Pause sur Westworld (1×06)

Pause sur Westworld (1×06)

Avec la fin programmée de Game of Thrones, HBO avait besoin d’une nouvelle série phénomène. Et Westworld est arrivée comme une providence après une gestation compliquée qui sentait bon l’œuvre maudite, malade, l’accident industriel. Dès le premier épisode, on a pu sentir un engouement massif. Nous ne dirons pas général parce qu’il existe toujours des dissidents, mais force est d’admettre que la série a su délier les plumes et provoquer un enthousiasme immédiat.

westworld-1x06-03L’introduction à Westworld donne le ton d’une série qui cherche son salut dans l’allégorie, tout en oubliant de raconter une histoire. Tout est symbole et métaphore. La fiction agit à un niveau théorique qui ne réside pas dans le spectacle se déroulant sous nos yeux mais dans la perspective qu’il entretient à grand renfort de déclarations sentencieuses. Tout est symbole et métaphore. Elle s’est construite un parfait alibi : les personnages creux, vides, purs fonctions d’une mécanique narrative qui exploite ses sujets comme des pions, sont déterminés par leur nature robotique, intelligence artificielle en éveil. Tout est symbole et métaphore. Westworld déroule un catalogue de réflexions prêtes à l’emploi, jeu de piste savamment distillé tout au long de séquences dévitalisées.

En traitant l’idée d’un parc d’attractions, la série oublie une dimension pop et ludique, préférant sombrer dans une exploitation grave : cartographie d’une humanité voyant dans l’extrême liberté d’un monde sans conséquence la possibilité de s’adonner à leurs pires instincts ; complexe de dieu de scientifiques ou scénaristes, jouant les marionnettistes grandeur nature dans un univers référencé (le western) et pourtant désincarné ; multiplication de fils narratifs aux profils évanescents dans une construction générale qui privilégie le message à l’affect. Toute la série se complaît dans une vision auteuriste, fermée sur elle-même, prêtant le flanc aux analyses aiguisées, sacrifiant sur l’autel d’une ambition mal placée, l’envie de conter.

westword-1x06-01À l’image du labyrinthe, motif que la série exploite comme axe narratif, Westworld travestit son histoire dans des dédales de méta-réflexion sur la création. Au reproche du résultat glacial, les auteurs rétorqueront que c’est à l’image de leur univers, de leurs androïdes s’éveillant au monde, de la science-fiction et son caractère aseptisé. L’ordonnancement très théorique conduit à une stérilité générale, voire une expression du vide.

Westworld incarne à sa façon l’idée d’une fiction en crise. Elle élève le vide comme une évidence ; elle exploite la pensée qu’une œuvre grandit grâce à une accumulation de symboles ; elle se définit par ce qu’elle dit et non ce qu’elle raconte ; elle nie au récit son pouvoir d’évocation, qu’elle transgresse en le surlignant d’allégories. C’est la victoire d’une ambition d’auteur démiurge : démontrer son intelligence dans des architectures complexes, donner de la matière à réflexion, quitte à procéder à des coupes franches (une histoire, des personnages). Westworld est un corps mort laissé à la science (la critique). On pourra toujours s’émerveiller lors de l’autopsie sur sa conception ambitieuse, aucune chaleur, aucune émotion ne s’en dégagera.

Westworld est diffusée sur HBO aux États-Unis et sur OCS en France.

À lire également : la critique de Yann Kerjan.

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