Summer Flashback (8/10): Hitcher de Robert Harmon (été 1986)

Summer Flashback (8/10): Hitcher de Robert Harmon (été 1986)

Note de l'auteur

Voici un bien triste aveu. Dans les années 80, je n’avais pas d’amis cinéphiles. Trouver un pote prêt à se décoller de son Commodore 64 ou de son Amiga ST pour aller au cinéma, était chose impossible. Même si nous étions tous de la graine de Geek (étiquette donnée bien plus tard), je n’évoluais pas dans la même catégorie. Je passais donc mes étés dans les salles obscures à profiter de la climatisation en découvrant autant de films que possible. Et quand ce n’était pas en salle, c’était après un passage aux vidéos club (sur des VHS usées jusqu’à la corde… Magnétique). Pendant que mes potes s’échangeaient des Floppy Disk pour s’extasier du mouvement de quelques pixels, je me rendais seul, mais euphorique, vers des univers bien plus larges et jouissifs.

Chaque été et comme point de départ de mon marathon estival cinéphilique, j’allais systématiquement voir tous les films récompensés par un Grand Prix ou un prix du jury. Évidemment, mon choix se portait plus spécifiquement sur ceux décernés par les festivals de genre. Le festival International du Film Fantastique d’Avoriaz ou encore le Festival du Film Policier de Cognac.

C’est donc en juin 1986 que j’allais débuter ma saison d’été avec Hitcher de Robert Harmon. Un thriller qui remporta trois prix au festival de Cognac, cette année-là, dont le Grand Prix. Mon magazine ciné préféré de l’époque, le Starfix N°38, titrait en couverture :  « Duel Au Soleil – HITCHER Moderne, Brutal » De quoi rajouter de l’envie sur le feu.

Le pas hardi, je me dirigeais au guichet pour acheter mon ticket à 20 francs, soit 3 euros 76 (Et oui ! ça nous faisait 3 films pour le prix d’un, aujourd’hui) et je m’engouffrais dans la salle 1 du Buxy – mon temple. Le temps d’une petite pause « deux doigts coupe faim » avec « la bière qui fait aimer la bière » ou du « lait parce que c’est gai », « Jean Mineur Publicité – Balzac 00.01 » annonçait l’extinction des lumières, tant attendue.

Le film commençait. Une ambiance déjà pesante. Quatre minutes de plans sans dialogues, accompagnés d’une musique sobre et atmosphérique. Notre héros est au volant d’une voiture, roulant la nuit. Il s’endort et manque de finir sa course dans la carlingue d’un gros truck américain. Pour l’accompagner et l’empêcher de s’endormir à nouveau (on suppose), il prend un autostoppeur. Il ouvre la portière et dit la première ligne de dialogue du film : « Ma mère m’a dit de ne jamais faire ça. » . Et dans les minutes qui suivent, nous allons comprendre pourquoi sa mère lui a dit ça et pourquoi cet abruti aurait dû écouter sa génitrice.

La claque ! Je ne m’y attendais pas. Une montée en puissance de l’angoisse terrifiante, un Rutger Hauer en autostoppeur psychopathe effrayant, une atmosphère brûlante et moite, des situations inextricables, des rebondissements à tout va… Une vraie surprise. C’est vrai qu’à cette époque, on ne croulait pas sous les teasers, les trailers et les featurettes en tout genre. La surprise était totale.

Le film terminé, il y a ce moment capital après le voyage. Ce moment où lorsque vous poussez la porte de sortie de la salle de ciné, vous emmenez un peu du film avec vous ou pas du tout. Avec Hitcher, je me rappelle être sorti avec un sentiment d’interrogation et d’effroi. Abasourdi (je ne retrouverais ce sentiment qu’avec Seven de David Fincher, quelques années plus tard). Je suis sorti avec une partie du machiavélisme du psychopathe (Mais pourquoi !?), avec un peu de la solitude du personnage principal face aux évènements qu’il avait subi (Sortez-le de là !) et surtout avec la… (Ok ! Là, je ne peux rien vous dire sans vous spoiler). Pour amplifier mon état psychologique et physique de l’instant, le soleil tapait fort, ce jour là, comme dans le film. Une chaleur brûlante et moite.

Tous les ans, j’avais mis en place ce petit rituel et les années ne se ressemblaient pas forcément. L’année précédente, en 1985, c’était Explorers de Joe Dante qui avait ouvert ma saison d’été. Et en 1987, Evil Dead 2 de Sam Raimi. Le plus dur dans tout ça, c’était le retour à la vie réelle. Celle où il ne se passe rien d’extraordinaire. Celle où quand vous rentrez chez vous, il y a un gamin de 6 ans qui vous colle aux basques, adorablement, pour vous demander :  « Alors !? C’était bien ? Dis ! Dis, c’était bien ? » Alors, vous lui répondez affectueusement, parce que vous ne serez jamais un psychopathe, face à lui : « Oui ! C’était très bien, Gilles. »

Hitcher de Robert Harmon (juin 1986) avec Rutger Hauer, C. Thomas Howell, Jennifer Jason Leigh…

Partager