The Get Down, Saison 01 Partie 01 : Et Le Monde Bouge

The Get Down, Saison 01 Partie 01 : Et Le Monde Bouge

Note de l'auteur

Après un premier épisode enthousiasmant, la suite de cette moitié de saison (le reste arrivera en 2017) allait-elle maintenir le niveau ? De la création du hip-hop au boom du disco, d’un Bronx en pleine mutation aux futures élections, le programme de Baz Luhrmann, dans une ambition folle et démesurée, réussit son pari.

569571.jpg-r_640_600-b_1_D6D6D6-f_jpg-q_x-xxyxxDans sa mise en place, le premier épisode nous racontait les soubresauts du hip-hop à coup de collisions. Nous étions loin d’imaginer à quel point cette idée irait traverser toute la série. De secousses, il sera beaucoup question dans les cinquièmes et sixièmes segments de cette fresque musicale urbaine. Les basses des sound systems vrombissent, les corps s’agitent au rythme des beats et font trembler un Bronx délabré ; une décharge disco électrise une église de son rythme latino endiablé et du chant élégiaque ; la convulsion des répétitions où les talents individuels et complémentaires émergent pour créer un mouvement commun. À travers cette agitation, nous comprenons mieux ce qui anime le projet de Baz Luhrmann : l’effervescence de la création musicale, son énergie qu’il traduit par le mouvement incessant, un mix de collage et d’assemblage emprunté au hip-hop.

À la précipitation euphorique du premier épisode, la suite préfère l’intensité, la puissance qui imprime sa marque et se déploie comme un écho, une réverbe jusqu’à rendre poreuses les différentes trajectoires. Baz Luhrmann aime frapper fort pour mieux avancer par résonance, en cercles concentriques créés par la déflagration musicale qui enflamme les personnages. Il y a l’idée d’une contamination par un idéal (le disco, le mix, les graffitis, la danse, les mots,…), d’une possession par le spectre de la musique qui agit comme une force globale. C’est le liant entre les personnages, le bruit constant qui impose son rythme, le mouvement incessant. Les armes habituelles de Baz Luhrmann, toujours aussi habile dans la compression des espaces pour y célébrer pléthore et emphase. Nous les voyons s’exprimer sur un temps long, pouvant apprécier la queue de la comète se dissiper, égrenant ses quelques poussières lumineuses, quand ses films privilégient la fulgurance de son noyau.

517748.jpg-r_640_600-b_1_D6D6D6-f_jpg-q_x-xxyxxYou Have Wings, Learn to Fly (1×05) joue les virtuoses en montant en parallèle la composition de deux chansons. On retrouve l’idée de collision qui animait le premier épisode, la rencontre de mondes opposés. Plus la série avance, plus se révèle la fusion des univers, ne faisant plus qu’un tout en conservant des identités remarquables. C’est le break du disco Set Me Free qui débloque et arme le titre hip-hop préparé pour la battle. Et c’est toute la série. Les images d’archives qui se confondent dans la réalisation de Baz Luhrmann et brouillent les frontières entre la réalité et la fiction. Le discours d’un « jeune du ghetto » qui tord les idées politiques du candidat à coup de citation de graffeurs. Deux expressions de la rue (un meeting, une battle), unifiées par une même personne (Zeke, véritable pont entre les genres, les styles), rencontre des mots et du son. Le Moulin Rouge investit le Bronx et hante des pans entiers de la série comme on réarrangerait une chanson. Zeke pour Christian, Mylene pour Satine. Le réalisateur sample son cinéma et l’injecte dans The Get Down, quitte à aliéner son récit. Le résultat fonctionne parce que toute l’animation de la série repose sur le principe d’une tectonique des plaques, mouvant sur un axe familier : la pop culture.

365472.jpg-r_640_600-b_1_D6D6D6-f_jpg-q_x-xxyxxSelon Wikipedia, un choc est « une interaction violente entre deux entités, ou la conséquence d’une transition brusque ». Une définition qui décrit également ce qu’est The Get Down. La violence du Bronx face à la libération par l’art (danse, musique, graffitis), la musique face au business, la vie de bohème d’une poignée de jeunes face à un avenir bureaucratique. Baz Luhrmann organise des chocs successifs pour donner vie à son spectacle mais aussi pour raconter un monde brutal capable de douceur. De montrer le chemin d’un idéal musical dans le chaos. Il y a de l’innocence et une forme de candeur chez le réalisateur mais il n’oublie pas que la réalité sait être violente. Il décrit un quartier sous perfusion, en proie aux soubresauts d’une élection à venir. Le monde bouge, The Get Down capte ce mouvement et nous entraîne avec lui. En six épisodes, seulement. Nous avons hâte de découvrir la suite.

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