
« Un nanar est tout sauf opportuniste… » Quand Nanarland sort son Livre des mauvais films sympathiques !
Depuis une quinzaine d’années maintenant, Nanarland déniche avec humour, tendresse et finesse des perles nanardesques. Devenu incontournable en ligne, le site sort son premier volume sur papier : « Le Livre des mauvais films sympathiques – Épisode 1 ». Une encyclopédie passant en revue 50 « objets filmiques non identifiés ». Rencontre avec Fabien Gardon, un de ces aventuriers du 7ème art…
Ce qui frappe, de prime abord, sur le livre, c’est son design. Parce que l’on peut vraiment parler de design. Il se présente comme une VHS, le format historique des vidéoclubs. Qui a eu l’idée de faire de ce livre une VHS ?
Fabien Gardon : Pour la forme, l’idée de la VHS est venue d’Ankama. Avant même que l’on commence à travailler sur le livre, ils avaient ce design en tête. Forcément, ça a plu à toute l’équipe puisque tous les auteurs sont des enfants de ce support et des vidéoclubs. Et pour la plupart, les premiers émois du nanar sont venus par ce format.
Le livre couvre des décennies de cinéma et traverse tous les océans. On lit une sorte d’histoire parallèle du cinéma. Au-delà de la « blague » et des bons mots, ce qui rend la lecture particulièrement agréable, vous avez une volonté encyclopédique qui passe aussi par la sélection de 50 films. Comment les avez-vous choisis ?
C’est avant tout un choix commun avec l’équipe de rédaction du livre. Il fallait prendre la crème du site tout en étant le plus large possible dans les différents genres (action, érotique, horreur, etc.). A la base, on était partis sur 100 films puis sur les bons conseils d’Ankama et du Label 619, on est passés à 50 pour rendre le tout un peu plus « digeste », tout en gardant sous le coude d’éventuelles munitions qui pourraient servir pour un potentiel Tome 2.
Des 50 films présentés dans le livre, quel est LE nanar qui vous est le plus cher et pourquoi ?
Difficile de répondre étant donné que chaque auteur dans le livre (neuf personnes ont participé à l’écriture du livre, sous la direction de François Cau qui a su rendre le tout homogène) doit avoir son propre Graal. A la limite, s’il y a un film qui mettrait tout le monde d’accord, c’est White Fire. On est tous, dans un sens, amoureux de ce film à l’histoire rocambolesque à souhait : la recherche d’un diamant de 10 000 carats (radioactif qui plus est) recherché par un type (Robert Ginty) qui tombe amoureux du sosie de sa sœur. Je te jure qu’une fois que tu as vu ce film, tu n’en ressors pas indemne.
Est-ce qu’un film devient un nanar ou est-ce qu’il l’est dès son origine / sa fabrication ?
Un film devient un nanar dans la mesure où le résultat n’est pas à la hauteur de ses ambitions. Ce qui nous fait rire, c’est le marchepied ou parfois même le fossé qu’il y a entre ce que voulait faire le réalisateur avec les moyens qu’il a eu pour le faire, et le résultat à l’écran. Par exemple : quand la tagline de la jaquette du film Ninja Warriors annonce « Quel pouvoir peut vaincre la puissance des guerriers ninjas ? » avec en plus un visuel rempli de scènes d’action et qu’au final tu te retrouves à regarder trois ninjas moustachus qui se battent mollement en essayant de faire des flips arrière… tu ne peux qu’être conquis.
Le livre ne propose pas de définition précise de ce qu’est le nanar. Il est protéiforme et touche tous les genres. À la limite, le seul point commun de tous ces films pourrait être leur aspect « involontaire ». Et de cette constatation naît justement une des réflexions les plus intéressantes, à mon sens, du livre : il y a une forme d’opportunisme commercial qui s’est développé ces dernières années autour du « nanar » à travers une production « volontaire », dont le symbole le plus visible serait la maison de production Asylum. Comment considérez-vous cette recherche d’une production calibrée nanar ?
