
True Grit : les Coen changent de ton
Délaissant momentanément leur cynisme habituel, les frères Coen embrassent à leur façon la tradition du western héroïque. Le résultat est tout bonnement magnifique. A découvrir dés le 23 février en salles, et au trot les gars !
On ne devrait jamais écrire une critique trop longtemps après visionnage d’un film. Ou d’une série. Ou d’un documentaire sur la loutre guatémaltèque, ça marche aussi, mais dans ce cas précis je parle bien de True Grit. Plusieurs nuits me séparent déjà de la projection du splendide western des frères Coen et, à chaque révolution terrestre, les souvenirs s’effacent un peu plus. La chronologie des scènes s’imprécise, les dialogues s’estompent, la mémoire sèche comme l’encre fraîche sur du papier buvard, substituant à la netteté des faits une impression toujours plus diffuse et approximative. Dans le cas d’une purge ou d’un divertissement lambda, peu importe. Dans celui d’une œuvre des frangins Coen, c’est toujours plus fâcheux vu la richesse infinie du matériau. Devais-je pour autant m’interdire d’écrire sur ce superbe western, exceptionnel a plus d’un titre dans le parcours artistique de ses auteurs ? Je dis non ! Alors en voiture, Simone.
Un détail m’a souvent chagriné avec les frères Coen : le cynisme systématique de leur cinéma. Toujours d’une maîtrise implacable, d’une minutie d’horloger et d’une finesse de dentellière mais le grand naïf en moi a toujours été (un peu) agacé par le côté « petit malin » de leur approche narrative. Irrité par cette façon – brillante, certes – de toujours prendre leurs personnages de haut. Qu’il s’agisse des amants assassins de Sang pour Sang, du couple crétin d’Arizona Jr, des truands machiavéliques, lâches ou idiots (au choix) de Miller’s Crossing, de la suffisance de Barton Fink, de la fainéantise confite du Dude dans The Big Lebowski ou du veule mari incarné par William H. Macy dans Fargo… L’Homme, chez les Coen, est inlassablement dépeint comme un freak névropathe, fourbe, mongoloïde ou meurtrier, en tout cas plutôt méprisable et dont il vaut mieux rire plus ou moins explicitement selon le ton de chaque nouvelle histoire. Pourquoi pas…. Mais la répétitivité de cet acharnement misanthropique ne conduira-t-elle pas un jour dans l’impasse ? Toujours est-il que True Grit, pour la première fois dans leur filmo, flingue cette posture.
Seconde adaptation du roman culte de Charles Portis (après un premier True Grit réalisé en 1969 par Henry Hathaway avec John Wayne), ce nouveau bijou des frères Coen leur donne l’occasion, pour la première fois, de nous faire aimer sincèrement leurs protagonistes. Sans pathos éhonté bien sûr et toujours à l’aune de leur inimitable patte ironique (on ne jette pas son ADN aux orties aussi facilement). Mais incontestablement, les Coen manifestent de l’affection, voire du respect pour les « gentils » de cette histoire. Et pour commencer leur héroïne : Mattie Ross (Hailee Steinfeld), 14 ans, résolue à venger l’assassinat de son père par le lâche Tom Chaney (Josh Brolin) pour quelques piécettes. Débarquant seule dans la petite ville de Fort Smith, située à la lisière de l’ultime frontière avec le territoire indien (futur Etat de l’Oklahoma), elle va littéralement harceler le récalcitrant Marshal Rooster Cogburn (Jeff Bridges) pour qu’il accepte de traquer Chaney contre récompense. Alors que 90% des enfants et/ou jeunes adolescents du cinéma américain sont généralement baffables (statistiques établies par notre huissier assermenté Maitre Mauriçard), l’incroyable (et débutante !) Hailee Steinfeld parvient sans mal à porter le film sur ses frêles épaules et nous toucher en plein cœur via l’opiniâtreté inflexible de son personnage. Il faut voir ce tout petit bout de (future) femme négocier pied à pied avec un vendeur de chevaux, enguirlander le Marshal ou encore s’acharner à traverser une rivière à cheval au mépris du risque de noyade. Comment ne pas fondre devant le courage de cette enfant qui, à l’issue de cette scène éprouvante et poignante, prouve à Cogburn et au Texas ranger LaBoeuf (Matt Damon) qu’elle a le cran, l’étoffe nécessaires pour les suivre dans la traque de Chaney. Dans le rôle du Marshal borgne Rooster Cogburn, gâchette impitoyable mais alcoolo fini, Jeff Bridges est un festival à lui tout seul. Etrangement ressemblant à Nick Nolte sur certains plans/intonations, l’acteur s’en donne à cœur joie en vieille ganache qui, lentement mais sûrement, va se laisser attendrir par la vaillance de Mattie.
