu’à se nourrir, et c’est Elfe qui est venue perturber son monde. On verra bien dans une saison 2 comment évoluent ces relations.
La maternité, dans la série, est d’ailleurs douloureuse. Qu’il s’agisse de Karen, la mère de Will et Nancy, qui n’arrive jamais à comprendre ses enfants, ou la peur et la folie d’une Joyce qui a perdu son fils mais que personne ne croit. Le portrait des mères les montre comme des créatures déboussolées, absentes dans le monde des enfants, et pourtant toujours présentes quand on en a besoin. Karen qui prend son fils dans les bras. Joyce qui ne s’arrête pas de croire que son fils est vivant. De là à ce que les mères viennent d’un autre monde par rapport à leurs enfants, il n’y a qu’un pas.
La créature, Eleven, Nancy, mais aussi sa mère, ou encore la femme de la CIA qui se fait passer pour la gentille. Autant de facettes qui pourraient n’être qu’un seul et même personnage. Le monstre, l’enfant, l’ado, la mère, la tueuse. Ajoutons Barbara, et nous avons l’amie. Barbara, c’est un peu nous, ces spectateurs qui n’ont pas forcément de lien avec la créature, et qui se font happer par la série. C’est nous, quand nous sommes « Sam » et que l’on veut rentrer, mais que tout le monde boit, ou nous, qui avons emmené une copine en soirée parce qu’elle voulait rencontrer quelqu’un mais pas y aller seule. Elle a su toucher les spectateurs, car c’était une victime inutile. Nancy n’avait pas besoin de ça pour se battre.
Chaque femme reste pourtant complexe, chacune avec une personnalité à plusieurs niveaux quand on prend le temps de s’attarder. Nancy dit à Jonathan de se taire, quand il essaie de la culpabiliser sur sa première fois avec Steve (« je vois qui tu es vraiment, et ce n’était pas cette fille-là »). Si ! Nancy n’est pas que la jolie fille qui se laisse avoir ! Elle fait ce qu’elle veut, avec qui elle le veut. Eleven n’a pas connu la même enfance, mais elle se bat pour échapper à un univers froid d’expériences scientifiques et découvre l’amitié. Même avec Lucas, qui l’aidera à se réchauffer après sa scène dans la piscine. La créature cherche à survivre, et potentiellement, à se reproduire (ou se constituer un sacré garde-manger). Elle n’attaque que ceux qui saignent, donc des proies. Et son lien avec Eleven est finalement bien involontaire…
Eleven ou Nancy ne sont pas pretty, jolies. Elles sont au-delà de ça. Elles sont copines, petites copines et combattantes. Les femmes sont ce qui fait de Stranger Things une série si intéressante.
Cet article m’a bien fait sourire. La soi-disant volonté reproductrice de la créature asexuée est un joli moment de bravoure capilotracté. En tout cas Stranger Things reste un de mes très beaux moments télévisuel de cet été Steph
C’est pas tant de la bravoure que ce que j’y ai lu… Le dernier épisode m’a tellement fait pensé à Alien, c’est une grosse référence. Et que Will crache des limaces dans son lavabo en ayant l’air très malade ne renforce que cette impression, notamment après la lecture des travaux de Marika Moisseef. Après, je me goure peut-être totalement, j’attends la S2 avec impatience.
Passionnant !
Mais bon ce serait mieux sans les fautes de grammaire
@Lulu
La responsable de la relecture sur cet article – moi, en l’occurrence – vous présente toutes ses sincères excuses pour avoir gâché votre plaisir de lecture.
Le fait que je sois en total désaccord avec cette analyse de la série Stranger Things m’aura sans doute troublé la vue. Mais non, ce n’est pas une tentative de sabotage ! (Enfin, pas consciente…)
SABOTAGE !
(merci beaucoup @Lulu, et désolée d’avoir laissé des horreurs dans le texte)