
The Legend of Korra: Bilan des 3 premières saisons
Rarement des séries animées US ont été aussi ambitieuses que Avatar: The Last Airbender et sa petite sœur The Legend of Korra. Les deux créateurs Bryan Konietzko et Michael Dante DiMartino ont conçu une œuvre-monde foisonnante d’idées et de personnages de haute volée. À l’occasion de la fin de la troisième saison de The Legend of Korra, diffusée à la télévision américaine sur la chaîne Nickelodeon, revenons un peu sur cette série et son univers si riche et diversifié.
Commençons par le commencement : entre 2005 et 2008 fut diffusée la série animée, intitulée Avatar: The Last Airbender (rien à voir avec les petits hommes bleus de James Cameron), dans laquelle les auteurs créaient un monde fantastique régi par les éléments naturels. Un peu partout, des hommes et des femmes ont une capacité particulière, la maîtrise d’un élément. Elle est appelée bending. On distingue quatre types de bending de base : waterbending, firebending, earthbending et airbending. L’avatar est l’être suprême qui, à chaque génération, saura maîtriser les quatre éléments afin de maintenir l’équilibre des forces dans le monde. La série compte trois saisons appelées livres et pose toutes les bases d’une mythologie solide et parfaitement pensée. En 2010, le réalisateur M. Night Shyamalan (qui cherche où a bien pu se cacher son talent depuis tant d’années…) décide de s’attaquer à l’adaptation made in Hollywood et commet un meurtre atroce devant des fans dépités… Passons !
C’est à partir d’avril 2012 qu’est diffusée The Legend of Korra, la suite officielle de Avatar, planifiée sur 52 épisodes. Les créateurs assurent une réelle continuité avec la série-mère et se permettent une ellipse de plusieurs années entre les deux histoires. Le monde a bien changé et on rencontre une nouvelle génération de personnages liée à la précédente notamment par les liens du sang pour certains d’entre eux. La transition s’effectue donc en douceur et le spectateur ne se sent pas trop perdu, ni même nostalgique par rapport à l’ancienne série. Très vite, au fil des épisodes, on voit chez les auteurs une véritable envie de nous raconter une nouvelle histoire. Ils ne cherchent pas à surfer sur le succès de Avatar, mais réellement à étendre le monde qu’ils ont créé, en ayant de nouvelles choses à nous dire. Toujours cohérente et solide en terme d’histoire, The Legend of Korra se veut une grande fresque fantastique au croisement de multiples influences. Déjà, Avatar lorgnait du côté de l’Asie en terme de design global, mais Korra enfonce clairement le clou. Pour s’en convaincre, arrêtons-nous un instant sur l’architecture générale des villes. Republic City, mégalopole construite durant l’ellipse narrative, est un étrange mix entre New York et Shanghai en mode années 1920. À la fois moderne et complètement rétro, la ville semble toujours en pleine révolution industrielle. Les créateurs poussent le délire jusqu’à nous balancer le «previously» de chaque épisode sous forme de flash-info de l’époque, avec effets de pellicule, couleur sépia et speaker d’antan. Un parti-pris artistique intéressant et qui fonctionne parfaitement.
Dans ce monde en perpétuel changement, la colère gronde chez certains qui voient d’un mauvais œil tous ces benders qui prolifèrent dans la cité. Une faction secrète décide d’agir et grâce à une technique appelée «blocage du Chi», ses membres parviennent à ôter la capacité de bending d’une personne, de manière irrémédiable. C’est sur cette trame qu’est basé le premier livre de The Legend of Korra, intitulé Air. La grande force de ce premier livre et de ceux qui suivront, c’est l’évolution qu’ont apporté Konietzko et DiMartino. Immédiatement, on retrouve nos marques mais avec des changements notables. Même en notre absence, leur univers a continué d’avancer et de muter, en utilisant les bases d’événements antérieurs. Korra se construit sur les fondements laissés par Avatar. Rien ou presque n’est laissé au hasard ! En cela, les deux séries se rapprochent d’un titre comme One Piece de Eiichiro Oda. De part et d’autre, les auteurs savent précisément où ils vont. Ils ont une vraie vue d’ensemble de leurs œuvres, leur permettant d’avoir un contrôle total. La majorité de leurs choix sont dictés par les besoins du récit. Les personnages, eux, sont assez nombreux mais ils ne sont jamais laissés pour compte. Dans l’ensemble, ils reçoivent tous un bon traitement qui leur donne vie mais surtout une raison d’être.
