
Une lueur dans la nuit (Batman: Arkham Knight)
Somptueux, magistral, étourdissant, les adjectifs ne manquent pas sur le web au sujet de cet ultime aventure du Dark Knight dans la trilogie Arkham. Toujours plus haut, toujours plus fort, Arkham Knight se voit comme la concrétisation de Rocksteady pour asseoir son dernier épisode comme le jeu ultime sur Batman. Pari réussi ?
Final en apothéose
Catastrophique aura été le maître mot du lancement de la version PC de Batman Arkham Knight. Alors que les versions consoles (« versions prioritaires », évidemment) ne connaissent aucun défaut majeur, la version PC, qui aurait dû être la « superior version », se retrouve bardée de bugs techniques, de ralentissements en pagailles et de freezes insistants. Fort heureusement, votre serviteur ayant eu la bonne idée de changer son PC il y a quelques mois, j’ai pu joué à peu près normalement, avec un jeu fluide (deux-trois micro-freezes), un 60 FPS ronronnant en bidouillant quelques fichiers et en appliquant un patch salvateur de la part de nVidia qui a su réagir promptement. Contrairement à Warner Bros qui, à l’heure où j’écris ces lignes, n’a toujours pas remis en vente la version PC de son titre, deux semaines après sa sortie. Autant dire que l’éditeur a intérêt à soigner l’arrivée de son Mad Max sous peine d’apercevoir au loin les lueurs des torches des joueurs PC venant réclamer leur dû.
Revenons au jeu. Batman: Arkham Knight est donc le quatrième volet des jeux Batman: Arkham, et le troisième volet de la trilogie entamée par Rocksteady (le troisième jeu, Arkham: Origins, n’était qu’un spin-off apéritif qui se digérait assez mal). Le jeu se déroule donc juste après les événements d’Arkham City. Après quelques mois d’une tranquillité fragile, les habitants de Gotham se retrouvent forcés à fuir la ville, sous la menace de l’Epouvantail qui a en sa possession un gaz, de peur qu’il puisse le répandre comme bon lui semble dans les rues. Une fois la ville déserte, il peut donc se servir de sa milice privée pour contrôler Gotham, dirigée par le mystérieux Arkham Knight, un bad guy qui semble connaître Batman. Gotham se retrouve donc livrée à elle-même, sous le joug de la milice qui a installé des structures défensives et des armements anti-aériens pour contrôler la zone, tandis que les forces de polices se retranchent dans le commissariat, et que les émeutiers et les voyous en profitent pour mettre la ville à sac. Sans compter les vilains habituels de la licence qui vont en profiter pour faire marcher le business. Batman a donc du pain sur la planche, et va s’attaquer à un Gotham somptueux techniquement. Gothique, lugubre, magnifique, baignée dans les lueurs de la lune et balayée par une pluie insistante, Gotham City est un incroyable terrain de jeu qui offre un écrin sublime pour écrire les dernières aventures du chevalier noir. Les effets ne sont pas en reste, avec la pluie coulant sur l’armure de la chauve-souris, des destructions dynamiques dans tous les sens et une direction artistique toujours aussi réussie.
Ce troisième volet reprend donc les mécaniques déjà établies dans les précédents jeux : une grande zone ouverte (plus grande que Arkham City), plusieurs types de gameplay suivant les missions et des quêtes annexes dans tous les sens (oui, on se retrouve encore avec une grosse centaine d’énigmes du Riddler). Le jeu s’articule autour de l’histoire principale, et de missions secondaires toutes articulées autour d’un méchant principal et d’un type de gameplay. Le gameplay est toujours aussi efficace. Les passages de combat, l’un des gros succès de la licence, s’enrichissent notamment de nouvelles possibilités. Toujours aussi dynamiques et tactiques, le jeu propose d’ailleurs suffisamment de gadgets de base pour pouvoir s’amuser dès le départ. Toute l’astuce consiste à bien observer ses adversaires et son environnement pour gagner la partie. Plus le jeu avance, plus les types d’ennemis se multiplient : des gardes avec des boucliers qu’il faut désarmer si on veut les frapper, des vilains aux matraques électriques qu’il faut électrocuter, des armes à feu, des épées, etc.. Les habitués seront aux anges, et le jeu devenant sacrément difficile, il ne faudra pas hésiter à préparer son approche en piégeant les caches d’armes ou en désactivant les matraques à distance, ce qui aura pour effet de les étourdir à la moindre utilisation. Parmi les nouveautés, on notera la possibilité d’utiliser l’environnement, pratique pour encastrer la tête d’un sbire dans un projecteur, ou d’envoyer une conduite de ventilation dans les dents d’un malandrin. Les coups spéciaux s’agrémentent de spécificités aux gadgets : en laissant le bouton maintenu, vous pourrez une fois la jauge pleine effectuer un finish move avec le grappin par exemple, ou geler dans la foulée trois ennemis à la fois. Enfin, parmi les ennemis, on trouvera quelques nouveaux venus comme des médecins qui raniment leurs potes tombés au combat en leur mettant une petite décharge électrique histoire de compliquer les choses. Inutile de dire que ces salopiauds seront vos cibles prioritaires.
