The Catch, En toute Transparence (Pilote Automatique)

The Catch, En toute Transparence (Pilote Automatique)

Note de l'auteur

Nouvelle venue au sein de la maison Shondaland, The Catch avait la lourde tâche de succéder à How to Get Away with Murder au sein du TGIT – « Thank God It’s Thursday » (la case Shondaland du jeudi soir, en compagnie de Grey’s Anatomy et Scandal) d’ABC. Auréolée d’une production compliquée à coup de départ précipité pour divergences artistiques, de changement de distribution et d’un pilote entièrement réécrit/retourné, la dernière née de l’écurie de Shonda Rhimes n’arrive pas en terrain conquis.

L’histoire : Alice Vaughan est une détective privée, victime d’une fraude par son fiancé, un as de l’escroquerie.

Autour de la série : Initialement prévue pour janvier 2015, la série a connu une gestation compliquée. Créée par Jennifer Schuur, celle qui, avant de s’appeler The Catch, existait sous le nom de Smoke and Mirrors, mettait en scène une enquêtrice (Alice Martin), experte en fraude, sur le point de se marier. Si Mireille Enos incarnait déjà ce personnage, le premier casting envisagé voyait Damon Dayoub (Stitchers) en futur ex-mari. Un pilote est tourné… qui ne convainc pas grand monde. Grosse séance de réécriture, changement d’acteurs, de titre, des modifications drastiques qui entraînent une refonte de la série dans ses grandes largeurs et le départ de sa créatrice. Allan Heinberg (Grey’s Anatomy, Scandal) est appelé à la rescousse pour sauver le bateau The Catch et fournir un nouveau pilote.

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L’avis : De l’avènement du câble à l’aube des années 2000 à la Peak TV, les séries ont muté, bénéficiant d’une croissance exponentielle pour aller cultiver des niches ou s’ouvrir au monde en reflétant une société en mouvement. Des séries ont voulu montrer le monde, sa violence, ses comportements, son évolution dans un rapport qui misait autant sur l’authenticité qu’un symbolisme explicite. Et il y a les autres, qui se voient en pur objet de fiction, qui embrasent une matière inflammable et se répandent en vagues submersions.

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C’est le cas de The Catch et sa vision d’un monde hyper glamour. On y goûte la texture du papier glacé, du luxe, des acteurs beaux et au sourire éclatant : une esthétique de publicité (pour parfum) aux corps sexualisés. Cette culture fastueuse un peu vide se diffuse dans une image lisse, sans épaisseur où se dispersent des personnages creux dans un monde coupé de la réalité. Une combinaison qui sent bon la vacuité dorée, de celle qui brille en pensant que l’éclat aveuglera le spectateur. Nous devinons le piège, peu naïfs devant ces manigances faciles, mais le pilote sait invoquer les références pertinentes pour se soustraire aux critiques. La première, la plus belle, la plus forte : L’Affaire Thomas Crown (plus McTiernan que Norman Jewison même si Mireille Enos rappelle Faye Dunaway).

Au moment où l’on saisit quel spectre anime un ensemble un peu désincarné, s’entraîne un jeu de dupe. Les motifs de la séduction placent ses pions sur l’échiquier : mascarade, faux-semblant, tout n’est que superposition de masques, dualité où seule l’apparence prime, mais une apparence trompeuse. La série exploite alors son propre vide, qu’elle comble par un dynamisme caractéristique des productions Shondaland, How to Get Away with Murder en tête. Elle trouve son souffle au milieu de sprints qui évacuent toutes traces superflues pour ne garder que l’essentiel. Un essentiel qui s’agite, rebondit, se multiplie dans des actions décomposées, éparpillées aux quatre coins de l’écran, dans des splits-screens révérencieux.

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Cette dissociation de/dans l’image, nous la retrouvons au cœur même du pilote, dans l’exploitation de surfaces transparentes ou réfléchissantes. Elles prolifèrent jusqu’à jouer les palais de glaces où s’exercent des forces contraires : les transparences qui dévoilent ; l’image que l’on renvoie, jusqu’à jouer de paradoxes où l’on se cache en pleine lumière derrière d’immenses baies vitrées ; où l’on finit par croire à l’image factice à force de la voir projetée. Raccord avec les principes de la série, la réalisation épouse les contours d’une vacuité narcissique où elle renvoie sa propre image artificielle.

Alors que sa genèse mouvementée aurait dû la conduire à la casse des séries retapées, le pilote parvient non seulement à gommer toutes traces d’un précédent développement, mais s’inscrit de la plus naturelle des façons dans la grille made in Shondaland du jeudi soir d’ABC. Notre enthousiasme devra toutefois rester mesuré face à une grande inconnue : si la série possède les convictions pour devenir un bel objet de réflexions pop, le pilote flirt en permanence avec la peur du vide. The Catch peut tout aussi bien s’élever que finir happer par sa propre vanité.

 

The Catch, Saison 01, épisode 01 « Pilot » ABC
Écrit par : Jennifer Schuur, Allan Heinberg, Helen Gregory
Réalisé par : Julie Anne Robinson
Avec : Mireille Enos (Alice Vaughan), Peter Krause (Benjamin/Christopher Jones), Rose Rollins (Valerie Anderson), Sonya Walger (Margot Bishop), Alimi Ballard (Reginald Lennox III)…

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