Night Call, de Dan Gilroy : le Test du Blu-ray

Night Call, de Dan Gilroy : le Test du Blu-ray

Note de l'auteur

Première réalisation du scénariste Dan Gilroy, Night Call rejoint une longue tradition de films américains raillant les dérives de la course à l’audience, tout en dressant le portrait d’une terrifiante obsession individuelle. Pas très original, mais l’efficacité de la mise en scène, l’humour noir et la folie à l’écran de Gyllenhaal justifient amplement le spectacle.

PACKSHOT NIGHT CALL BLU-RAY

LE FILM : 4/6

Dans la famille Gilroy, je demande le fils cadet : Dan Gilroy, donc. A ne pas confondre avec son dramaturge de père Frank Gilroy, son réalisateur/scénariste de frère aîné Tony Gilroy (coupable du dernier Bourne, oui, bon…) et son monteur de jumeau John Gilroy, qui a d’ailleurs officié sur ce Night Call ainsi que sur Pacific Rim et Michael Clayton. Lequel fut d’ailleurs aussi réalisé par leur frangin Tony. Le cinoche, l’écriture, c’est un virus familial chez les Gilroy et, avant de commettre son premier film comme réalisateur sur le tard (55 ans) avec Night Call, Dan Gilroy gagnait principalement sa croûte comme scénariste à Hollywood depuis une vingtaine d’années. Et pour son baptême du feu de metteur en scène, il démontre une belle maîtrise formelle au fil d’une plongée nocturne élégante, racée, zébrée de magnifiques panoramiques du downtown L.A by night éclairé par le chef op’ Robert Elswit (un proche de la galaxie Clooney/Gilroy/P.T Anderson). La cité des anges, capitale du vice dont se repaissent les médias locaux, Ellroy n’est pas loin.

Quand l’action s’emballe, Gilroy démontre aussi un sens du mouvement que d’aucuns taxeront peut-être de tape-à-l’oeil, voire de racoleur mais finalement n’est ce pas tout le sens de ce film ? Retenons notamment, en pleine course poursuite, cet impressionnant plan séquence longeant à reculons le toit du bolide rouge vif conduit par Lou Bloom pour atteindre le coffre arrière puis, toujours en pleine course, repasser sur le flanc droit du véhicule. Gratuit mais là encore, la mise en scène à sensation est au diapason du sujet. Paradoxalement, c’est au niveau du scénario que Night Call sous-performe. Gilroy ne tranche pas vraiment dans son récit entre une charge pas très neuve contre la malsaine course à l’audience des chaînes privées (le Network de Lumet a déjà tout dit sur le sujet dés 1976) et le portrait d’un psychopathe malin. Parce que c’est finalement ça, Lou Bloom. Un dingo, qui débute le film comme tel et le finira sans avoir progressé d’un iota.

Un choix de script délibéré dixit Gilroy et qui va, de ce fait, à l’encontre d’une règle dramaturgique de base voulant qu’un héros de fiction parte d’un point A pour atteindre un point B – on appelle ça un “arc narratif”. Dans Night Call, Lou Bloom n’évolue pas. Il reste fidèle à lui-même jusqu’au générique final. Il progressera matériellement pour avoir trouvé un éco-système (L.A, les meurtres, les accidents, le voyeurisme naturel du public, l’appât du gain des chaînes infos…) où sa folie clinique peut totalement s’épanouir dans le cadre social. On pense du coup à l’obsession voisine pour le lampadaire médiatique du moustique Rupert Pupkin dans La Valse des pantins, qui se terminait de façon tout aussi ironique mais au terme d’une écriture tout de même plus subtile et fouillée que celle de Night Call. Surtout, à l’inverse de son homologue effrayant chez Gilroy, le Pupkin de La Valse… s’avérait au final attachant malgré son inquiétante fixation.

