
Vampire: Coteries of New York, un visual novel découverte
Depuis le rachat par Paradox Interactive en 2015 de l’éditeur White Wolf, les franchises du World of Darkness – univers de fantaisie contemporaine qui constitue le coeur du catalogue de WW – reprennent des couleurs après des années difficiles où elles ont frôlé la mort clinique. Fer de lance de la gamme, le jeu de rôle Vampire the Masquerade (qu’on abrégera VtM) est aussi le seul de la gamme à avoir été décliné en jeu vidéo, avec d’abord le très médiocre VtM Redemption en 2000, puis l’excellent VtM Bloodlines de Troika Games en 2004. Récemment ressorti en cinquième édition papier, le jeu revient également sur nos machines avec pas moins de trois nouveaux titres, dont un VtM Bloodlines 2 (très) attendu cette année et un VtM Swansong par Big Ben et les français de Big Bad Wolf (The Concil) prévu pour 2021. Mais c’est le studio polonais Draw Distance qui a ouvert le bal fin 2019 avec VtM: Coteries of New York, que je vous invite à découvrir.
Welcome to a World of Darkness
Fan et fervent pratiquant du jeu de rôle, je ne vais vous resservir une longue diatribe pleine de superlatifs pour vous expliquer à quel point Vampire la Mascarade est fantastiquement fabuleux. Je l’ai déjà fait ici et je vais sans doute m’étendre de nouveau sur le sujet bientôt avec nos amis du podcast Autour du Mic, ça devrait suffire… Je vais toutefois rapidement évoquer l’univers. Comme son nom l’indique Vampire la Mascarade parle de… Vampires ! Les joueurs incarnent une de ces créatures de la nuit (souvent récemment « étreinte », c’est à dire transformée en vampire) qui découvre, en même temps que ses pouvoirs et sa nouvelle nature, une société vampirique qui « vit » dans les ombres de l’humanité dont elle se nourrit et qu’elle manipule dans le plus grand secret depuis la nuit des temps.
Les conflits y sont multiples : entre sectes et philosophies opposées, jeunes et anciens vampires, ennemis politiques ou historiques et même entre l’humain et la Bête qui vit en chaque vampire. Le jeu offre ainsi une infinie palette de possibilités en termes d’histoires, mais aussi d’ambiance et de narration, puisqu’on peut aussi bien jouer une campagne centrée sur l’horreur de la nature du Vampire qu’une où manipulation et politique seront les maîtres mots ; à moins que vous ne préfériez déchainer toute la puissance de vos vampires dans de sanglantes guerres nocturnes, ou connaître le désespoir naissant du début de l’apocalypse.
Avec un univers qui s’est enrichi à travers les éditions successives depuis sa sortie en 1991, Vampire peut aussi s’avérer complexe à aborder. C’est ce qui rebute parfois les joueurs ou conteurs, et peut rendre l’introduction à cet incroyable Monde des Ténèbres difficile, voire pénible. C’est sans doute la raison pour laquelle VtM: Coteries of New York a choisi d’être un jeu initiatique et une introduction à l’univers de Vampire ; un choix que je ne peux que saluer.
New York, New York
Sans surprise, le jeu nous emmène donc à New York, ville de conflits éternels entre les factions du Monde des Ténèbres, comme vous le découvrirez rapidement si vous n’aviez pas été mis dans la confidence ! La ville est assez proche de celle que connaissent les amateurs du jeu de rôle, puisque Draw Distance s’est appuyé sur le supplément New York by Night sorti en 2001. Ces derniers y retrouveront donc des personnages familiers, même si la situation a beaucoup évolué avec le temps et surtout les évènements de la Cinquième édition.
Étrangement New York connait actuellement une sorte de paix (mouais…). Ce qui nous change après une attaque massive de loups garous, une longue guerre entre la Camarilla et le Sabbat, et plus récemment un assaut coordonné de la Seconde Inquisition. Et si tout cela est du chinois parce que vous n’avez jamais joué à Vampire, pas d’inquiétude, on va vous expliquer ! Si, si, promis.
