The Hour (Bilan de la saison 2)

The Hour (Bilan de la saison 2)

Note de l'auteur

Non, sérieusement, « get a room, you two » et vite

Après un an et demi d’attente, la série qui parle de journalisme dans les années 50 était de retour sur la BBC. Toujours avec un casting incroyable. Toujours avec une esthétique remarquable. Toujours plus sexy.

L’an dernier, on avait laissé l’émission d’informations la plus novatrice d’Angleterre dans une situation dramatique. Son journaliste le plus pugnace (ou insupportable, c’est selon), Freddie Lyon, s’était fait virer. Son chef de l’info s’était révélé être un espion (ou autre chose… rien n’était clair dans cette histoire). Seuls restaient aux manettes la productrice, Bel Rowley, à la présentation le très photogénique Hector Madden, et des membres de l’équipe beaucoup moins talentueux (ou agaçants, c’est selon) que Freddie Lyon.

Un nouveau chef de l’info est arrivé. Le très organisé (limite gavé de TOCs) Randall Brown (Peter Capaldi, toujours fascinant). Il a fort à faire avec un programme concurrent qui gagne du terrain, Uncovered, sur la chaîne privée ITV; mais aussi avec un animateur sur une pente plus que savonneuse. Hector Madden est devenu une éponge qui passe son temps un verre de whysky à la main, et ses soirée avec une fille de peu de vertu dans les bras. Pour relancer le programme, Brown va chercher un co-animateur que tout le monde connaît. Devenu barbu, il est cependant toujours aussi talentueux (ou arrogant, c’est selon) : Freddie Lyon is back !

Pas de bol pour Madden, cette année il touche le fond. Entre le retour de son meilleur ennemi et le fait que sa femme est au bord de la déprime (en même temps, vu ce que lui fait subir son mari, on s’étonne qu’elle ne l’ait pas fichu dehors depuis longtemps), une des fille de peu de vertu du club où il se rend tous les soirs, El Paradis, l’accuse de l’avoir tabassée. Or, Madden est certainement un gougeât, mais pas un homme capable de frapper une femme.

Anna Chancelor et Peter Capaldi, duo qu’on aurait aimé plus présent

L’an dernier, Abi Morgan nous avait gratifiée d’une histoire fil rouge cousue de fil blanc, à grands renforts d’espionnages, de secrets… Une trame peu maîtrisée, qui faisait plus folklore qu’autre chose. Cette année, on est dans les mœurs, les vices. On parle de policiers véreux, de filles de joies, de mafieux, tant est si bien… qu’on ne peut pas s’empêcher un instant de penser à James Ellroy et son L.A. Confidential, transposé à Londres dans les années 50, et dont les protagonistes principaux sont des journalistes, pour la plupart vertueux.

C’est beaucoup mieux maîtrisé, même si très référencé. On n’est jamais perdus dans l’affaire, et surtout, elle réussit ce que la précédente avait échoué: réunir toute l’équipe autour de ce fil rouge. C’est ce qu’on avait critiqué l’an dernier: cette arythmie entre les deux pans du récit, l’un sur l’espionnage, l’autre sur une émission d’info. Ici, tout se croise et fait intervenir tout le monde. La trame et le choeur de la série ne sont pas dissociés (même si c’est parfois fait maladroitement), et c’est bien mieux comme ça.

Marnie: « Un objet fabuleux que vous pourrez vous offrir pour la modique somme de 724 francs! »

Au rang des qualités, le casting. C’est époustoufflant. Si Freddie Lyon est aussi charismatique (ou exaspérant, c’est selon), on le doit surtout au jeu sans faille de Ben Whishaw. Romola Garai, en plus d’être un bonheur pour les yeux (non, elle ne pèse pas 40 kilos, et c’est parfait comme ça), a une réelle faculté pour exprimer les non-dits (ses yeux sont d’une expressivité incroyable). Dominic West est dans la continuité de la saison 1, et offre un alcoolique confondant de réalisme (en même temps, il n’a eu qu’à se souvenir de ses années sur The Wire). Capaldi est un ajout considérable au casting, et ses interactions avec Chancelor sont assez émouvantes (même si cette piste narrative est un peu expédiée à mon goût).

