
The Night Of – Season Finale lundi sur OCS (HBO ce soir)
L’ambivalence au cœur de la série de Steven Zaillian et Richard Price est un état qui ne vous lâche plus passé le premier épisode. Difficile de se faire une intime conviction à mesure que sont exposés les arguments et les preuves des trois parties en présence, par le biais de trois points de vue principaux sur les circonstances de la mort de la jeune victime, incarnés par l’accusé lui-même, ses avocats, et l’accusation. Comme l’exige le déroulé d’un procès aux États-Unis, les faits nous sont présentés avec les conclusions qui s’imposent, puis les témoins, à charge ou non et leurs contre-interrogatoires.

Nazir Kahn – Riz Ahmed
Difficile d’en dire plus sans gâcher le plaisir immense de se laisser porter par cette série réunissant cinq qualités hélas trop rarement associées à un tel niveau de maîtrise, à savoir un scénario tracé au cordeau, des personnages denses, crédibles, terriblement humains, des dialogues secondaires justement dosés, une bande originale entêtante sans être omniprésente et une réalisation époustouflante, mais jamais ostensible. L’ensemble est généreux, inattendu, porté par des interprètes au service de leurs personnages, et filmé avec déférence.
Il ne s’agit pas ici de raconter la série, ni même de la présenter (je vous encourage vivement à lire l’article très complet de Yann Kerjan sur le sujet), mais de partager une expérience, une sourde angoisse, des questions : a-t-on vraiment envie de savoir ? Qu’a-t-on envie de savoir ? Y a-t-il une réponse qui nous satisferait vraiment ?
Et si un innocent cachait un futur coupable ? Et si un coupable regagnait sa liberté ? Que va-t-on finalement savoir dans ce dernier épisode ?

Légers spoilers. Mais spoilers quand même !
The Night Of, c’est aussi une charade. Mon premier est le présent immuable de Jack Stone. Mon second, le lumineux symbole d’avenir de Chandra. Et mon troisième, carré et porteur de la vérité, comme le sergent Box. Mon « tout », c’est qu’aucun des trois n’a à perdre ou à gagner dans cette affaire. Le flic part en retraite, l’avocat n’est pas engagé, la jeune avocate ne joue pas sa réputation et personne ne pleure la victime. Nue et sans état d’âme, la justice, seule, peut sortir grandie ou bafouée de ce procès exemplaire d’un meurtre attribué à un jeune homme sans mobile. À moins que la vérité ne soit dans le compromis ? Insatisfaisant mais équitable ?

Jack Stone (John Turturro)
Dès les premières notes de son générique, The Night Of nous promène avec une feinte nonchalance et referme sur Naz le piège de la coïncidence un peu trop grosse, mais tellement parfaite. Dans sa prison de Rikers, tel le chat de la victime, il est tout d’abord abandonné à son sort, avant de s’adapter à un nouveau foyer, malgré les inconvénients qu’il impose. D’animal aux abois, il se transforme en survivant qui prend ses aises, s’expose à des risques ou expose son hôte. Est-il toujours un innocent, au sens premier de « celui qui ne fait pas de mal » ? Pour quels crimes sera-t-il ou non jugé ? Quel homme sera jugé pour quel crime ?
Coupable ou innocent, dangereux ou en danger, Naz et le chat, comme celui de Shrödinger, persistent dans des états opposés jusqu’à ce qu’on ouvre la boîte pour infirmer une hypothèse et valider l’autre. Ou pas, car la boîte, en l’occurrence la prison, n’est pas un environnement neutre, elle opère des modifications sur son contenu. La mise ne scène, d’apparence neutre, nous fait glisser d’une certitude à une autre selon que les uns et les autres sont filmés de face, de profil, isolés dans leur cadre, le tout avec beaucoup de subtilité. Dans quelle mesure nos conceptions et préjugés altèrent notre jugement ?
On ne peut pas dire que le choix du titre de ce dernier épisode, L’Appel de la forêt, emprunté au chef-d’œuvre de Jack London, soit des plus rassurants.
Alors, je repose la question, avez-vous vraiment envie de connaître la vérité ?
The Night of – season finale : The Call of the Wild (L’Appel de la forêt)
Lundi 20h40 sur OCS – en replay sur OCS Go
Hello OZephe,
Heureuse abonnée OCS ayant eu une longue periode de temps libre pour mater des séries, je doit dire que j’avais eu du mal à terminer le 1er épisode et j’avais jeté l’éponge sur cette série … jusqu’à ce que je tombe sur ta critique dithyrambique. Et là j’ai eu le plaisir de retrouver certaines bouilles de « The Wire », et j’ai beaucoup aimé cette série! Donc merci!
Pour une profane, il me semble que le système judiciaire est montré sans parti-pris, avec ses défauts de grosse usine à gaz et certains de ses « employés » très brillants qui font avancer la machine en vers et contre tout.
J’ai aussi beaucoup aimé le dernier épisode, je trouve qu’il n’y avait pas d’autre manière de conclure sans caricaturer le système américain des procès avec jury. Et toi?
Par contre je n’attends pas de saison 2, la saison 1 ayant pour moi fait le tour.
Be seeing you,
Mentine
Bonjour Mentine !
Déjà, je suis ravie de t’avoir convertie (tu as vu Braindead ? C’est désopilant ! ;)) et je te rejoins sur le manque d’intérêt pour le premier épisode. J’ai failli arrêter aussi, puis je me suis rappelé le début un peu lent de Breaking Bad.
Bon, je note que je m’étais plantée sur le devenir de Chandra, mais ce que je craignais, à savoir un dénouement franc et moralisateur, n’a pas eu lieu. Effectivement, pas de caricature sur le processus, mais clairement un constat d’échec pour ce qui concerne l’organisation, de l’attente, de la sentence.
ATTENTION SPOILER – ATTENTION SPOILER – ATTENTION SPOILER
Pour ma part, je n’arrive pas à oublier que la prison a fabriqué un complice de meurtre, toxicomane, dealer, etc. Ok, c’est une adaptation, semble-t-il nécessaire, à ce milieu qui oblige à retrouver des instincts de préservation (La référence à L’appel de la forêt prend tout son sens…), mais voilà, les nouvelles habitudes de Naz risquent d’en faire un client régulier de l’avocat.
Je n’attends pas non plus de suite, ce serait hors sujet, mais Jack Stone est un personnage particulièrement attachant, on aimerait bien avoir des nouvelles de son eczéma !