Le jeu commence et vous propose d’incarner trois personnages qui correspondent à trois des clans vampiriques. Ces clans – ou lignées – déterminent essentiellement les pouvoirs de votre personnage. Tous appartiennent à une même organisation : la Camarilla, secte millénaire qui impose à ses membres des lois et une structure sociétale très hiérarchisée. Parmi ces lois, la fameuse Mascarade, c’est à dire l’obligation absolue de garder secrète l’existence des Vampires.
Le premier clan proposé est celui des Ventrues, les sang bleus de la Camarilla. Les Ventrues choisissent leurs membres parmi l’élite et c’est donc une très corporate jeune femme que vous incarnerez ici. Ses pouvoirs seront essentiellement basés sur l’influence (domination mentale et charisme surnaturel) mais vous disposerez également d’une résistance physique hors du commun.
Le second clan est celui des Brujah, les éternels rebelles. Les Brujahs choisissent souvent des gens qui peinent à trouver leur place dans la société et votre personnage ne fera pas exception. Vous vous découvrirez des pouvoirs reposant sur le charisme et la supériorité physique du vampire (célérité et force surhumaines puisque la violence résout pour ainsi dire tous les problèmes !).
Enfin, le dernier clan est celui des Toréadors, êtres sensibles à l’art et à la beauté. C’est donc un jeune peintre qui sera cette fois choisi pour rejoindre le clan. Sens incroyablement aiguisés, présence et rapidité surnaturelles sont les atouts des Toréadors, qui font de ces éternels hédonistes des adversaires plus dangereux qu’ils ne laissent penser.
Quel que soit le clan que vous aurez choisi, vous serez rapidement et violemment entrainé dans le monde de la nuit et découvrirez rapidement que votre existence ne débute pas sous les meilleurs auspices. Une des lois de la Camarilla interdit en effet d’étreindre un nouveau Vampire sans autorisation. Votre existence étant un crime, vous voilà condamné(e) à la destruction après à peine quelques heures d’existence (et quelques minutes de jeu). Survivrez-vous ? Et quel sera alors le prix à payer en échange ?
Vampire, the Visual Novel
Coteries of New York a choisi le format du Visual Novel et en adopte tous les codes. Les aventures de notre personnage seront donc illustrées par de superbes tableaux, qu’on aurait souhaité plus nombreux. Sur ces derniers viendront se superposer les cases dans lesquelles déroulent les textes et apparaissent les choix multiples qui s’offrent à vous.
Entre ces tableaux, vous revenez sur une carte qui représente New York et les possibles personnages qu’il est possible d’y rencontrer, ainsi qu’une horloge indiquant l’avancée de la nuit. Selon leur durée, il sera possible de vivre une ou deux rencontres par nuit.
Même si le texte qui présente la rencontre vous indique que « vous avez rendez-vous ce soir » ou que « vous devez d’urgence répondre à l’appel de votre ami », il n’y a en fait aucune conséquence si vous faites patienter un des personnages. Ces derniers sont en fait autant d’arcs narratifs qui n’attendent que votre bon vouloir pour être complétés. Leur ordre n’a pas la moindre importance et il n’y pas non plus d’interactions ou d’impacts entre les différentes histoires.
Le fil rouge principal du scénario se déroule lui en parallèle et vous est imposé dans le déroulé des évènements. Impossible donc de passer à côté ou de le ralentir. Et comme il est finalement très court, il ne sera pas possible de compléter tous les arcs en une seule partie.
Je ne peux donc que vous conseiller de ne pas vous disperser et de clore les arcs narratifs que vous commencerez. Si vous êtes curieux et que vous avez aimé votre première partie, vous pourrez toujours en lancer une seconde pour découvrir les arcs laissés de côté. Et puisque l’histoire centrale reste absolument identique – même si vous changez de clan – vous pourrez très vite avancer sur cette dernière et vous concentrer sur la nouveauté. Deux parties suffisent à couvrir la quasi-intégralité du contenu du jeu.