J’ai entendu ici et là quelques commentaires regretter la relative sagesse de True Grit, eut égard à d’autres pics d’audace dans la filmo des Coen. En ce qui me concerne, je trouve qu’il s’agit formellement de leur plus belle ouvrage. Tout en l’adaptant à leur sauce très personnelle, les frangins fous ont pris le parti de renouer avec une certaine tradition du western héroïque, lumineux, grandiose. True Grit est tout cela, embrassant dans son flamboyant cinémascope la noblesse du grand Ouest américain, composant des plans d’une beauté à tomber de son siège. Cela n’empêche pas nos diablotins de glisser leur savoureuse malice habituelle dans les dialogues, basculer soudainement dans la violence la plus crue ou introduire ici et là quelques étranges visions, fugues décalées typiques de leur narration. On n’est pas non plus chez Ford ni Hawks, mais bien chez les Coen et, tout optimiste qu’il soit, True Grit conserve une rudeur froide soulignée par la photo de Roger Deakins. L’action est rare mais dés que la poudre parle, les Coen font la loi et tous les petits frimeurs de la caméra tremblante et de l’accéléré saccadé peuvent rentrer chez maman : les fusillades de True Grit, claires, précises et foudroyantes, laissent bouche bée. Parfois un brin bavard mais toujours digne d’intérêt par la seule force de son casting (j’oubliais Matt Damon, Josh Brolin et un méconnaissable et terrifiant Barry Pepper, tous au poil !), True Grit prend un envol définitif dans ses vingt dernières minutes, irrésistibles d’émotion. Lentement mijotées à feu doux, les relations entre le trio Mattie/Cogburn/La Bœuf sont soudainement chauffées à blanc lors d’un rebondissement tétanisant où les nerfs du spectateur seront soumis à rude épreuve. Une chevauchée pour la survie s’en suit, bouleversante, interminable, où l’humanité à l’œuvre depuis le début de ce sacré film vous explose à la gueule et vous serre la gorge sans prévenir. Les insensibles au cynisme enkysté n’apprécieront peut-être guère cet éloge vibrant du courage et de l’amitié, tellement inhabituel chez les Coen. Une candeur qui ne durera certainement que le temps d’un film, mais nous transmet le souffle palpitant de la grande aventure et un attachement définitif aux héros de ce très, très beau western. Chapeau les frangins !
TRUE GRIT : BANDE-ANNONCE VOST de Joel et Ethan Coen (2011)
envoyé par baryla. – Regardez plus de films, séries et bandes annonces.
True Grit, de Joel et Ethan Coen (1h50). Sortie nationale le 23 février.
Faut pas beaucoup me pousser pour voir un western mais là je dois dire que tu m’as bien mis l’eau à la bouche, je mets une petite croix sur mon calendrier.
A lire comme ça, bien sûr, ça fait envie. Je ne doute pas une seconde de la qualité du film mais je n’apprécie que moyennement les westerns pour être franc, j’ai l’impression de voir toujours la même histoire : Machin qui veut se venger de Bidule, longues marches à cheval dans la forêt ou le désert, fusillade dans un village paumé, duel au milieu de la rue principale…
Donc bon, je sais pas trop si j’irai le voir honnêtement. Même si le fait que ce soit les frères Coen qui réalisent m’inciterait à y aller (j’ai vu Burn After Reading la semaine dernière, c’est vraiment des déglingués ces types-là).
un cohen , mais comment refuser , non franchement, j’attend avec impatience celui ci
Tu n’as pas tort Boubou, et moi même je peux pas dire que je raffole des westerns. Il y a dans celui là aussi des figures imposées et si tu es vraiment allergique qu genre, il vaut peut être mieux que tu passes ton chemin. Mais un vrai western réalisé par les Coen, c’est en soi déjà une telle curiosité, et le résultat final est tellement bien foutu que je pense que tu te priverais d’un très bon moment de cinoche. Enfin bon moi j’dis ça hein, j’dis rien !
Voui, je verrai bien, je n’exclus aucune option. Merci Plipliss.
hihi ! 🙂
enfin un gaulomètre qui ne décevras pas
Fan des Coen Bros, j’ ai été bien déçu par ce film que j’ attendais avec impatience sujet à la B.A. L’ actrice principale n’ est vraiment pas dans le truc, le tout manque cruellement de rythme.
Reste Jeff Bridges; parfait, comme d’ habitude.
Dommahe, cela film aurait du être de bien meilleur facture.
A parler de Western, sûr qu’ on est pas cher Ford, mais je me suis beaucoup moins ennuyé avec « Impitoyable » voir même « 3h10 tu Yuma » !!
Bon, le film se regarde, il y a des jolies plans et du dialogue, mais j’ attendais mieux.
Merci de ta critique John :=)
Pareil que pour Black Swan, je lis rien, je ne veux rien savoir. Vade Retro journalistas ! 😉
Et là tu vas me dire « mais je suis chez moi ! »… oui bon…
Vu hier soir, une photo superbe, des acteurs magnifiques, superbe film…être votant aux oscars cette année ne va pas être une sinécure.
Vu hier soir ! C’est vraiment un film sublime! Pas le meilleur des fréres cohen qui pour moi reste O’Brothers et The big Lebowski mais un superbe western plus vrai que nature! Jeff bridges est tout simplement époustouflant et Hailee Steinfeld est aussi magnifique ! bref que du bonheur !! courrez le voir
Superbe film ! De la photo réussie (plans de fous pour n’importe quel fan de western) au casting sans erreurs (Jeff Bridges en tête) en passant par des dialogues savoureux et une action certes lente, mais jamais ennuyeuse, ce film reste pour moi numéro 2 en ce début d’année. Mais un numéro 2 derrière Black Swan reste un très beau numéro 2.
Ce film m’a vraiment donné envie de revoir des westerns!
J’ai adoré ce film. Et la fin est vraiment très belle. J’ai été bluffée par Hailee Steinfeld !