
Les univers parallèles dans la littérature. Chapitre 1 : le roman initiatique
Alors, si tout a commencé quand Alice a décidé de suivre le lapin blanc, elle n’a pas non plus été la seule à découvrir ou utiliser les portes vers d’autres mondes. Je ne parlerai pas de Jack et son fichu haricot, bien que je suis à peu près sûre que les géants continuent de garder un œil sur notre terre. Ces univers parallèles (qui vivent donc, en théorie, à côté du nôtre sans jamais le croiser) peuvent exister dans une autre réalité ou à l’intérieure de celle-ci, comme un énorme mille-feuille qui n’attend que l’auteur (et le lecteur) pour pouvoir exister. Petit point livre sur ces différentes fictions qui nous emmènent à côté du réel.
Les univers parallèles peuvent être divisés en plusieurs catégories, et trois ont retenu l’attention du Daily Mars. Aujourd’hui, nous nous intéressons aux univers parallèles des romans initiatiques.
ATTENTION SPOILERS pour Alice au pays des Merveilles et De l’autre côté du miroir par Lewis Caroll, À la croisée des mondes de Philip Pullman, Le vent dans la porte de Madeleine l’Engle, Le livre des choses perdues de John Connoly, Everworld de Katherine Alice Applegate, 1Q84 et Kafka sur le rivage d’Haruki Murakami, Le monde de Narnia de Clives Staples Lewis, Peter Pan de James Matthew Barrie.
Chapitre 1 : Le roman intiatique
Quand Alice tombe dans le terrier du lapin blanc, ou qu’elle passe de l’autre côté du miroir dans les romans de Lewis Carroll, elle découvre alors un monde qui semble insensé. Animaux qui parlent, impossibilités physique, cruauté de la mort… Son but ? Revenir dans le monde réel, parvenir jusqu’à la reine, racheter son retour. Elle ne fait que passer dans ces mondes auxquelles elle n’appartient pas. Autour d’elle, aventures et personnages loufoques qui vont lui apprendre à ne plus être une gamine chouinarde qui se noye dans un « océan de larmes » et elle repartira donc plus forte, plus instruite sur la réalité du monde. Elle sera donc plus adulte. L’univers parallèle permet alors le passage à travers l’adolescence, vers l’âge adulte.
Le même phénomène se produit dans la très belle trilogie de Philip Pullman, À la croisée des mondes. Dans le premier roman, une jeune fille désobéissante, têtue et prétentieuse, Lyra, part à la recherche de son oncle et découvre le moyen de passer d’un monde à l’autre. Elle rencontre dans le deuxième roman, Will, capable lui aussi de voyager entre les univers grâce à un artefact : le Poignard subtil. Le dernier roman est consacré à la lutte contre l’Autorité et à leur passage à l’âge adulte. Ils tuent « le père, Dieu et leur daemon prend forme définive. Le daemon est leur âme incarnée dans un animal métamorphe, jusqu’au jour ou ce dernier prend une forme définitive. Alors, l’enfant est considéré comme un adulte. À la fin de l’histoire, Will et Lyra retournent chacun dans leur univers respectif, responsables et forts des sentiments qu’ils éprouvent l’un pour l’autre.
C’est aussi l’amour, qu’il soit familial ou sentimental, qui permet aux personnages de Madeleine L’Engle de survivre et de revenir plus fort de leurs épreuves, de survivre à la cruauté de l’adolescence. Dans le roman pour enfants, Le vent dans la porte, Meg veut aider son frère, Charles Wallace, qui est martyrisé à l’école. Pour cela, elle affronte une multitude d’épreuves, aidée d’un dragon, d’un étrange professeur, de son ami et voisin Calvin et d’une farandola. Elle apprend que le monde est menacé par des Echtroi, qui le détruise en effaçant le nom des choses. Pour sauver son frère, elle pénètre à l’intérieur du corps de ce dernier et découvre un monde où les mitochondries sont des pépinières, les farandolas appelées à devenir des arbres au sein d’un corps. Le monde parallèle est en fait le monde infra, invisible aux yeux des humains, mais avec sa propre existence et sa propre temporalité, où un battement de cœur a lieu tous les 10 ans.
