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Le transmedia, nouvelle figure de proue de Warner / DC (Deuxième partie)

Le transmedia, nouvelle figure de proue de Warner / DC (Deuxième partie)

Dans la première partie de notre dossier (que vous pouvez retrouver ici), nous vous introduisions le concept de transmedia ainsi que la politique de Warner/DC sur l’utilisation de leurs personnages à l’écran, qu’il soit petit ou grand. Dans cette deuxième et dernière partie, nous vous exposerons aujourd’hui nos hypothèses sur ce que le transmedia, au travers de la web-série animé Vixen, pourrait apporter concrètement pour la firme sur le long terme, et ce qu’elle pourrait engendrer en étant trop gourmande pour les besoins de son univers partagé au cinéma. Oriane Hurard, productrice et programmatrice transmedia, interviendra à nouveau pour nous faire part de son expertise sur ses différents points.

Vixen à la rescousse

En 2015, Flash débarque sur la CW. Introduit au préalable aux côtés de Arrow, les aventures de Barry Allen cartonnent, atteignant même des scores supérieurs à la série-mère. En parallèle, la chaîne CW, via son site Internet, la CW Seed, introduit une web-série animée de six épisodes de 5 minutes chacun, nommée Vixen. Relatant les origines de Mari McCabe, orpheline africaine vivant avec son père adoptif, Vixen dépeint l’histoire d’une jeune femme obtenant des pouvoirs par un collier, legs direct de sa mère qui fut assassinée quand Mari était enfant. Le talisman lui procure la capacité d’obtenir les pouvoirs des animaux existants : la puissance d’un rhinocéros, l’agilité d’un singe, la vue de l’aigle, etc. À première vue, rien d’exceptionnel dans le projet. Les séries et films d’animations DC sont d’excellente facture. Alors la démarche d’un format court sur le moment étonne un peu. Mais le dessein de la CW est bien entendu tout autre.

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Tout comme Legends of Tomorrow, Vixen sert de spin-off et se trouve issue de l’univers de Arrow et Flash. Dès son pilote, la série montre comment Mari McCabe se retrouve en conflit avec les versions sérielles de l’archer vert et du bolide écarlate. Les deux héros adoptent un design identique aux séries dont ils proviennent et surtout, sont doublés par leurs acteurs respectifs. Stephen Amell (Green Arrow) et Grant Gustin (Flash), ainsi que leurs partenaires, Emily Bett Rickards (Felicity Smoakes) et Carlos Valdes (Cisco Ramon) prêtent donc leurs voix au projet. En fond, la partition de Blake Neely, déjà compositeur de Flash et Arrow, ne laisse planer aucun doute sur la raison d’exister de cette web-série d’animation : son portage vers la télévision. Et Megalyn Echikunwoke, qui prêtait sa voix à son avatar animé, d’apparaître aux côté d’Oliver Queen dans Arrow.

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Sa venue dans la série constitue une logique narrative pertinente. La saison 4 de Arrow étant placée sous le joug de la magie, et John Constantine ne pouvant répondre présent, le justicier de Star City n’a d’autre choix que d’appeler la personne la plus compétente pour résoudre un problème d’ordre mystique. Au-delà de cette plus-value narrative, Vixen symbolise aussi une vertu supplémentaire : elle octroie à la CW de mettre en exergue le gigantesque vivier d’individus de seconde, voire de troisième zone du catalogue DC et dont n’a cure Warner dans son affrontement contre les firmes concurrentes que sont Disney et la FOX. Via le transmedia, ici le dessin animé, les possibilités semblent infinies pour la CW de développer intelligemment un univers télé pour qu’il soit sans cesse étendu et renouvelé.

Parole d’experte :

« La web-série permet à DC et CW de tester le personnage de Vixen avant son introduction télévisée, et éventuellement, à terme, son incarnation cinématographique, soit en tant que personnage secondaire, soit carrément en tête d’affiche. C’est très malin car l’enjeu et les coûts sont moindres, mais l’univers dans lequel le personnage s’inscrit est déjà très dense et bien développé, donc la communauté des fans saura être réactive et répondre, positivement ou non, à l’apparition de ce nouveau personnage.
Quant au choix de l’animation, il est malin puisqu’il permet de prolonger l’univers des séries déjà existantes (Flash et Arrow), tout en évitant de solliciter les acteurs concernés aux agendas déjà bien chargés. Le doublage voix permet de conserver l’homogénéité des personnages, dans un sens (les acteurs des séries déjà existantes doublent leurs personnages) comme dans l’autre (la voix du nouveau personnage sera incarnée en chair et en os lors de son dévoilement télévisuel). La série Dexter avait utilisé le même procédé dans Dexter: Early Cuts, une web-série d’intersaison qui racontait l’enfance du héros, avec la voix de Michael C. Hall. »