Les nouvelles têtes, issus de la trame fil rouge, sont elles aussi à la hauteur. Hannah Tointon, qui interprète le rôle de la call-girl Kiki Delaine, offre une prestation assez étonnante. Alors qu’elle débute avec un rôle qui a tout de la « belle silhouette », elle se révèle comme un personnage à part entière. Le pourri de la saison, Raphael Cilenti (Vincent Riotta),  est assez savoureux. Mais la plus belle surprise cette année vient d’Oona Chaplin (Marnie Madden), qui bénéficie d’une trame très intéressante. Agacée au plus haut point par les infidélités d’Hector, elle prend sa vie en main, et accepte un poste d’animatrice d’émission culinaire. Chaplin y excelle.

Kiki Delaine, bien moins unidimensionnelle qu’il n’y paraît

Les défauts ne sont tout de même pas évacués de la série. Le traitement du racisme est particulièrement expédié, et le rattachement de cette piste narrative au fil rouge est au mieux maladroite, au pire, peu crédible. Le gros point noir de la saison vient d’une jeune fille bien de chez nous, la cependant talentueuse Lizzy Brochéré. Donc, quand Freddie revient de son périple autour du monde, il revient marié à une française. Ce qui pourrait être une péripétie intéressante devient un accumulateur de clichés et de commodités.

Camille (c’est son nom), se balade à moitié à poil, fait la bise, est libérée, aime recevoir chez elle des intellectuels pour parler des problèmes de société, et quand elle se fâche tout rouge, elle lance de la vaisselle contre les murs (elle vise mal). Le bon vieux cliché de la française passionnée face au flegmatique britannique qu’est Freddie Lyon (qui est pourtant très français dans ses attitudes, étant donné qu’il pense avoir toujours raison). Le personnage confine au ridicule, et n’a qu’une seule utilité: retarder l’union programmée entre Bel et Freddie. Une fois qu’on approche de la fin, Camille est éjectée sans réfléchir. Et avec elle l’obligation de renouveler le stock d’assiettes de la maisons.

Bel Rowley

Toujours est-il que la série, même si elle accumule les tournages studio pour limiter les coûts, est un bonheur pour les yeux. La patte Kudos (producteurs de la série, partenaires privilégiés de la BBC), indénaiblement. A noter que cette saison, Abi Morgan n’a pas écrit tous les épisodes, mais 4 (les deux premiers, plutôt bons, et les deux derniers, les meilleurs).

A ce jour, et malgré la fin très ouverte de la saison (qui permet de laisser une porte de sortie à l’un des membres du casting), aucune saison 3 n’a été annoncée, la faute à des audiences peu avenantes. Le choix est dans la main de la BBC: soit considérer que The Hour est un programme qui valorise suffisamment la chaîne (qui doit attendre les nominations aux prix britanniques et américains), ou si sa rentabilité est la seule composante de leur choix.

En tants que spectateurs, et malgré ses nombreux défauts, on souhaite ardemment le retour d’une série qui allie avec grâce une sensualité discrète avec un casting hors du commun. Des qualités qui font oublier une narration parfois déficiente.

THE HOUR, Saison 2 (BBC)

Créée et écrite par Abi Morgan

Ecrite également par Nicole Taylor et George Kay

Avec : Romola Garai (Bel Rowley), Ben Whishaw (Freddy Lyon), Dominic West (Hector Madden), Anna Chancellor (Lix Storm), Peter Capaldi (Randall Brown), Oona Castilla Chaplin (Marnie Madden), Hannah Tointon (Kiki Delaine), Lizzie Brochéré (Camille)

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