Superliminal : une question de point de vue

Superliminal : une question de point de vue

Note de l'auteur

Les œuvres qui se servent de la perception 3D sont rares, surtout dans un domaine aussi riche que le jeu vidéo qui peut clairement s’affirmer comme un port-étendard de la tricherie en trompe l’œil. Albert Shih dévoilait en 2014 un prototype tournant autour des jeux de perspective et remporte le prix étudiant. Il n’en fallut pas plus pour qu’il s’entoure d’une dizaine de personnes et s’attèle à la création d’un jeu afin de le sortir cinq ans plus tard. Un titre où le joueur se retrouve embarqué dans un trip sensoriel et visuel sans pouvoir compter sur ses repères. Bienvenue dans Superliminal.

Si vous êtes coutumier de jeux de réflexion en vue FPS du genre d’Antichamber, Superliminal ne vous dépaysera pas. Croisement entre le puzzle game visuel et une narration ludique à la Stanley Parable, Superliminal vous met dans la peau d’un quidam participant à une série de tests basés sur le rêve. Un point de départ qui n’est pas sans rappeler un certain Portal, d’ailleurs. Mais au lieu de résoudre des énigmes en se téléportant de portes en portes, Superliminal va plutôt jouer sur votre perception de la réalité. Les seules actions à votre disposition se résument à la possibilité d’attraper certains objets et de les faire pivoter. La petite subtilité, c’est que relâcher un objet devant vous changera sa taille suivant la distance qui vous sépare de lui. Il donne l’impression de garder la même ampleur mais les murs devant vous sont autant de repères pour y déposer son objet plus ou moins loin. S’il est loin, vous vous rendrez vite compte en vous rapprochant que l’objet a doublé de volume.

Le principe est difficile à expliquer avec de simples phrases et le plus simple reste de jeter un œil au trailer en fin d’article. Une fois les bases assimilées, le jeu va s’amuser sans cesse à vous triturer les méninges et à jouer sur les perspectives. La porte de sortie est trop haute pour vous ? Pas de soucis, il suffit de se saisir de ce cube pour enfant et de le placer plusieurs fois devant vous pour gonfler sa taille et s’en servir pour atteindre les hauteurs. Mais tout comme un Stanley Parable qui s’amuse à manipuler le joueur en cassant les codes du jeu vidéo, Superliminal ne va pas se gêner pour venir vous titiller les neurones, à coups de faux couloirs, de décors cachés derrière une perspective ou simplement vous donner l’illusion d’arpenter un vaste endroit avant de se cogner la tête contre des murs invisibles. Le plaisir de la découverte est constant et on s’amuse de voir le prochain tour de magie que les développeurs nous réservent.

Mais la magie est de courte durée, puisque Superliminal se termine en à peine deux petites heures, montre en main. Si l’expérience est sacrément plaisante, avec une succession de niveaux où l’on ne s’ennuie jamais, difficile d’y voir autre chose que ça. Les énigmes ne poseront jamais de problèmes, et le concept se contente finalement de multiplier les coups de coude au joueur pour le faire réagir sans trop le faire réfléchir. Comme dans un palais des glaces vidéoludique, on en ressort amusé mais pas forcément impressionné. A peine a-t-on le temps de s’habituer à cette nouvelle façon de jouer sur les perspectives et les jeux d’ombres ou à ses autres illusions réussies, que Superliminal se dépêche de clôturer son histoire et de nous balancer sa thématique certes chouette et légitime, mais un peu vaine face au contenu rachitique et au challenge inexistant.

Si Superliminal amuse franchement sur toute sa durée, si courte soit-elle, on ne peut pas s’empêcher d’y voir une occasion manquée pour en faire un grand puzzle-game sur le rêve et les illusions, de la trempe des titres qui resteront gravés dans nos mémoires comme  Portal en son temps. Au lieu de ça, Superliminal se limite à une petite expérience amusante, très réussie dans ses concepts et ce qu’elle entreprend mais qui ne donne pas la sensation d’avoir été menée jusqu’au bout. Et c’est dommage.

Superliminal

Développeur: Pillow Castle
Plate-formes: PC / XBOX ONE
Prix: 16 euros

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