
The Magpie Salute – High Water I / L’Elysée Montmartre – 10/11/2018
Il y a un an de cela à peu de choses près, nous vous parlions de l’éclosion d’un volatile pas comme les autres, une pie voleuse venue festoyer dans le nid des corbeaux noirs qui avaient déserté l’endroit. Après un premier disque composé de reprises, voici venir le premier véritable album studio des Magpie Salute, l’occasion pour nous de reprendre l’autoroute du Sud des États-Unis.
High Water I
Et le challenge est de taille pour le groupe emmené par Rich Robinson, toujours entouré par ses anciens compères des Black Crowes, le guitariste Marc Ford et le bassiste Svien Pipien… Comment faire oublier le groupe de southern rock le plus populaire de l’histoire contemporaine tout en conservant son héritage ?
La réponse à cette question est assez simple en définitive, il suffit de laisser derrière soi l’influence du grand frère Chris Robinson, voix des Black Crowes et chef d’orchestre de la formation dans l’ombre duquel le cadet de la famille s’est abrité depuis le début de leur aventure commune.
Exit donc les envolées psychédéliques qu’affectionnait tant l’aîné des Brothers of a feather, The Magpie Salute se concentrera désormais sur un blues rock puisant ses sources dans les glorieuses sixties de la perfide albion, avec en ligne de mire les travaux des Rolling Stones époque Sticky Fingers, d’Eric Clapton pendant sa période Blind Faith ou encore (et toujours) des Faces. Et bien sûr, puisqu’on ne se refait pas, le fantôme du Grateful Dead qui plane ça et là.
Le résultat est un album luxuriant, magnifiquement anachronique, pétri des influences citées plus haut avec ce petit supplément d’âme apporté par la voix désormais libérée de John Hogg qui, s’il supportait mal la comparaison avec Chris Robinson sur les précédentes reprises des Black Crowes, peut à présent poser sa marque sur les nouvelles compositions du groupe.
Et quelles compositions ! Douze titres et rien à jeter depuis le rock n’ roll pied au plancher de Mary the Gipsy jusqu’au blues moite d’Open Up en passant par la ballade très dixie Hand In Hand que n’aurait pas renié un certain Jerry Garcia !
Certes, rien de bien nouveau sous le soleil de Georgie, Send Me an Omen rappelle furieusement un certain Wiser Time passé à la moulinette Zeppelinienne, le morceau titre High Water aurait parfaitement trouvé sa place sur l’album By Your Side (1998) des Crowes, tout comme For the Wind qui évoque les grandes heures des frères Robinson période Amorica (1994), mais qu’importe ?
À la différence de son grand frère qui a décidé de poursuivre une voie plus personnelle avec son (excellent) groupe, le Chris Robinson Brotherhood, Rich Robinson a repris les commandes de ce qui est désormais SON groupe, quitte à balbutier un peu sa musique, ce qui au regard de la qualité de celle-ci est loin d’être un drame.
Une raison de plus d’être impatient de redécouvrir les Magpie Salute sur scène, ça se passe dans un peu plus d’un mois à l’Élysée Montmartre et, comment vous dire…
Pour faire simple, disons que les plus grands guitaristes français seront probablement devant la scène au lieu d’être dessus et qu’ils seront accompagnés par une bonne partie des vendeurs de guitares de Pigalle ! On sera entre nous quoi…
L’Élysée Montmartre – 10/11/2018
Malheureusement, c’est une salle clairsemée qui accueille nos drôles d’oiseaux, la faute sans doute à l’absence de première partie… Aujourd’hui, le public est tellement habitué à arriver tard pour n’assister qu’au concert de son groupe fétiche qu’il snobe par la même occasion les vaillants musiciens ayant pour tâche de chauffer la salle, triste constat. Mais en l’occurrence, ce soir, les retardataires auront eu tout faux !
Démarrant sur les chapeaux de roue avec pas moins de quatre titres extraits de leur dernier album coup sur coup, le groupe prend cependant un petit risque… Nombre de fans sont venus voir les ex-Black Crowes plutôt que le nouveau groupe de Rich Robinson, ce qui en soi peut se comprendre. Et pour être très honnête, votre serviteur faisait un poil partie de cette catégorie !
Vaine inquiétude, pas la moindre frustration à l’horizon alors que les Magpie Salute font ce qu’ils font de mieux, jouer leur propre musique. High Water, l’excellent Mary the Gipsy, Take It All et For the Wind s’enchaînent avec aisance et nous offrent la vision d’un groupe uni, qui prend du plaisir à jouer ensemble, enfin aurait-on envie de dire…
Rich Robinson est finalement aux commandes de son navire et entend bien partager gouvernail avec ses acolytes sans que cela ne crée de tensions comme ce fut le cas lorsque son grand frère Chris tenait le micro. Et à voir le sourire sur le visage de Marc Ford ou de Svien Pipien, le moins que l’on puisse dire c’est que l’opération est un succès !
Comme le veux la grande tradition des jam bands américains, les Magpie Salute vont embrayer très vite sur une série de reprises qu’ils s’amuseront à interpréter à leur sauce (forcément BBQ à tendance épicée, Atlanta oblige). Ainsi le I Don’t Mind de James Brown (popularisé en son temps par les Who) retrouve ses racines soul et nous rappelle que le rhythm n’blues est né pour partie en Georgie.
Restant fidèles à leurs modèles, le groupe enchaîne sur le Had to Cry Today de Blind Faith en se glissant cette fois-ci dans les petits souliers des jeunes Clapton et Winwood sans chercher l’originalité. En un mot, on s’y croirait, notamment grâce à une belle envolée sur six cordes signée Marc Ford !
Ce dernier s’autorisera d’ailleurs à interpréter quelques-unes de ses propres chansons, le très stonien Devil’s in the Details (tiré de l’album The Vulture– 2016) ainsi que I’m Free, extrait de son petit bijou country Holy Ghost (2014) qui ouvrira la voie à une mini session acoustique où les Magpie Salute nous gratifieront enfin de plusieurs titres des Black Crowes, et pas des moindres !
What Is Home, le rare Cold Boy Smile (inédit figurant sur la compilation Croweology – 2010) et enfin Nonfiction qui ouvrira la voie à une autre série de reprises des corbaques, électriques cette fois-ci, faisant la part belle à leur mythique album Amorica avec au programme P.25 London et surtout Wiser Time, l’éternelle roadsong qui figurait sur la quasi totalité des setlists du groupe à la grande époque…
Dernière pépite, My Morning Song vient prendre tout le monde par surprise et permet à John Hogg d’imposer définitivement sa voix et sa personnalité face à l’ombre de Chris Robinson, en délivrant une interprétation terriblement soul d’un titre que Robinson chantait plus volontiers en mode gospel.
En deux heures de concert, le moins que l’on puisse dire c’est que les Magpie Salute ont convaincu leur public qu’ils avaient réussi à quitter leur nid pour prendre leur envol vers une aventure qui leur appartient désormais. Et ce sans y laisser des plumes…