Récupération Marketing

Le problème, c’est que Warner puisse s’intéresser de nouveau, à un moment ou à un autre, à la récupération de ces personnages en question. Malgré l’obtention d’une seconde saison dans sa web-série et de sa popularité dans Arrow, Vixen n’est pas intouchable. Dans les comics, l’héroïne fut maintes fois utilisée dans Suicide Squad et dans la Justice League. Nul doute que si la nécessité se faisait sentir, Warner s’en emparerait pour grossir les rangs de son univers cinématographique. Greg Berlanti et son équipe, les architectes des séries DC, devront alors trouver des solutions créatives qui remplaceront les héros et les vilains littéralement enlevés à leurs séries tv originelles. Si tout cela reste hypothétique, il est probable que cela se passe une fois de plus ainsi. Ce qui entraînerait la firme dans une situation périlleuse à long terme, si on y regarde de plus près.
Le premier risque serait de perdre la fidélisation du téléspectateur, à force de voir des personnages de qualité disparaître du petit écran pour se retrouver sur le plus grand. Les vagues successives de nouveaux arrivants pour remplacer ceux effacés, n’engagent pas à la pérennité et endort un problème plus qu’il ne le résout.

Le deuxième risque serait de sous-estimer grandement ce que le transmedia peut générer économiquement pour Warner. Reprenons le cas de Vixen. La web-série animée est exploitée via un support qui cible un public jeune via l’animation et sa diffusion sur Internet. Étendre de manière significative ce système à d’autres super-héros pour ce même public, et dans un univers partagé, fidéliserait les spectateurs très tôt. De plus, en cas de succès, ces personnages pourront être portés à l’écran en série live. On leur offre ainsi une seconde vie mais aussi une connexion entre deux audiences différentes et qui gravitent dans le même monde. Sans compter la permissivité sans limite que procure l’animation comparée aux autres médias. Le procédé, s’il est alors engagé intelligemment sur le long terme, déclencherait des profits importants grâce à une fidélisation accrue du public, en touchant une cible plus conséquente avec une économie indéniable pour sa mise en œuvre.

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Enfin, il ne faut pas oublier un élément important. Il y a peu de temps encore, bien peu croyaient au succès d’Arrow sur le long terme et encore moins à son univers partagé. L’utilisation complexe des personnages DC sur le plan télévisuel ainsi que la cible habituelle de la chaîne CW, très largement féminine, n’engageait pas vraiment à l’optimisme sur sa réussite. C’était il y a 4 ans. Autant dire presque rien. Aujourd’hui, l’archer vert pérennise sa performance comme un business plan à suivre. Avec trois séries dérivées à son actif (Flash, Legends of Tomorrow, Vixen), un emprunt de John Constantine à NBC dernièrement (qui a fait mouche en le réhabilitant auprès du public), ainsi qu’une rencontre inter-network en cross-over avec Supergirl (CBS) et Flash (CW), les résultats deviennent dès lors éloquents. La CW caracole avec d’excellentes audiences depuis l’installation de son procédé. Elle détient désormais un savoir-faire important grâce à son approche homogène (ce sont toujours les mêmes scénaristes qui gèrent leurs séries) et son excellente communication. Elle emprunte des directions nouvelles afin de repenser le monde dans lequel ses personnages gravitent, jusqu’à explorer de nouvelles formes de narration pour y arriver, Vixen illustrant parfaitement cette volonté*.

Parole d’experte :

« DC comme Marvel ont la chance d’avoir un univers, ou même des univers déjà existants, extrêmement fouillés, développés, avec les comics correspondants, et une importante communauté active et connectée derrière eux. Le rêve pour tout univers transmedia, puisqu’ils pourraient se permettre d’aller encore plus loin et explorer des supports ou des narrations moins évidentes : je pense au jeu de rôle, au spectacle vivant ou aux ARG, comme il y avait eu autour du film « The Dark Knight » de Nolan qui avait pour mérite de s’intégrer à la réalité et notamment à la campagne sénatoriale américaine avec le personnage de Harvey Dent, etc. C’est toujours plus intéressant quand le transmedia tente d’intégrer le public (ici déjà acquis à la « cause », en plus) et de se confronter au réel, en le rendant plus poreux à la fiction… et vice versa ! »

Le transmedia ne doit donc pas être négligé par Warner et DC dans leur rivalité contre Disney et Marvel. Ces derniers ne daignent pas (encore) s’intéresser à l’exploitation de l’animation au sein de leur univers partagé. Englué dans sa propre transmédialité qui se complexifie plus que de raison, le roi de l’entertainment a pour l’instant du pain sur la planche avec ses deux seuls médias (les séries et les films). Une opportunité trop belle que Warner et DC ne doivent manquer, d’autant que leur expérience dans le domaine de l’animation n’est plus à prouver. Après des choix qui divisent énormément sur la direction à prendre via le 7ème art, la firme bénéficie d’un terrain vierge et prometteur pour franchir une nouvelle étape dans sa conquête du divertissement via le transmedia. Maintenant, si tout reste à faire, espérons que Warner saura montrer du discernement dans ses desseins sur grand écran afin qu’ils ne desservent pas le petit sur le long terme.

 

* « Oliver and I had an animated encounter » On appréciera la géniale phrase méta de Mari à Oliver Queen dans l’épisode d’Arrow, faisant référence à leur première rencontre dans la série animée.

 

Le Dailymars.net remercie Oriane Hurard d’avoir accepté de répondre à nos questions.

Interview réalisée par Guillaume Nicolas.

 

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