En ce qui concerne le mode prédateur, quelques petites nouveautés ici et là. Je rappelle que ce mode consiste à se débarrasser un à un des ennemis dans une zone en multipliant les pièges et les techniques de fourbes. Sachant que tous les ennemis sont équipés d’armes à feu, il vaut mieux éviter le corps à corps et de se faire le plus discret possible, tout en les faisant paniquer peu à peu. Le jeu possède une petite nouveauté plutôt classe : la multi-élimination, que vous pouvez déclencher lorsque vous réussissez à vous débarrasser d’un ennemi silencieusement. Quand un ennemi ne vous voit pas, vous pouvez l’éliminer immédiatement. Le jeu freeze alors et vous donne la possibilité de passer directement à un autre ennemi sélectionné pour l’anéantir aussi vite, et ce jusqu’à trois maximum. Très efficace, très classe, autant dire que dans certains passages, ce sera essentiel. A noter l’IA des ennemis encore améliorée, capable de prendre des initiatives comme poser des mines ou des tourelles ou de contrôler des drones. Évidemment, tous ces éléments sont désactivables voire piratables, pour peu qu’on débloque la bonne compétence parmi la fournée à votre disposition. Ces passages sont toujours aussi amusants, et la richesse du gameplay permet de renouveler les situations. Cela oblige à anticiper les mouvements ennemis ou à improviser lorsque votre adversaire tente de vous débusquer en enflammant les conduits ou en minant les points d’observations.
Un crissement dans la nuit
Enfin, la grosse nouveauté du jeu, et qui offre littéralement un troisième type de gameplay, c’est la fameuse Batmobile. Pour être honnête, j’étais moyennement chaud lors de l’annonce, et manette en main, il y a du bon et du moins bon. Le gros point fort du véhicule, c’est le soin apporté à tout son fonctionnement et la classe ultime lorsqu’on est aux commandes. On peut passer de la voiture à un tank en laissant la gâchette appuyée, tout en changeant de mode de commandes afin de strafer facilement. L’effet « Transformers » marche diablement bien, et bondir sur une rampe pour poursuivre un drone, changer de mode dans les airs et atterrir derrière l’ennemi en le criblant de missiles est fichtrement efficace. Évidemment, Batman ne tue pas et le véhicule ne déroge pas à la règle : les drones qu’on affronte sont sans pilote, et votre canon de base se modifie instantanément face à des émeutiers pour devenir un fusil anti-émeute. Même les pauvres bougres qui passent sous les roues sont soit trop agiles pour se faire avoir, soit électrocutés à l’aide d’une petite décharge au moindre contact. Et il faut dire que se balader dans Gotham n’aura jamais été aussi fun, grisant et classe. Batman peut littéralement se propulser afin de planer très rapidement dans les airs, et plonger vers le sol en appuyant sur une simple touche pour appeler votre monture, atterrir sur le sol en voyant sa Batmobile, arriver puis bondir pour rentrer dedans est un moment dont on ne se lasse jamais.