Du fait du statisme de son héros, Night Call donne un sentiment de froideur, de surplace, d’inhumanité presque “Cronenbergienne”. Desservi par quelques invraisemblances, une dérive grand-guignolesque à mi-chemin et son enfonçage de portes ouvertes sur la cupidité illimitée d’une certaine conception du “journalisme”, Night Call a malgré tout le mérite d’assumer entièrement sa logique. Immoral jusqu’au bout, maniant l’humour noir et cynique teinté d’une mélancolie palpable, il repose principalement sur sa tête de gondole : l’hallucinante prestation d’un rachitique Jake Gyllenhaal en vidéaste suceur de scoops, Nosferatu de l’info-spectacle patrouillant chaque nuit dans les artères bourgeoises de L.A, scanner de police en éveil, à la recherche de crimes sanglants à filmer. “Un meurtre d’une famille riche à Beverly Hills, voilà ce qu’on recherche. Dans les quartiers pauvres, ça n’intéresse personne” lui rappelle Nina Romina, directrice de l’info du matin sur la petite chaîne locale qui lui achète ses sujets. Bienvenue dans une Amérique ivre de son propre vertige anxiogène et taraudée par la trouille de l’agression à domicile.

Coté cast, on retiendra la belle présence de la sublime Rene Russo, qui hérite ici d’un rôle tellement plus intéressant et sexy que ses pitreries dans les deux Thor. Gilroy n’est autre que son époux à la ville, ça aide aussi. Réjouissons-nous par ailleurs de retrouver aussi le toujours impec’ Bill Paxton en concurrent hargneux de Lou Bloom, toxico de la news trash comme lui et Nina, le nez dans le guidon de sa propre infatuation. Film légèrement Ovni, sans grande surprise dans son discours mais très efficace, Night Call devrait se bonifier avec le temps et bénéficier d’une redécouverte bienvenue en vidéo après avoir été snobé par le public français. Tentez ce trip clinquant dans les tréfonds de la bassesse humaine, ne serait ce que pour l’implication corps et âme de Jake Gylenhall dans un rôle de parfaite petite saloperie. Un Nightcrawler plus creepy que jamais dans ses moindres traits.

SYNOPSIS

Branché sur les fréquences radios de la police, Lou parcourt Los Angeles la nuit à la recherche d’images choc qu’il vend à prix d’or aux chaînes de TV locales. La course au spectaculaire n’aura aucune limite…

 

L’IMAGE : 6/6

NIGHT CALL

Filmé principalement de nuit à Los Angeles, les images sont superbes, le piqué est fin et les noirs, profonds. On notera juste deux/trois fugaces plans granuleux (en début, milieu et fin de film) …mais c’est vraiment pour chipoter. De toute beauté.

 

LE SON : 6/6

En VO comme en VF (5.1 DTS HD MA ou 2.0), ça envoie du lourd, surtout dans les scènes de poursuite.

Langues : Anglais, Français

Sous titres : Français, Sourds et malentendants

Commentaire audio des Gilroy (2.0 DTS HD MA).

 

BONUS : 3/6

Une seule featurette (5’15) mais pas inintéressante sur les frères Rayshbrook, deux authentiques “nightcrawlers” qui ont servi comme consultants sur le film et de modèle pour Jake Gylenhaal. Edifiant !

Teaser (0’49)

Bande Annonce (1’29)

Galerie Photo

Commentaire audio à bâtons rompus de la « Gilroy Family », Dan, Tony et John (Réalisateur/Scénariste/Monteur/Producteur), très instructif.

 

J’EN PRENDRAI POUR UN DOLLAR ? 5/6

Un bon film, un très bon son, une très belle image…que vous faut-il d’autres ? Avec quelques bonus supplémentaires (je pinaille), ce serait top.

Retrouvez les critiques de Jane McLane et du Docteur No

 

NIGHTCALL (NIGHTCRAWLER), réalisé par Dan Gilroy, scenarisé par Dan Gilroy
Avec Jake Gyllenhaal, Rene Russo, Riz Ahmed et Bill Paxton
Distributeur : Paramount Pictures France
Editeur : Orange Studio, Selective Films
Format image : 2.35
Résolution film : 1080 24p
Format son : Français DTS HD Master Audio 5.1, Angais DTS HD Master Audio 5.1, Français DTS HD Master Audio 2.0, Angais DTS HD Master Audio 2.0
Sous-titres : Français, Français (Sourds et Malententendants)
Durée : 1h58


NIGHT CALL – Nouvelle bande annonce VOST par Paramount_Pictures_France

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