
The Weatherman de Jody LeHeup et Nathan Fox
Une bonne rasade de Philip K. Dick, une louche de Cobra et, pourquoi pas, un soupçon d’Angel Heart : The Weatherman est un récit électrique porté par un dessin nerveux.
L’histoire : Nathan Bright avait tout pour lui: une superbe petite amie, un chien attachant et le poste le plus en vue de Mars, celui de présentateur météo. Son quotidien va cependant prendre un tour inédit lorsqu’on l’accuse d’être à l’origine de l’attaque terroriste qui raya 18 milliards d’individus de la surface de la Terre. Mais est-il vraiment coupable de ce crime ? Sa tête mise à prix, le présumé coupable trouvera protection auprès de l’agent Amanda Cross… si celle-ci parvient à maîtriser son envie de lui coller une balle dans la tête.
Mon avis : Un homme inconséquent à qui l’on révèle qu’il est un tueur, un passé dont il a tout oublié ? On pense bien sûr à Total Recall (et à la nouvelle de Philip K. Dick dont le film est tiré, Souvenirs à vendre). Mais aussi à Cobra, le manga et la série animée. Des prémices plutôt efficaces. D’autant que Jody LeHeup (Shirtless Bear-Fighter!), pour son scénario, prend soin à ne pas se contenter de suivre les basques du protagoniste : il lui adjoint des poursuivants, des adjuvants, des tueurs, le gouvernement et la mafia, ainsi qu’un obscur groupe terroriste baptisé L’Épée de Dieu.
Très classique dans sa proposition, The Weatherman l’est aussi dans sa structure. Un « héros » tête-à-claque, une protectrice qui rêve de le flinguer, des assassins professionnels sans pitié et largement aidés par la cybernétique, des agents gouvernementaux et des mafieux, des terroristes… tout y est, rien ne manque pour composer un plat épicé à souhait, sans absolue surprise mais sans la moindre once de déplaisir non plus.
Malgré tout, il y a beaucoup de Cobra dans Nathan Bright/Ian Black. Ce même burlesque, cette capacité à passer du ridicule au tragique en une nanoseconde, cette façon de flirter et de tenter de survivre à la fois. On pense aussi à toute une série d’œuvres nippones comme City Hunter (Nicky Larson en VF), avec leurs mecs toujours sur la tangente entre humour et sérieux, et leurs personnages féminins nettement moins fragiles qu’ils n’y paraissent de prime abord.
The Weatherman n’hésite toutefois pas à verser dans la violence graphique. Chien quasiment décapité, placé ensuite autour du cou de Nathan pour lui faire avouer sa vraie personnalité, vieille dame piétinée par la foule, homme tabassé à mort par son beau-père… jusqu’à un programme informatique permettant d’infliger mille morts à une personne, sans prendre de risque soi-même mais en s’assurant que la victime en ressente chaque soupçon de souffrance.
Courses-poursuites échevelées, trahisons, médiums permettant de savoir qui ment et qui dit la vérité, mise aux enchères de la douleur d’autrui via les réseaux sociaux : le scénario de Jody LeHeup n’économise pas sur l’électricité. Tout ceci est sans temps mort, plein de fureur et d’ecchymoses.
Une énergie brute mise parfaitement en image par Nathan Fox (Dark Reign: Zodiac). Un dessin nerveux, élégant, peut-être trop propre par moment. Toujours lisible, même dans la tripaille, les combats en cascade, les rêves d’immolation.
Tout ce petit monde martien se croise et se recroise, dans le souvenir violent d’une humanité sur Terre annihilée par une arme terrifiante. Ou, pire encore, dans le non-souvenir de sa propre vie, voire de sa propre responsabilité dans ce massacre. Comment vivre quand on a peut-être causé la mort de 18 milliards de personnes ? Et est-on coupable quand on ne peut plus se souvenir de ses crimes, quand on est littéralement devenu une autre personne ? Si l’on répond par la négative, n’est-ce pas un peu facile : éradication de la mémoire et innocence perpétuelle ?
Si ce premier tome mise résolument sur l’action pour faire avancer le récit, on s’attend, pour la suite, à un peu plus d’introspection, d’exploration des tenants et aboutissants moraux d’une proposition de départ prometteuse et réussie. Et l’on verra si LeHeup et Fox transforment l’essai.
À lire si vous aimez : Blade Runner, bien sûr, mais peut-être aussi Angel Heart, qui recouvre une problématique assez identique, dans un univers noir radicalement différent.
En accompagnement : la BO de Wipeout 3 sur PS1, délicieusement futuriste.
The Weatherman
Écrit par Jody LeHeup
Dessiné par Nathan Fox
Traduit par Benjamin Rivière
Édité par Urban Comics
j’ai lu le second tome en v.o, ça part malheureusement en sucette, ça devient très confus, dommage, le début était prometteur.
ah merde, ce premier tome était vraiment agréable et laissait présager une richesse qu’on ne rencontre pas toujours dans la production actuelle. On verra sur pièce – perso, j’ai découvert avec la version française
j’ai lu le second tome en v.o, ça part malheureusement en sucette, ça devient très confus, dommage, le début était prometteur. Le dessinateur a travaillé sur les 2 premiers tomes de « Federal Bureau of Physics », plus abouti à mon sens.
pardon pour le bégaiement, nukez-moi tout ça !
je trouve surtout que ça se barre un peu en couille quand ils débarquent sur une Terre ravagée par une pandémie, c’est peu crédible. Dommage.