Une grande force de la série et de ses auteurs, c’est d’arriver à maintenir un subtil équilibre entre moments intimes, voire introspectifs, moments épiques à l’action hallucinante et instants plus comiques. Quasiment tous les épisodes sont constitués de ces trois éléments, qui ont réussi à trouver leur place. La maestria des scènes d’action, à base (très souvent) de bending, est toujours plus incroyable et bluffante. Que ce soit un combat, une course poursuite en véhicules ou une compétition sportive, le traitement se veut toujours au top et la réalisation s’en ressent. C’est juste super beau, l’animation est fluide comme jamais et on se prend régulièrement une petite baffe dans la gueule.
Le second livre, Spirits, a eu la lourde tâche de succéder à une première saison très maîtrisée, tout en élargissant un peu plus la mythologie. Même si dans l’ensemble, il se trouve un poil en dessous du premier, ce livre centré sur lien qui unit le monde des hommes et celui des esprits possède de grandes qualités et des épisodes marquants. Comment ne pas citer le double-épisode Beginnings ! Véritable clé de voûte du milieu de saison, il remonte le temps dans un flash-back inspiré aussi bien sur le fond que sur la forme. En apportant un éclairage sur une zone d’ombre de l’histoire, les auteurs donnent une nouvelle épaisseur à un récit constitué de couches. Ils n’oublient jamais les histoires périphériques qui amènent du relief à l’édifice scénaristique. La fin de Spirits n’a pas forcément été du goût de tout le monde et certains lui reprocheront son côté «over the top» mais, au moins, elle se sera donnée les moyens de ses ambitions.
Si Spirits devait égaler Air, le troisième livre Change, doit surpasser le précédent. Change conserve le schéma «évolution dans la continuité» et s’appuie donc complètement sur les événements survenus dans Spirits à travers un lien de cause à effet. Maintenant que la porte entre les mondes des esprits et des humains est ouverte et que le monde spirituel affecte celui des hommes, les conséquences sont multiples. À commencer par la chute de popularité de l’avatar Korra, tenue pour responsable des problèmes occasionnés. Autre effet de la convergence des mondes : de nouveaux airbenders apparaissent un peu partout, alors même que leur tribu est en voie d’extinction depuis plus de cent ans. Une fois encore, DiMartino et Konietzko rebondissent et explorent d’autres recoins de leur univers. En reprenant un peu plus l’aspect road-trip de la première série, ils inventent de nouvelles contrées et des cités aux designs et aux fonctionnements toujours plus fouillés. Les différentes manières d’utiliser les pouvoirs du bending dans le récit sont toujours bourrées d’idées. The Legend of Korra est une grande fresque s’adressant aussi bien aux enfants qu’aux adultes passionnés de mondes alternatifs. Jamais infantilisante, voilà une série américaine qui, sans faire énormément de bruit, rivalise avec certains grands animes japonais. C’est construit, c’est prenant, c’est beau, bref c’est un putain de régal et c’est déjà énorme. Vous savez ce qu’il vous reste à faire !
Sniff, suis tout à fait d’accord avec l’article.
Et la toute fin…c’est juste génial et assez osé…
Une des rares séries d’animation que je suis. Cette 3e saison a été un peu en dessous des autres à mon gout, mais les derniers épisodes ont livrés leur lot de scènes d’anthologies. Vivement la saison 4 😀