On a vu… les débuts envoûtants de Top of The Lake

On a vu… les débuts envoûtants de Top of The Lake

Note de l'auteur

David Wenham et Elisabeth Moss (qui casse encore la baraque ; avec ou sans les bras croisés). Photo Sundance Channel Entertainment

Diffusée aux Etats-Unis sur Sundance Channel, la mini-série de Jane Campion (La leçon de piano) revisite les thèmes de prédilection de l’artiste avec beaucoup de maîtrise. Quitte à faire du cinéma pour la télévision.

Martin Scorsese (Boardwalk Empire), Gus Van Sant (Boss) et bientôt  Ang Lee (Tyrant) et Guillermo Del Toro (The Strain) pour la chaine FX : les grands cinéastes aiment de plus en plus le petit écran… et à ce petit jeu, encore une fois, les réalisateurs sont plus nombreux que les réalisatrices.

C’est donc avec autant d’intérêt que de curiosité que l’on s’est lancé dans le visionnage de Top of the Lake, série imaginée par Jane Campion et Gerard Lee pour la BBC et la chaîne américaine Sundance Channel. Pas dans une logique « youpi, la parité » (1), mais bel et bien parce que dans un média constamment obligé de se réinventer, Campion, avec son sens de la mise en scène et de la narration, s’impose comme une personne de choix pour remplir cette mission.

L’histoire de Top of The Lake, c’est d’abord celle d’une adolescente et d’une femme. La première s’appelle Tui, elle a 12 ans et au tout début de la série, on la retrouve immergée jusqu’aux épaules dans les eaux gelées d’un lac néo-zélandais. La seconde a pour nom Robin Griffin, inspecteur de police qui travaille à Sydney mais auprès de qui les forces de l’ordre locales vont solliciter de l’aide, alors qu’elle passe quelques jours chez sa mère.

Tui est effectivement enceinte. De cinq mois. Et refuse de dire qui est le père. Ou, plus exactement, lorsque Robin lui demande d’écrire son nom sur un bout de papier, la gamine écrit « No one ».

Peter Mullan incarne Matt Mitcham, inquiétant patriarche à cheveux longs. Photo Sundance Channel Entertainment

Alors qu’elle cherche à en savoir plus, Robin va très vite retrouver sur sa route les Mitcham, une famille à la tête de laquelle on retrouve Matt, qui deale de la drogue… et qui est également le père de Tui. Le père Mitcham a aussi trois autres fils : deux d’entre eux ne sont franchement pas des lumières alors que le troisième, Johnno, a des liens anciens avec l’inspecteur Griffin.

Confrontée à un machisme aussi crasseux que les habitants de la région dans laquelle elle doit enquêter, Robin va rapidement se retrouver face à une situation encore plus compliquée… alors que la présence d’un groupe de femmes en retraite sur les terres de Matt Mitcham crée un regain de tension.

Top of the Lake possède de multiples qualités. Au premier rang desquelles on retrouve sa distribution. Robin est interprétée par la sublime Elisabeth Moss (Peggy de Mad Men), alors que Matt Mitcham est incarné par Peter Mullan et GJ, la femme au centre du groupe des femmes, est jouée par Holly Hunter.

Mais c’est aussi une série qui vous embarque d’entrée de jeu. Principalement grâce à son ambiance lourde, pesante, dans un paysage immense et d’une beauté incroyable. Dans Top of the Lake, la nature est reine. Et la nature des hommes, dans ce qu’elle a de plus crue, de plus drue, ressort avec une maestria assez impressionnante.

Robin Griffin et Tui, une enfant qui laisse des mots énigmatiques en salle d’interrogatoire. Photo Sundance Channel Entertainment

Le téléspectateur est en fait gagné par une étonnante impression. Pour une fois, et comme assez rarement, une réalisatrice ne vient pas s’essayer à la télévision : elle explore son univers, ses questionnements, ses  thèmes de prédilection dans un champ qui n’est pas son principal terrain d’expression.

D’un certain point de vue, c’est un peu gênant. Lorsque Campion filme la Nouvelle-Zélande, le pays semble trop grand pour le petit écran. Et le remontage des épisodes imposé à la diffusion printanière – on est passé de six fois soixante minutes à sept épisodes de quarante-huit – pénalise un peu le récit.

On pourrait presque se dire que Campion fait un film de six heures. Sauf que non : elle a compris que la télévision est le média du temps qui passe et des liens qui durent. C’est ce qui fait de Top of The Lake un ovni télévisuel quelque peu étonnant mais définitivement prenant.

De ce que l’on en a vu, il mérite en tout cas le détour.

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(1) : La vraie parité, c’est quand on laissera des mauvais showrunners féminins produire autant de mauvaises séries que certains de leurs homologues masculins sans que l’on ne s’en émeuve. Constat : ce n’est pas pour la semaine prochaine.
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