Notre définition, chez nous, est assez simple. Un nanar est un mauvais film sympathique. A l’inverse du navet qui est un mauvais film chiant. LE nanar a cela de magique qu’il peut tout aussi bien se trouver dans des films français que philippins, dans les films d’action que dans les comédies romantiques. Il y a un côté accidentel dans le nanar, c’est pour ça qu’il est si beau à mon sens. C’est tout sauf opportuniste. Il y a une vraie volonté de bien faire à la base. Dans les dernières productions à base de requins ces dernières années (Sharknado par exemple), on est aux antipodes de cela. C’est pour ça que ces films ne nous font pas rire. Bien au contraire. Dire franchement aux spectateurs « Regardez ! On a fait exprès de faire un mauvais film pour vous faire marrer », c’est du cynisme qui fait mal.
L’autre élément qui m’a le plus intéressé, et qui est devenu plus évident encore grâce au format livre, c’est la notion d’ « auteur ». Comment est-ce que l’on peut définir un « auteur » de nanar ?
Vaste question… Je ne sais pas s’il y a des auteurs qui ne font que des nanars, même si certains, comme Bruno Mattei sont coutumiers du fait. On peut effectivement parler d’auteurs car généralement ce sont des gens qui, poussés par des contraintes techniques, financières ou autres, sont obligés de faire différemment et bousculent parfois les « codes » du cinéma. Par conséquent, ça se ressent lors du visionnage. Alors, parfois, ça ne procure aucune sensation particulière, et puis parfois, ça donne un film unique comme The Room de Tommy Wiseau…
Parmi ces auteurs, Ed Wood est la figure totémique. Quels sont les autres auteurs marquants selon vous et pourquoi ?
Ed Wood est une figure car c’est une personne qui a toujours cru en ses projets. On est assez fan du film de Tim Burton sur son sujet, car il offre une représentation de l’homme sans une once de méchanceté. Dans un autre genre, il y a aussi Tommy Wiseau qui a écrit le scénario de son film, l’a réalisé et en interprète le rôle principal. Dommage qu’il n’arrive pas à faire correctement la plupart de ses tâches, individuellement…
Le nanar a ceci de commun avec les films cultes comme Star Wars ou Rocky Horror Picture Show qu’il a le pouvoir de fédérer les fans. A quoi cela tient-il ?
Un nanar doit se voir à plusieurs. C’est une donnée de l’équation qui est nécessaire. Quand tu participes aux Nuits Excentriques, à la Cinémathèque Française, c’est comme si ton salon était composé de 400 potes. Forcément, l’ambiance est plus chaude. On peut faire le parallèle avec les séances du Rocky Horror Picture Show dans la mesure où ce sont des séances qui se vivent, au sens littéral du terme. On demande, lors de ces séances, aux spectateurs de ne pas regarder « religieusement » le film. On demande aux gens de s’exprimer, de rire, de crier leur amour si une scène leur plaît. Mais attention, contrairement au Rocky Horror Picture Show, on demande à personne de se déguiser. On ne va pas aussi loin ! (rires)
Il est indiqué sur le livre qu’il s’agit d’un Épisode 1. Cela sous-entend qu’un volume 2 est plus que probable. Est-ce dans les cartons ?
C’est effectivement le cas. On commence à y travailler tout doucement… On va bien voir jusqu’où ce tome 1 nous mène mais pour le moment, l’éditeur est plutôt content des ventes, et nous aussi.
La problématique pour un « volume 2 » tient dans la sélection des films qui pourraient y figurer. N’avez-vous pas tiré vos meilleures cartouches avec ce premier livre ?
On est partis à la base sur 100 films pour en garder finalement que 50. Il nous reste encore pas mal de genre à exploiter pour un tome 2, comme les films post-apocalypse (les sous Mad Max) ou bien les comédies nanardes par exemple.
L’émission Nanarland, longtemps diffusée via AlloCiné, s’est achevée il y a un peu plus de deux ans. Cela ne vous démange pas de refaire une émission ?
La priorité de Nanarland, c’est avant tout le site Internet. Mais oui, l’expérience avec AlloCiné était vraiment sympa à faire. Ils nous ont laissé plutôt libres de faire ce que l’on voulait et ont toujours été bienveillants avec nous. Il y a un projet audiovisuel au sein de l’équipe, mais c’est encore trop tôt pour en parler.
Propos recueillis par Thomas Destouches le 30 novembre 2015.
Remerciements chaleureux à Fabien.
« Nanarland – Le Livre des mauvais films sympathiques Episode 1 » édité par Ankama – Prix conseillé 19,90 euros