
Sujet 375 : Asperger 007
Mélanger personnage principal asperger, polar et prison. C’est le pari de Nikki Owen pour un premier roman réussi.
L’histoire : Elle s’appelle Maria Martinez. Elle a été jugée coupable du meurtre violent d’un prêtre anglais. Oui, mais voilà, elle ne s’en souvient pas du tout. Atteinte du syndrome d’Asperger, la voilà en prison, en train de lutter pour ses souvenirs, et tenter de comprendre comment fonctionne cette nouvelle vie.
Mon avis : Habituellement, je n’apprécie pas du tout les romans écrits à la première personne. Et pourtant, dans ce cas, l’écriture se révèle nécessaire et agréable. En effet, il s’agit de comprendre, non seulement la vérité sur un meurtre (et il est tout à fait possible que Maria soit coupable d’homicide), mais aussi comment fonctionne quelqu’un atteint d’Asperger. Alors, ok, il s’agit d’un syndrome « à la mode » et je suis incapable de dire si ce récit romance ce syndrome ou retranscrit correctement ce qui se passe dans la tête des personnes qui en sont atteintes.
Réfléchir différemment, essayer de comprendre ce qui se passe, entre paranoïa et légitime méfiance, c’est ce que propose Nikki Owen pour ce premier ouvrage d’une nouvelle trilogie. Mais le roman se suffit d’ailleurs largement en lui-même… Oui, mais on a envie d’en savoir plus. Certains personnages semblent un peu trop arrivés là par hasard. Ne font-ils pas partie d’un complot encore plus grand ? Comme Maria, nous nous mettons à réfléchir. Rien n’est sûr.
Alors, là voilà. Face à un nouveau thérapeute, elle, la jeune femme de Salamanque (où a étudié l’auteure). Nous sommes au début de l’histoire. Maria doit comprendre et raconter, raconter. Sauf que l’homme en face d’elle, est-il aussi vraiment de son côté ? Les mots sont difficiles, ne pas savoir comment se comporter est dur. Et d’où viennent donc ces amnésies qui jaillissent à travers son récit ? Comment agir quand on ne sait pas être maître de son propre corps ? Et l’enquête qui avance à petits pas. Et si la théorie de la conspiration avait raison ? Bref, un excellent ouvrage, qui se dévore d’une traite, et une héroïne qui est attachante et surtout différente.
Autour du livre : Le tome 2, Projet Callidus, est prévu pour octobre 2016. Cela vous laisse le temps de rattraper cette lecture, qui achève quand même l’enquête. NBC a posé une option sur la trilogie pour une possible adaptation sérielle.
Si vous aimez : La série Le Caméléon qui a rencontré le livre Bad Monkeys de Matt Ruff.
Extrait : » Déshabille-toi », répète-t-elle avant de boire une nouvelle gorgée.
Ma poitrine est contractée, les paumes de mes mains trempées de sueur. « Je ne peux pas me déshabiller, dis-je au bout d’un moment, d’une voix basse et tremblante, sur le point de craquer. Ce n’est pas l’heure du coucher, ni de la douche, ni des relations sexuelles. » Gardienne n°2 recrache une gorgée de thé. « Putain. » Elle sort un mouchoir de sa poche et s’essuie le visage. « Bon Dieu. Ecoute, dit-elle en roulant le mouchoir en boule, je vais te le répéter une dernière fois, Martinez. Tu dois enlever tes vêtements pour qu’on puisse te fouiller. » Elle marque une pause. « Sinon, je serai obligée de te déshabiller moi-même. Et tu seras placée en cellule d’isolement. »
Elle croise les bras et attend.
Je m’essuie la joue. « Mais… ce n’est pas l’heure de se déshabiller. » Je me tourne vers l’autre gardienne, la supplie du regard. « S’il vous plaît, dites-lui. Ce n’est pas l’heure. »
Sortie : octobre 2015, éditions Super 8, 280 pages, 18 euros.
Bonjour
Je connais le syndrome d’Asperger, mon fils aîné en est atteint.
Je tiens à dire que ce n’est pas une « maladie » donc éventuellement curable mais un syndrome c’est à dire quelque chose qui est constitutif de la personne.
C’est une manière de considérer le monde, les mots, les relations, etc tout à fait particulière et différente selon chaque « aspie ».
L’extrait que vous citez me fait davantage penser à de l’autisme plutôt qu’à un Asperger réel,sans vouloir minimiser un livre que je n’ai pas lu.
Je suis un peu fatiguée de ce phénomène de mode, limite foire, autour de ce syndrome.
Amicalement
Bonjour Barbara. Tout d’abord désolée pour le terme maladie, qui vient d’être retiré du texte. Mes plus plates excuses.
Et j’ai vraiment apprécié le livre mis je ne connais rien sur Asperger… L’héroïne est aussi capable de mémoriser rapidement les choses mais ne sait pas décrypter les émotions… Si vous le souhaitez, envoyez moi votre adresse postale par le biais de la par contact, et je vous ferais suivre l’ouvrage pour avoir votre opinion.
Merci encore de vos remarques.
Bonjour
C’est vrai que les Asperger ont généralement une très bonne mémoire mais c’est souvent axé sur des thèmes précis,hyper pointus.Quand ils sont passionnés, ils connaissent absolument tout sur la question.
Le décryptage des émotions des autres est leur grande faiblesse.Ils se savent pas reconnaitre un ton de voix, une expression, un regard qui serait clair pour n’importe qui.C’est comme une langue étrangère à apprendre pour eux. Ils ont souvent du mal à regarder les autres dans les yeux et leur ton de voix peut sembler un peu mécanique ou étrange.
Ils ont beaucoup de mal à se faire des amis mais ce n’est pas impossible.
Ils ont des émotions mais le montrent différemment.
Bref, ce ne sont pas des phénomènes de foire même s’il faut accepter leurs particularités.
Désolée d’être aussi longue, c’est un sujet qui m’est cher car on a mis très longtemps à comprendre « ce qui n’allait pas » chez mon fis. Il n’a été détecté qu’à 16 ans et j’en connais qui l’on été bien plus tard.C’est très mal connu en France et les « aspie » courent, les psy de toutes sortes, les médecins de toutes spécialités, orthophonistes, écoles spécialisées pour enfants difficiles, … avant d’être diagnostiqués. C’est très dommageable pour tout le monde, y compris la société qui pourrait les intégrer bien plus facilement si on connaissait leur mode de fonctionnement.
Merci pour votre proposition, je vais vous envoyer mon adresse.
Bonnes fêtes.