
Les univers parallèles dans la littérature. Chapitre 3 : des mondes autres
Alors, si tout a commencé quand Alice a décidé de suivre le lapin blanc, elle n’a pas été la seule à découvrir ou utiliser les portes vers les mondes autres que le nôtre. Je ne parlerai pas de Jack et son fichu haricot, bien que je sois à peu près sûre que les géants continuent de garder un œil sur notre monde. Ces univers peuvent exister à côté de notre réalité ou à l’intérieur de celle-ci, comme un énorme mille-feuille qui n’attend que l’auteur et le lecteur pour pouvoir exister. Petit point livres sur ces différentes fictions qui nous emmènent à côté du réel.
Les univers parallèles peuvent être divisés en plusieurs catégories, et trois ont retenu l’attention du Daily Mars. Après le roman initiatique il y a deux semaines, les infra-mondes et les réalités altérées dimanche dernier, nous nous intéressons aujourd’hui aux autres mondes. Parce que parfois, l’univers parallèle n’est pas juste un plot device, bref, un élément cosmétique.
ATTENTION SPOILERS pour Le Cycle des Princes d’Ambre de Roger Zelazny, La forêt des mythagos de Robert Holdstock, À la croisée des mondes de Philip Pullman.
Les autres mondes
Le thème des univers parallèles et au cœur de la série de dix romans de Roger Zelazny, Le Cycle des Princes d’Ambre. Au début de la série, le héros, Corwin, se réveille, amnésique, dans une chambre d’hôpital. Il apprend au fur et à mesure qu’il est un prince d’Ambre, une réalité ultime dont tous les autres mondes ne sont que des ombres. En gros. Seuls les princes d’Ambre peuvent se déplacer d’un monde à l’autre, bien que le chemin soit de plus en plus compliqué au fur et à mesure que le héros se rapproche du « vrai » monde. À l’opposé d’Ambre, il y a les Cours du Chaos, que personne ne peut contrôler et où le temps, comme la nature des choses, sont instables. Une guerre éclate entre les deux pôles opposés de la réalité. Dans le monde de Zelazny, la Terre n’est pas réelle. Elle n’est qu’une projection d’Ambre, une déclinaison de la réalité d’Ambre au chaos.
Robert Holdstock reprend lui cette idée de voyage à travers la réalité, de plus en plus ardue à mesure qu’on approche de la « Vérité », dans sa série La forêt des mythagos. Dans cette forêt naissent les croyances de l’humanité, sous leur forme primale. La forêt de Ryhope est une forêt primaire, qui donne naissance aux créatures issues de l’inconscient collectif, de la psyché humaine, mais surtout des contes et légendes. Mais il est difficile de s’enfoncer dans la forêt, qui se défend par arbres, vent, retour à des points de départ… Quand les héros y parviennent, ils endossent, à leur tour et à leur corps défendant, un de ces rôles mythique. La forêt les transforme. Au cœur de celle-ci se trouve Lavondyss, aussi surnommée Avalon. La forêt de Robert Holdstock est-elle moins réelle parce qu’elle renferme les histoires de l’humanité ? Où influe-t-elle aussi sur celle-ci ? Est-ce que le monstre existe parce qu’on l’a rêvé, ou le rêve-t-on parce qu’il existe ? Les mythagos ont une existence propre, indépendante aux humains qu’ils fuient.
Il y a finalement peu de livres où existe un pluri-vers, ou un monde ayant une existence propre et indépendante. Dans ces mondes, pour passer d’un univers à l’autre, il faut soit un don de naissance, mais difficile à travailler, qu’il s’agisse de la science de Holdstock ou du passage de la Marelle de Zelazny. Les mondes ne veuillent pas être trouvés. Ils existent et luttent contre les influences extérieures. Des univers qui existent en soi, un pluri-vers véritable est aussi développé dans les livres de Philip Pullman, À la croisée des mondes. Bon, certes, il s’agit d’un roman initiatique mais pas que. Chaque monde possède son existence, son schéma de pensée, ses créatures absurdes pour notre oeil de terrien. Il est parfois même difficile de comprendre ce que veut réellement décrire Pullman. En cela, le travail accompli sur cette trilogie est assez extraordinaire. Le livre dépasse et transcende le côté « roman d’initiation pour adolescents » pour devenir un plaidoyer athée, et renvoyer tout le monde chez soi.
À travers ces trois chapitres, nous avons pu voir que les univers parallèles sont souvent un endroit où la destinée d’un héros se réalise. Parfois, il y arrive par hasard. Parfois, il est choisit. L’existence de cet univers peut être expliqué scientifiquement. Les mondes d’Ambre, la forêt de Rhyope, le monde des Livres, la Londres d’en Bas… Ces univers ont des noms, des coutumes, des langues. Finalement peu employés et même oublié dans la littérature adulte européenne, ou alors dans des séries plus ou moins longues (10 volumes pour Le cycle des Princes d’Ambres, sept pour la version anglaise d’Holdstock ), ils sont un cadre mélancolique pour Haruki Murakami (peut-être est-ce d’ailleurs à mettre en lien avec les croyances shintoïstes des japonais, qui côtoient un univers animiste, invisible et quotidien ? ). Le monde de l’enfance est alors celui où d’autres univers étaient possibles. Ou sont-ils encore possibles ?
Il se peut que j’ai oublié certains livres. Veuillez alors m’en excusez et n’hésitez pas à en parler dans les commentaires.
Le Cycle des Princes d’Ambre de Roger Zelazny
La forêt des mythagos de Robert Holdstock
À la croisée des mondes de Philip Pullman
Les univers parallèles dans la littérature. Chapitre 1 : le roman initiatique.
Les univers parallèles dans la littérature. Chapitre 2 : réalités altérées et infra-mondes.
Très bon ce dossier, ça m’a donné envie de replonger (encore) dans « A la croisée des Mondes » et de découvrir certains des autres livres cités que je ne connaissais pas!
Merci ! Il est vrai que Pullman a vraiment écrit un univers incroyablement riche… Bonne lecture (pour sa trilogie et d’autres alors) !
Bonjour, merci pour votre article très interressant. Comme vous le proposez à la fin je vous suggère au sujet des mondes parallèles, l’excellente série de S.Baxter et T.Pratchett « la longue terre ». Bien à vous.