Non, ce qui lasse malheureusement, ce sont les phases d’action en véhicule, bien trop nombreuses. Outre les nombreux objectifs secondaires qui feront appel à votre destrier (énigmes du Riddler, course-poursuites de véhicules blindés, passages à débloquer avec le treuil, objets à détruire avec le canon, arènes avec tanks à détruire), le jeu s’en sert aussi allègrement en mode histoire, entre passages souterrains avec accès à débloquer, éléments à détruire avec le canon ou le treuil ou encore une fois combats en mini-arènes avec une quarantaine de tanks à détruire. Ce sont ces derniers qui enfoncent le clou, avec des séquences bien trop longues et bourrines qui, si elles sont rigolotes au début, deviennent vite rébarbatives et contradictoires avec ce que devrait être Batman. Fort heureusement, elles ne sont pas si nombreuses que ça (en mettant les missions annexes de côté). On aurait aimé plus de phases « voiture » pour les poursuites, clairement réussies, plutôt que des phases « tanks » où le chaos et la folie destructrice sont de mise.
L’une des bonnes surprises du titre – un des points auxquels je ne m’attendais pas – c’est son histoire et les thèmes traités. Autant être clair, l’histoire en elle-même, les péripéties et la progression de l’aventure, n’est pas des plus efficaces ni extrêmement réussie : les twists et les révélations tombent un peu à plat. L’identité du fameux Arkham Knight, relancée durant toute l’histoire, est grillée dès les deux premières heures de jeu si on connaît un tant soit peu les comics Batman. Mais ce qui marche dans le jeu, c’est tout le traitement du personnage de Batman et ce qui est véhiculé durant le jeu. Pas question de spoiler ici, mais la manière dont le jeu est mis en scène est extrêmement ingénieuse et renvoie aux meilleures séquences étranges de Arkham Asylum, éléments un peu oubliés sur le Arkham City. Effets de caméra, changements de points de vue, certaines séquences fonctionnent extrêmement bien et se servent à merveille du support du jeu vidéo pour raconter d’une autre manière les thèmes fort de Batman et de son personnage : son statut de légende, d’icône au sein de Gotham et son rapport à la Bat-Family, en mettant tous les personnages secondaires au centre de l’histoire, que ce soit Gordon, Oracle ou Robin et en s’en servant comme moteur pour raconter cette longue nuit en enfer. Les références aux comics pleuvent dans tous les sens, et les fans en auront pour leur argent. On notera même certaines similarités dans les thèmes avec les films de Nolan, c’est pour dire. Et il vous faudra terminer tous les objectifs annexes pour révéler la vraie fin du jeu, qui clôturera comme il se doit une trilogie qui se termine en apothéose. Le jeu se permet en outre une plus grande fluidité dans son déroulement. Les gros niveaux intérieurs laissent la place à un découpage plus naturel, oscillant entre des niveaux directement dans le hub principal du jeu et des décors plus fermés mais relativement petits. Les boss sont quasi absents mais ce que le jeu perd en séquence forte avec les vilains, il le gagne en maîtrise de storytelling à tous les niveaux.
En conclusion, Batman Arkham Knight est une excellente conclusion de la trilogie Arkham. J’y allais à reculons d’abord parce que c’était ENCORE un jeu Batman avec une zone de vilains et non un Gotham vivant et pleine de civils (que j’espère pour un futur jeu). A quand un jeu Batman dans un Gotham open où on pourra répondre présent lors d’une poursuite de criminels en sauvant la veuve et l’orphelin ? On se retrouve encore une fois pris dans une aventure où on sauve indirectement une population puisqu’elle n’est pas présente « physiquement ». Mais il faut reconnaître toute la maîtrise de Rocksteady à faire incarner une des plus belles figures du comics américain : vous êtes Batman, vous êtes ce symbole dont les criminels ont peur, et vous le faites savoir à toute la ville. Où que vous soyez, Batman transpire la classe à tous les étages et son gameplay est tellement efficace et épique qu’il faudra longtemps pour qu’un autre studio arrive à faire incarner le Batman aussi efficacement que Rocksteady. Ils ont tout compris au personnage et à sa manière de faire respecter la justice, tout en écrivant des moments forts dans la vie du justicier qui, plus que dans n’importe quel épisode, sera acculé et poussé à bout. Batman, plus que tout, est un solitaire, et même si le jeu permet de switcher avec ses camarades lors de certains combats, il insistera sur la volonté du héros de porter toute la souffrance de la ville sur ses épaules. Le jeu n’est pas parfait, abuse de la Batmobile, mais bon sang, ce que c’est bon d’être Batman !
Batman: Arkham Knight
Développé par Rocksteady
Edité par Warner Bros Interactive
Prix: 70 euros
Batman Arkham Knight – Trailer de lancement par Gameblog