Les enfants sont ainsi souvent les principaux acteurs des romans initiatiques, comme dans Le livre des choses perdues de John Connoly, ou la série Everworld de K.A. Applegate. Mais Haruki Murakami montre dans son roman 1Q84, que les adultes peuvent aussi avoir besoin de partir en recherche de soi. Le monde parallèle, développé par l’auteur japonais, agit comme une matrice de réalisation personnelle. Ainsi l’héroïne, Aomame, se retrouve dans un monde, surnommé 1Q84, où deux lunes brillent dans le ciel. Tueur à gage et solitaire, elle repartira enceinte et en couple, se sentant enfin complète. En face d’elle, Tengo effectue le même chemin, à l’intérieur d’un univers dont le lecteur ne possèdera pas toutes les clés, même à la fin du roman. Les deux héros sont différents du reste des hommes car il leur « manque » quelque chose, une empathie peut-être, qu’ils retrouverons à la fin de la trilogie.
Point intéressant : dans le cadre du roman initiatique, il n’est pas rare que le héros doive utiliser une « porte » pour pénétrer dans un autre monde et aussi pour en sortir. L’armoire du Monde de Narnia, le terrier du lapin blanc, les ouvertures du Poignard subtil, l’échelle et la plaque d’égout de 1Q84. Murakami utilise d’ailleurs aussi la « pierre sur le seuil » dans son roman Kafka sur le rivage comme palier vers un autre univers. Ces portes ne sont pas toujours accessibles, en tout cas pas tant que le héros n’aura terminé sa quête. Ainsi, le pays imaginaire ne peut-être atteint que quand le gardien de l’aventure, donc Peter Pan, décide que celle-ci est terminée. De plus, dans ce type de roman, il est question d’un seul univers parallèle, à part dans À la croisée des mondes. Ce monde sera d’ailleurs aussi suffisamment flou au retour du héros, pour pouvoir être confondu avec un rêve. En cela, le monde parallèle est souvent l’adieu à l’enfance, l’apprentissage des responsabilités, la fin des jeux. Il est le conte.
Rendez-vous dimanche prochain pour un autre chapitre des Univers parallèles.
Alice au pays des Merveilles et De l’autre côté du miroir par Lewis Caroll
À la croisée des mondes de Philip Pullman
Le vent dans la porte de Madeleine l’Engle
Le livre des choses perdues de John Connoly,
Everworld de Katherine Alice Applegate
1Q84 et Kafka sur le rivage Haruki Murakami
Le monde de Narnia de Clives Staples Lewis
Peter Pan de James Matthew Barrie
Très bel article ! Très intéressant aussi. J’ai hâte de lire le prochain chapitre pour en apprendre plus sur ce sujet puisque je développe moi-même un univers parallèle pour mon prochain roman 🙂
Merci beaucoup ! Le prochain chapitre a été publié dimanche dernier : https://dailymars.net/univers-paralleles-litterature-realite-alteree-inframonde-livre/ et s’intitule : réalités altérées et inframonde.
Un dernier chapitre sera publié ce dimanche ! Quel type d’univers allez-vous developper ? Secret d’auteur ?
Pas mal votre article. Ce 1er chapitre est fort pertinent. Attention par contre aux spoilers, hein ? Je suis en train de lire « 1Q84 » et je crois que je viens de me ruiner quelques surprises… (en même temps, je n’avais qu’à pas lire :D)
Pardooooon ! C’est vrai que je n’y pense pas assez, je vais rajouter le « attention spoiler ». Et merci !
Bonjour la citation du début « Ces univers parallèles (qui vivent donc, en théorie, à côté du nôtre sans jamais le croiser) peuvent exister dans une autre réalité ou à l’intérieure de celle-ci, comme un énorme mille-feuille qui n’attend que l’auteur (et le lecteur) pour pouvoir exister. » elle est de qui?