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True Detective saison 2 : chronique d’une déception annoncée ?

True Detective saison 2 : chronique d’une déception annoncée ?

True-Detective-saison2Depuis le 21 juin, le public amateur de polar (1 épisode diffusé) et la presse (3 épisodes à disposition) ont enfin pu se faire une première idée sur la saison 2 de True Detective. Le verdict est sans appel : c’est pour le moment une déconvenue. Raisons d’un retour décevant.

 

 

FLASHBACK

 

true-detective-first-photos-04En avril 2014, quand Nic Pizzolatto, jeune écrivain et unique scénariste de la série, débarque à Paris au Festival Séries Mania, l’engouement pour la saison 1 de True Detective est acquis. La presse est quasi unanime pour saluer la performance du tandem d’acteurs –Woody Harrelson (Tueurs nés) et Matthew McConaughey (Mud), la maîtrise de son réalisateur Cary Fukunaga (Sin Nombre) et la qualité du scénario de Nic Pizzolatto, truffé de références littéraires, cinématographiques et philosophiques.

À l’époque, quand on lui pose la question de la future saison 2, le jeune écrivain se veut rassurant : « Ça se passe plutôt pas mal, j’ai déjà écrit les deux premiers épisodes. On va attaquer le casting en juin. Je m’amuse beaucoup ». Au-delà de l’apparente décontraction du jeune auteur, la pression est forte. Compte tenu de son concept, True Detective saison 2 aura une nouvelle histoire, de nouveaux acteurs, de nouveaux décors et changera de réalisateur. Mais la préparation de la nouvelle saison ne va pas être un long fleuve tranquille, bien au contraire…

UNE ÉCRITURE DANS LA DOULEUR

colin-farrell-sur-le-tournage-de-true-detectiveAu-delà de la question de la place des femmes soulevée dans la saison 1 par Emily Nussbaum, critique TV du New York Times, ainsi que du possible plagiat dévoilé par le site The Lovecraft eZine concernant des dialogues de Rust Cohle (Matthew McConaughey), a priori très largement inspirés du livre de Thomas Ligotti, The Conspiracy Against the Human Race, c’est de HBO elle-même (chaîne câblée américaine qui diffuse la série) que va venir le coup le plus rude pour Nic Pizzolatto.

Alors que la diffusion de la saison 2 était au départ programmée en janvier 2015 (juste un an après la diffusion de la première saison), HBO annonce que la préproduction a pris du retard et que la saison 2 est repoussée à l’été (juin 2015). En coulisse, il se murmure que si l’arche narrative a bien été validée par les responsables de la chaîne, l’auteur de la série a été prié de revoir l’écriture des premiers épisodes, qui ne donnaient pas entière satisfaction. Force est de constater qu’en dépit de la réécriture, le premier épisode de la saison 2 de True Detective n’est pas un modèle du genre.

De facture classique, ce premier segment d’exposition pour les personnages s’inscrit dans un univers physique qui peine à s’imposer (en tout cas dans l’immédiat). Les usines impressionnantes de Vinci, banlieue industrielle de Los Angeles qui remplace la Louisiane poisseuse et hypnotique de la saison 1, ne font pas partie intégrante du récit. Pizzolatto utilise aussi de manière un peu facile un flash-back pour définir ses personnages. La structure narrative fragmentée de la saison 1 laisse place à un tempo linéaire moins complexe, moins énigmatique aussi.

 

DÉFICIT DE RÉALISATION

 

true-detectivepL’autre défaut majeur de ce début de saison, peut-être encore plus flagrant, est la très nette baisse de la qualité de la réalisation. Justin Lin (Fast & Furious 5 et 6), qui remplace Cary Fukunaga, semble suivre mécaniquement un cahier des charges fait de plans aériens de scènes dialoguées à l’intérieur de voitures, sans jamais prendre le temps de faire vivre ces scènes ou de leur donner une identité forte.

Exemple le plus frappant : une scène de passage à tabac, lorsque le personnage de Colin Farrell corrige un homme entrant par effraction dans son domicile. Plate, sans réelle montée en puissance, elle renvoie curieusement à une scène similaire de Killing them Softly, mais qu’Andrew Dominik transcendait littéralement par des choix de mise en scène puissants et innovants. Le contraste est saisissant. Dans le troisième épisode, cette saison 2 propose enfin sa première scène d’action d’envergure : une course-poursuite réalisée sans ampleur par Janus M. Pedersen (réalisateur de documentaires danois) et qui forcément pâtit de la comparaison avec le plan-séquence de six minutes du 4e épisode de saison 1, époustouflante proposition de mise en scène à hauteur du De Palma de la grande époque.

truedetective15_09.0.0Une fois encore, Nic Pizzollato est directement responsable de cet état de fait. C’est lui qui a choisi de faire appel à plusieurs réalisateurs pour mettre en scène les épisodes de cette saison 2. Une décision qui fait suite aux tensions entre Nic Pizzolatto et son unique réalisateur Cary Fukunaga sur toute la saison 1. Un climat électrique ayant d’une certaine façon façonné l’univers visuel de la saison 1, la force de conviction de Fukunaga servant de garde-fou face aux exigences du scénariste de la série. Désormais seul maître à bord, Nic Pizzollato ne se remet plus en cause, les réalisateurs ne sont plus que des exécutants.

 

QUELS ESPOIRS POUR LA SAISON 2 ?

 

Heureusement, trois choses permettent encore d’espérer :

1. le récit qui risque de s’intensifier au fur et à mesure des épisodes.

2. une galerie de personnages et des situations qui renvoient savoureusement à l’univers des romans de James Ellroy.

3. les comédiens, tous excellents, de Colin Farrell (Alexandre) à Vince Vaughn (Les Stagiaires) en passant par Rachel McAdams (Sherlock Holmes) et Taylor Kitsch (Friday Night Lights).

Il est trop tôt pour condamner la saison dans son ensemble et son auteur, mais il n’est pas trop tard pour s’en inquiéter. On ne peut regretter qu’une seule chose pour le moment : que William Friedkin, un moment approché pour réaliser la saison 2, ait été finalement écarté. Depuis, le réalisateur de French Connection a annoncé qu’il lançait une adaptation en série de Police fédérale Los Angeles, son film culte des années 80. Souhaitons y trouver ce qu’on recherche encore désespérément dans les trois premiers épisodes de True Detective saison 2 !

Cédric Melon

True Detective, saison 2 : chaque lundi sur OCS City à 20h55.

Rappel : la critique du Season Premiere de cette seconde saison de True Detective selon Guillaume Nicolas, c’est par ici !

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