The Get Down 1×01 : Les Soubresauts du Hip-Hop (Netflix)

The Get Down 1×01 : Les Soubresauts du Hip-Hop (Netflix)

Note de l'auteur

Vendredi 12 août, Netflix lâchait la bombe The Get Down, projet pharaonique sur la naissance du hip-hop dans le Bronx des 70’s. Baz Luhrmann (Moulin Rouge) est aux manettes d’une série qui s’annonce folle, à l’image du réalisateur. En attendant de découvrir les cinq épisodes suivants mis en ligne par le géant de la SVOD, retour sur une longue introduction qui ne laissera personne indemne.

the-get-down-shaolin-fantasticDans une séquence, vers la fin du premier épisode, Shaolin Fantastic explique l’art du mix, où comment, en usant de samples de deux disques, Grandmaster Flash parvient à créer un tout nouveau son. Il y a l’histoire du hip-hop qui s’écrit et l’explication de texte des intentions d’un Baz Luhrmann qui ne s’est pas assagi depuis Moulin Rouge. Dans la comédie musicale, son emphase naturelle conduisait à une épilepsie de mouvements et de couleurs, se noyant dans la réinterprétation de tubes pop. The Get Down troque l’esprit de bohème pour le béton du Bronx mais conserve la démesure naturelle du réalisateur.

Cet épisode inaugural est une histoire de collision. Entre la grande et la petite histoire. Entre mythe et réalité. Entre l’innocence de la jeunesse et un quotidien brutal. Entre de nouveaux espaces à conquérir (par les graffeurs, les DJs, les gangs ou Baz Luhrmann lui-même) et à détruire. Entre le disco et le hip-hop. De ces chocs successifs, de l’idée d’assemblage qui anime un nouveau style musical, le réalisateur australien compose, décompose, organise, désorganise un spectacle aux raccords multiples, fait d’entrelacs aux brusques ruptures de ton ou changements de direction. Plongée vertigineuse dans une forme kaléidoscopique où les images d’archives côtoient la luxuriance aux mouvements permanents caractéristiques de Luhrmann, où un esprit comic book s’accorde à la blaxploitation en passant le western, la comédie musicale ou la bluette teenage, jusqu’à créer des mythes instantanés (Shaolin Fantastic).

En bon DJ, Luhrmann pose les mains sur sa narration pour moduler son spectacle. Accélération du récit, contraction du temps, tout s’emboîte, se mélange dans l’effervescence d’un rythme fou, alors qu’il s’est passé à peine 24 heures. À la tachycardie s’ajoutent des formes mouvantes, insaisissables et pétillantes. La grandiloquence naturelle de l’auteur au service d’un fil narratif tendu mais qui s’effiloche comme autant de personnages, d’intrigues où l’unité d’un esprit choral laisse la place à une cacophonie grouillante. Aux figures imposées par l’histoire, Luhrmann additionne ses propres citations, obsessions, quand se rejouent des scènes de Moulin Rouge, des situations proches de Roméo + Juliette.

the-get-down-pilot-01L’ensemble frôle la démence, l’excès d’énergie, le numéro de voltige jusqu’au crash. Mais cette séparation des styles, des formes et des tons trouve l’équilibre grâce à son sujet : le hip-hop. Ce genre fait d’emprunts, de collage, trouvant une soudaine unité grâce au flot (flow) de mots. Dans ce premier épisode, le maître de cérémonie Baz Luhrmann impose sa voix (voie), agite les foules, glisse sur la déferlante, trouvant l’harmonie dans le chaos. Une habitude chez le réalisateur qui ne s’exprime jamais mieux que dans le désordre, le mélange des genres, un sens de l’instantané où chaque séquence chasse la suivante comme on passe d’une rime à l’autre.

C’est à la fois la force et la limite d’un épisode gourmand au balayage incessant qui conduit parfois à l’overdose. À l’impossibilité d’attraper au vol des séquences en chute libre, Baz Luhrmann invoque le lâcher prise. D’échanger l’inconfort d’un tempo au bpm inhumain pour l’ivresse d’un récit tourbillonnant. Il y a de quoi se sentir perdu et fatigué par ce style agressif mais l’élégie parvient à s’intercaler dans la pesanteur d’un bordel frénétique et nous délivrer de ce bloc massif et écrasant.

Toute résistance est superflue. Et on ne doute pas que de ce magma va naître le vertige des séries euphoriques, capables aussi de nous ramener les pieds sur terre quand il faut s’accrocher au wagon de la grande histoire. Le premier épisode de The Get Down hausse le ton, parle fort, envoûte, invite, joue des coudes pour couler son récit comme un flow accidenté.

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