« The Art of Asking » : Amanda Palmer, le Nu

« The Art of Asking » : Amanda Palmer, le Nu

Note de l'auteur

Il est des personnages qui débarquent dans nos vies. Des gens-ovnis qui nous apprivoisent, nous agacent parfois, que l’on ignore, mais on ne sait pas pourquoi, ils restent dans l’angle de notre vision, gentiment, et puis on se laisse tenter, ce qui nous semblait être de la vanité ou être trop bruyant s’efface petit à petit. Et derrière, voilà l’humain, voilà son art, les voilà nu, devant nous. Voici Amanda Palmer.

 

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https://www.brainwashed.com/amanda/ cambridgetab.html

Artiste, statue vivante dans les rues de Boston, chanteuse punk/rock/ féministe, déesse de Twitter et d’Internet, la femme qui a réussit à lancer un kickstarter phénoménal (un site de levée de fonds en vendant des produits, CDs à l’avance, pour financer son nouvel album  et auquel plus de 24 000 personnes ont répondu et 1 192 000 euros ont été collectés.) Ou parfois juste dénommée comme « la femme de Neil Gaiman qui se rase les sourcils et les peints mais ne s’épile pas sous les bras ». Ou qui laisse ses albums en téléchargement en échange d’une libre obole (ou d’un gros don, au choix).

Une chose est sure. Il est vraiment difficile de définir Amanda Palmer. Mais aussi de la comprendre. Toute sa vie ou presque est dévoilée sur Twitter. Lorsqu’un de ses seins s’échappe de son soutien-gorge en concert et que le Daily Mail s’en moque, elle répond par une chanson et en se mettant nue sur scène. Elle n’hésite pas à se mettre en avant, se raconte beaucoup sur son blog, ce qui lui a souvent valu des accusations de narcissisme. Et puis un jour, invitée à faire un discours dans une organisation, Ted, elle décide d’expliquer le pourquoi du comment.

On lui demande alors d’écrire un livre, issu de cette allocution (plus de 6 millions de vue à l’instant où cet article est rédigé). Un an plus tard est publié The Art of Asking. Celui que l’auteur de ce papier vient tout juste de fermer. Celui où Amanda Palmer, pour voir explique qu’il faut aussi être vue.

Amanda Palmer, c’est une vie éclatée, punk, enthousiaste, impudique, joyeuse, bordélique, sur laquelle elle revient dans son livre. Dans la volonté de s’offrir entièrement à ses fans, à reconnaître leur participation et leur rôle dans sa vie, elle donne aussi un merveilleux aperçu du processus créatif. Car c’est une autobiographie en même temps qu’un essai sur le don de soi et l’art de « demander » (« asking ») à l’inverse de « réclamer, mendier » (begging).

theartofasking_imageCertes, le livre raconte Amanda Palmer, le personnage publique qu’elle essaye autant que faire se peut de créer à l’image d’Amanda Palmer, la femme privée. Elle écrit de la même façon qu’elle se dévoile sur son blog. De façon entière, sautant des étapes, revenant en arrière appuyant sur les notions de partage, de confiance, des liens qu’elle a créé avec ses fans. Parlant de l’intime, ses relations amoureuses, la violence dont elle a été victime, mais aussi le partage et les personnes extraordinaires qu’elle a rencontré. De la rue à la scène, sa rencontre avec Neil Gaiman, avec son mentor, Anthony, avec ses fans, sa vie dans une communauté artistique…

Et à travers sa vie, elle essaye surtout d’expliquer sa philosophie du libre-échange, du don, du cadeau offert, demandé, consenti, de l’échange dans et hors le milieu artistique. Une vision de la vie que l’on qualifierait de hippie, si à côté, elle ne montrait pas justement ses faiblesses, ses doutes, sa souffrance parfois. Une vie passée à échanger avec ses fans via les réseaux sociaux, à créer, à partager sa vie en union libre avec un auteur très connu et plus riche qu’elle… Mais aussi son idéal de création, le processus qui lui permet de chanter, d’écrire et d’être libre dans ses réalisations.

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Photo de Katie Sokoler d’un « ninja gig », un concert improvisé au Ukulélé et publicité quelques heures plus tôt via Twitter et autres réseaux sociaux. Ici à Zuccotti Park pour Ocuppy Wall Street.

Parce que c’est un essai, ça rend le côté autobiographique moins envahissant. Parce que c’est une autobiographie, le message de l’essai passe mieux. L’écriture est parfois maladroite, répétitive. Mais parce qu’aujourd’hui, à force de parler de crise, de malheur, de lire les faits-divers atroces dans les journaux tous les jours, je dois avouer que ce livre m’a touché. Le message, d’une foi totale en l’humanité, fait vraiment du bien. Il peut sembler un peu « bisounours » par certains côtés. Mais page après page, Amanda Palmer parvient à nous amener dans son univers. À nous donner une autre vision de la vie, plus apaisée en un sens et plus terrifiante.

Elle se met à nue. Physiquement et mentalement. Elle utilise des mots de tous les jours pour s’exprimer, se répète, effleure une blessure, plonge dans une engueulade ou dans un moment de communion avec une personne ou un public. Et le lecteur, d’une certaine façon touché par une telle confiance, une telle volonté, parfois brouillonne, d’être comprise, ne peut s’empêcher d’écouter. Et d’aller jusqu’à la fin.

Une édition française de The Art of Asking est prévue (Amanda Palmer a même déclaré qu’à ce moment, elle viendrait signer dans l’hexagone). 

Amanda Palmer, The Art of AskingGrand Central Publishing, 336 pages avec photos en noir et blanc et paroles de chanson.

 

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