Re-Anime: Horus, Prince du Soleil (de Isao Takahata)

Re-Anime: Horus, Prince du Soleil (de Isao Takahata)

Note de l'auteur

18369815Aujourd’hui, revenons sur un film accouché dans la douleur pendant trois longues et fastidieuses années, revenons sur Horus, Prince du Soleil. Produit par le studio Tôei avant qu’il ne devienne le mastodonte que l’on connaît, ce film est également la première réalisation du futur cofondateur des studios Ghibli, le vénérable Isao Takahata. Avec ce conte fantastique et initiatique, il signe un grand et beau dessin-animé à l’ancienne.

 

C’est en 1965 que le studio se lance dans la production de Horus en confiant le projet à Isao Takahata, en collaboration avec un certain Hayao Miyazaki. Suite à de nombreux désaccords entre l’équipe artistique et les dirigeants de la Tôei ainsi qu’à des problèmes budgétaires, le film ne voit le jour que trois ans après, en 1968. Malgré l’échec du film à sa sortie en salle, Takahata et Miyazaki étaient parvenus à imposer leur vision du projet après un long bras de fer. On peut d’ailleurs considéré que ce film a eu un rôle dominant sur la prise de pouvoir des créateurs par la suite dans l’animation japonaise. Il motiva d’ailleurs, les deux compères, accompagnés de Yoichi Kotabe, à quitter la Tôei pour fonder un petit studio indépendant.

 

Horus est un jeune garçon qui se voit obligé de retourner vivre au village après le décès de son père. Avant de mourir, il évoque l’existence d’un grand monstre nommé Grunwald, qui s’est juré d’exterminer la race humaine. Dès son arrivée au village, Horus pour prouver sa bravoure et sa loyauté, tue un monstre marin et parvient à se faire accepter. Il rencontre Hilda, une étrange jeune fille mélancolique et dont la voix, lorsqu’elle chante, subjugue tout le monde. Mais Hilda a pactisé avec Grunwald et se retrouve tiraillé entre sa bonté et sa douceur naturelle et les desseins maléfiques dont elle est l’instrument. Horus, Prince du Soleil épouse parfaitement la forme du conte et en a tout les attributs: un jeune héros, une arme légendaire, des villageois méfiants et divisés, une malédiction, un grand méchant vraiment méchant, à la tête d’une armée de loups et de rats, bref on a toute la panoplie. C’est d’ailleurs ce qui plaît dans Horus, cette simplicité, cette naïveté, cette envie de raconter une histoire et de nous embarquer dedans. Ici, point de second degré ou de délires postmodernes, nous parlons d’une époque où Shrek n’avait pas encore gaiement piétiné la magie de ces histoires ancestrales.

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Le conte a pour vocation première de faire voyager dans des contrées reculées, de faire vivre des expériences magiques et la réussite tient essentiellement à la manière de le raconter. De ce côté là, pas de souci à se faire, Takahata est aux commandes. Bien avant le bouleversant Tombeau des Lucioles et le très drôle La Famille Yamada, Isao Takahata montrait déjà un réel savoir-faire dans la manière de raconter une histoire. On retrouve déjà en filigrane, des thématiques qui lui sont chères telles que le respect de la nature et les rapports humains. Même si on ressent la patte du maître, il y a une autre ombre qui plane sur cette œuvre, une ombre aux grandes oreilles. Et ce n’est pas un hasard. Dans les années 50, fascinée par le studio Disney, la Tôei avait étudié de près les techniques d’animation et de colorisation chez l’oncle Walt. Clairement, ici, ça se ressent et pas juste parce qu’il y a des chansons. Les couleurs, les décors et l’animation évoquent fortement certains films du studio américain à l’instar de Merlin, l’Enchanteur ou encore La Belle aux Bois Dormants. Les techniques ont clairement été assimilé par le studio et c’est aussi certainement ce qui permet à Horus, 47 ans plus tard, ne pas trop subir les affres du temps. Le design de même que l’animation, bien que old school et traditionnelle, brillent par leur fraîcheur et leur fluidité et sont une véritable bulle d’oxygène dans ce monde du tout numérique.

 

horus-prince-du-soleil-6743La dernière influence, qu’elle soit consciente ou non, est certainement la plus inattendue. Loin du folklore japonnais, Horus lorgne plus du côté du conte européen, voire nordique. Le village vaguement viking, en rappelle surtout un bien connu dans nos contrées, celui d’un groupe d’irréductibles gaulois. Oui, il y a du Astérix dans Horus, tout comme il y en a dans le Cléopâtre de Tezuka (Re-Anime ici). Peut-être moins hystérique que celui de Goscinny et Uderzo, le village du film, sa dynamique et notamment certains de ses personnages comme le chef ou le comploteur nous renvoient au petit village gaulois.

 

Horus, Prince du Soleil a bientôt un demi-siècle mais il est encore fringuant pour son âge. Il défie les ans pour délivrer une histoire à l’ancienne, un récit épique, un conte initiatique dans la plus pure tradition de l’animation. C’est frais, c’est poétique, c’est du Takahata et ça, ça s’appelle un classique, messieurs, dames.

 

 

 

Horus, Prince du Soleil de Isao Takahata (1968) – Tôei Animation

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