Temple Of The Dog – 25th Anniversary Deluxe Edition (A&M)

Temple Of The Dog – 25th Anniversary Deluxe Edition (A&M)

Note de l'auteur

Pour célébrer le vingt-cinquième anniversaire de la sortie de l’album Temple of the Dog, les anciens mousquetaires de Seattle ont décidé de mettre les petits plats dans les grands. En plus d’une tournée événement qui verra le groupe original rejouer dans les mêmes salles qu’à l’époque, voici que déboule la réédition tant attendue de cette merveille injustement oubliée et difficilement trouvable chez votre disquaire favori. Et en version Deluxe, s’il vous plaît, remastérisée avec du bonus à foison, de quoi tutoyer le paradis ! Littéralement.

Retour en arrière rapide… Si vous avez la quarantaine et que l’on vous demande ce que vous faisiez quand vous avez appris la mort de Kurt Cobain, il y a de grandes chances pour que vous vous en souveniez. Votre serviteur par exemple, prenait le car pour partir en Tchèquie, comme si c’était hier. Seattle était un peu notre Mecque et le Grunge notre secte…

Faut dire qu’il y avait de quoi !!! Nirvana, Pearl Jam, Soundgarden, Alice in Chains, tous des enfants des Pixies et de Sonic Youth qui ont réussi le pari de grossir le public du rock indépendant et de véritablement ressusciter une certaine idée du rock tout court… La ville qui vit naître Jimi Hendrix dans un nuage de brume et de Purple Haze faisait parler la poudre de nouveau, métaphore un peu naze, mais c’est tout ce qu’on a en stock !

Le label Sub Pop qui lança Nirvana (et vice versa) n’était cependant pas le premier à ouvrir le feu (autre image pourrie). Mother Love Bone était là d’abord…

Groupe culte à l’album unique dû au décès prématuré de leur chanteur, les membres de cette formation se dispersèrent pour fonder deux des légendes de l’époque citées plus haut, Matt Cameron pour Soundgarden, Stone Gossard et Jeff Ament pour Pearl Jam. Il faut dire que ces jeunes gens bruyants écoutaient des musiques particulières pour des hardos, fussent-ils grungy. Neil Young, les Beatles, pas très nerveux tout ça ! Pas très en effet.

screen-shot-2016-08-09-at-9-54-48-amTemple of the Dog est un groupe, un disque, et un message d’adieu à Andrew Wood donc, le chanteur de Mother Love bone… Sombre et émouvant, il montre des gars en plein essor qui décident d’enregistrer un truc foncièrement anti-commercial, presque à l’opposé de leurs styles respectifs à cette époque, juste par amour… C’est beau, non ?

Say Hello 2 heaven, titre explicite, ouvre le chef-d’œuvre et c’est la voix de Chris Cornell qui nous perce le palpitant, six minutes d’émotion pure traversées par un solo de guitare désarmant de simplicité… Suit Reach Down, un morceau de bravoure de onze minutes, blues languissant et habité qui n’est pas sans rappeler les sons moites des bluesmen de part et d’autre de la frontière, tu sais, celle que l’autre abruti aimerait bien fermer par un mur.

Et puis, il y a la chanson qui justifie à elle seule la réédition de cette merveille… Hunger Strike, la grève de la faim comme un étendard. Et là-dessus, monsieur Eddie « Pearl Jam » Vedder pose ses mots calmement comme à son habitude, de sa voix profonde et incroyablement mûre pour le môme que c’était… I’m going hungry… repris dans son dos par l’ami Cornell. Cet album n’est rien d’autre qu’un jam géant entre potes géniaux à une époque bénie ! Mais attendez, c’est pas fini !

On enchaîne direct sur un embryon du futur Soundgarden alors en gestation, Pushing Forward Back, qui annonce la tempête à venir tout en lorgnant du côté d’un boogie suintant à la sauce texane que n’aurait pas renié Billy Gibbons. Call Me a Dog, encore plus bluesy que tout le reste, vient nous récupérer façon Lennon à New York dans sa période « veste militaire », c’est trop bon, c’est inattendu, c’est juste grand. Le reste se savoure pareil, entre classicisme absolu et évocations du père Neil Young (Wooden Jesus) mâtiné de ce son si particulier qui faisait de ces groupes LE truc excitant du moment.

Bref, c’était indispensable, culte, profondément génial et presque introuvable en CD, ou a des prix prohibitifs sur les plateformes d’achat en ligne ! Reste le téléchargement certes, mais il est où le plaisir de parcourir le livret et d’admirer la pochette, mmh ?

totd_digi_r1v2_1024x1024Enfin ça, c’était hier, car nos mousquetaires de l’état de Washington ont eu la riche idée de remettre le couvert à l’occasion des 25 ans de la sortie de ce chef-d’œuvre en nous offrant cette version Deluxe au contenu réellement passionnant ! Des démos au son un poil approximatif, mais qui ont le mérite de nous installer un petit tabouret dans un coin du studio, quelques chutes telle cette version primitive de All Night Thing qui respire l’errance dans des rues qu’on imagine vides et chichement éclairées par des lampadaires sans âme, et deux inédits dont l’étonnant Black Cat, une fantaisie sur fond de clochettes mettant en scène la voix de Chris Cornell soutenue par une guitare en mode slide sans artifices, de quoi faire dresser les poils !

Et bien sûr, et c’est là le principal intérêt de cette réédition, l’album original intégralement remixé par nul autre que Brendan O’Brien, l’architecte du son de Pearl Jam depuis plus de vingt ans ! Du très lourd donc… Reste juste à placer la galette sur la platine, fermer les yeux et se laisser transporter vingt-cinq ans en arrière en compagnie de ces six mecs qui s’apprêtaient, excusez du peu, à enregistrer deux des pierres angulaires du rock des années 90, Superunknown et Ten, en trouvant tout de même le temps de rendre hommage à leur pote avec cet album plus que parfait. Respect.

Partager