Vu au PIFFF : John Dies at the end, de Don Coscarelli

Vu au PIFFF : John Dies at the end, de Don Coscarelli

La 2e édition du Paris International Fantastic Film Festival a débuté officiellement hier soir au Gaumont Opéra Capucines et se tiendra jusqu’au 25 novembre. Bref compte rendu de la soirée et critique à chaud du film d’ouverture, projeté hors compétition : John dies at the end, de Don Coscarelli. Une potion hallucinogène qui, malgré l’incontestable inventivité débridée de son auteur, nous rappelle douloureusement que les blagues les plus courtes sont décidément les meilleures.

 

Quelques mots en préambule sur la soirée : un poil flottante mais éminemment sympathique, la cérémonie d’ouverture a vu défiler les trois têtes pensantes du festival : Gérard Cohen (président de l’association organisatrice Paris Ciné Fantastique et éditeur de Mad Movies), Cyril Despontin (délégué général du PIFFF) et Fausto Fasulo (membre fondateur de Paris Ciné Fantastique, rédacteur en chef de Mad Movies et co-responsable de la programmation films du PIFFF). Sur scène, Gérard Cohen ne s’est pas privé d’un coup de griffe appuyé à la région Ile-de-France, la mairie de Paris et le CNC qui persistent à ignorer cette manifestation courageuse et fragile.

Déjà peu en odeur de sainteté auprès de nos élites bien pensantes, le cinéma fantastique a encore plus récemment pâti du comportement inadmissible en salles d’une certaine clientèle abonnée aux incivilités diverses et qui a sévi durant certaines séances de Paranormal Activity 4. Dans ce contexte bien triste où le cinéma que nous affectionnons, surtout celui du milieu, se voit de plus en plus cantonné aux sorties DTV, un festival comme le PIFFF, avec ses qualités et ses défauts, est d’autant plus méritoire et indispensable. Un débat sur lequel on aura peut-être l’occasion de revenir sur le Daily Mars ces prochains jours.

Bref ! Alors que notre camarade Gilles Da Costa gamberge déjà ses chroniques des films vus aujourd’hui, voici un retour sur le premier long métrage montré hier soir, en ouverture, le redoutable John Dies at the end de Don Coscarelli. La projection fut précédée du court métrage flamand Mort d’une ombre, de Tom Van Avermaet, avec Matthias Schoenaerts. Assez beau et poétique mais un poil rasoir. Quant au Coscarelli, il commence plutôt pas mal. Bien sûr, la déstructuration immédiate du récit, l’accumulation de loufoqueries et le 312e degré affiché nous font clairement comprendre qu’il n’est pas question d’attendre de John dies at the end la moindre espèce de rationalité. Les hostilités partent certes d’un vague pitch : dans un restaurant asiatique, David Wong, le fil conducteur de l’histoire, confie à un journaliste (Paul Giamatti), le récit halluciné de sa lutte pour sauver le monde d’une invasion maléfique, épaulé par son ami John.

La suite est totalement irracontable autrement que sous la forme d’un inventaire à la Prévert sous PCP : une sauce soja vivante aux propriétés transdimensionelles dealée par un jamaïcain, une multitude d’univers parallèles qui se croisent dans tous les sens, des monstres dignes de Dali, un téléphone-hot dog (à moins que ce soit le contraire), un chien conducteur, un gourou medium en costard, des bestioles pleines de dents, des pilules-mouches…. On est d’abord intrigué, voire séduit, le rire surgit parfois dans un délire non sensique proche du trio Zucker/Abrahams. Mais tout ce bric à brac brasse aussi bien le Raimi d’Evil Dead, le Cronenberg du Festin nu, le Richard Kelly de Southland Tales, le Gregg Araki de Kaboom et aussi une petite goutte de la série Reaper pour les deux crétins confrontés à des forces qui les dépassent. S’il y a bien une qualité qu’on ne peut pas retirer au film, c’est son imprévisibilité, sa liberté. Revers de la médaille : le delirium tremens devient très vite gonflant. A force de logorhée narrative sans point, ni virgule, ni point virgule, à force de se foutre de toute notion d’intrigue, à force de personnages ectoplasmiques et à force de miser sur l’indulgence des publics de festivals, Coscarelli se vautre dans l’écueil du film “moi je”.

Consommée par séquences de 10 minutes, la pilule foutraquisante de John dies at the end passerait sans mal. Mais là, ça dure 1h39. Une heure. Trente neuf. Qui en parait trois. Oui, les enfants, on s’emmerde encore plus devant John dies at the end que devant un Théo Angelopoulos au ralenti. Interminable pignolade parfois drôle, souvent pas, jamais efficace, ici et là complimentée au nom d’une hype indulgente, John dies at the end est à ranger sur la même étagère que d’autres escroqueries sacrées type Southland Tales, Cosmopolis ou Holy Motors. On regarde tout ça l’oeil de plus en plus plombé à mesure que défilent les bobines, avec un sentiment de désimplication progressive particulièrement déprimant, surtout pour un film censé ouvrir “with a bang” un festival comme le PIFFF.

Une absence quasi totale d’applaudissements au générique de fin, malgré quelques éclats de rire pendant la projection, témoignait bien du malaise d’un public sortant à peine de sa torpeur… Quintessence du réalisateur marginal, au même titre qu’un Frank Hennenloter, Don Coscarelli s’est barricadé dans sa chambre capitonnée depuis Phantasm (auquel on ne comprenait déjà presque rien) d’où il impose incontestablement sa mini griffe de conteur libre. La parenté avec Phantasm, tournant même à l’autoplagiat dans la dernière demi heure et confirmée par un cameo d’Angus « Tall Man » Scrimm, atteste d’ailleurs d’un auteur qui tourne en boucle, tristement coincé dans son petit univers hallucinogène où il s’éclate en solo. Adaptant un roman de Jason Pargin d’abord publié sur le web en 2001 (sous le pseudo de David Wong, héros du récit), Coscarelli a semble-t-il collé de très près à une intrigue à la base en roue libre, mais ça ne change rien à l’affaire. Ultra fauché, bradant la présence d’un acteur aussi génial que Clancy Brown, John Dies at the end est une arnaque jusque dans son titre. Bon, dis le PIFFF, tu nous montres des vrais films maintenant ?

John Dies At the End, de Don Coscarelli (1h39). Pas de distributeur français pour le moment.

 

Partager