S’ils sont globalement tous bien écrits, certains arcs narratifs se détachent du lot par leur qualité et leur originalité. Mention spéciale à l’arc de Hope, la Malkavian, aussi surprenante et intelligente que drôle. Celle du détective Nosferatu est également fort plaisante.
Quant au scénario principal ou fil rouge, s’il ne brille pas par son originalité, on peut le considérer comme une bonne introduction aux manipulations retorses auxquelles se livrent en permanence les vampires, même si sa conclusion est particulièrement abrupte et risque de vous laisser un brin sur votre soif (de sang).
Enfin, je salue l’idée d’un lexique qui reprend tous les termes spécifiques au monde vampirique, qui ne sera pas de trop pour les non initiés, ainsi qu’un onglet qui reprend l’ensemble de vos dialogues (des fois qu’un clic impatient vous ai fait rater un moment important).
Un jeu pour quel public ?
Comme je le disais VtM: Coteries of New York se veut vraiment comme une introduction à l’univers du monde vampirique. Et c’est une tâche dont il s’acquitte plutôt bien, trouvant un équilibre assez juste entre explications nécessaires aux non-initiés et déroulé scénaristique. Les auteurs connaissent leur sujet et retranscrivent très bien ce qui pourrait être une partie de jeu de rôle d’introduction, la liberté en moins…
En effet, les rails sur lesquels roule l’histoire sont omniprésents et le jeu ne fait pas beaucoup d’efforts pour vous donner l’impression (fausse) que vos choix influent sur son déroulé. Celui-ci ne variera pas d’un pouce, à moins que vous fassiez les choix les plus radicaux. Les seules conséquences de vos actions seront l’état dans lequel vous sortirez de vos rencontres et la quantité de sang qu’il faudra pour panser vos plaies. Bref, les descriptions changent, l’histoire, elle, beaucoup moins.
Par rapport aux promesses du studio de voir nos actions avoir un réel impact sur le monde et le déroulé du scénario, il y a une claire déception. De même l’absence de conséquences des arcs narratifs ou simplement d’interactions entre ces derniers témoignent d’une simplicité du titre inattendue. J’aurais apprécié un peu plus d’ambition et de complexité, avec des histoires qui s’impactent et s’entremêlent. Mais peut-être le jeu est-il aussi à la hauteur du budget dont disposait Draw Distance.
Cela ne veut pas dire que le jeu déplaira aux fans du jeu de rôle. Je n’ai pas boudé mon plaisir en passant quelques heures sur ce jeu qui se déroule dans un de mes univers fantastiques préférés. Surtout que Coteries of New York s’inscrit dans le contexte de la toute récente cinquième édition et en intègre bien les évènements marquants, ce qui apportera un peu de nouveauté pour les amateurs qui ne l’auraient pas encore découverte.
Mais se voulant surtout comme une initiation à cet univers, le jeu s’adressera davantage à ceux qui veulent découvrir le monde de Vampire. Peut-être s’agissait-il aussi pour Paradox d’utiliser ce « modeste » titre pour préparer le public à l’arrivée des autres jeux de la licence : Bloodlines 2 et Swansong ? De toute façon, après plus de quinze ans d’absence, ce n’est pas moi qui vais me plaindre de ce grand retour vidéo-ludique du World of Darkness ! Au fait, je vous ai parlé du Loup Garou (Werewolf the Apocalypse: Earthblood) que prépare actuellement Cyanide et Big Ben ? Mais si vous savez, Loup Garou, la seconde licence du Monde des Ténèbres ! #larmesdejoie
Vampire: The Masquerade – Coteries of New York
• Plateformes : PC (et bientôt Switch)
• Genre : Visual Novel / Jeu narratif
• Développeur et Distributeur : Draw Distance
• Pegi : 16
• Prix : 20€