
Y a-t-il un Rire au Féminin ? (Séries Mania)
Du 15 au 24 avril se déroule la septième saison de Séries Mania à Paris, et comme chaque année, le Daily Mars vous offre une couverture du festival. Au programme, critiques, bilans de conférences et autres surprises…
C’est Renan Cros (enseignant en histoire du cinéma et des séries, journaliste à Cinémateaser) qui ouvrira la conférence, jouant les chefs de gare en nous énonçant les différentes étapes d’un voyage thématique à travers le continent du rire au féminin. Et Yaële Simkovitch (journaliste série à Soap et Tessmag.com) de poursuivre en évoquant le mot important de cette fin de journée : féminisme et sa définition par le rire.
Pour parler du rire, il faut savoir rendre ses mots vivants. Les faire pétiller afin que réfléchir le rire ne le désacralise pas dans la théorie. Le conserve dans sa spontanéité. Comprendre le rire, c’est pénétrer derrière le rideau et regarder vers le public qui rigole. Un chemin court et simple mais qui réclame la présence d’un guide pour nous accompagner. Ce guide, devant nous, s’incarna dans un corps bicéphale. Deux cerveaux pour une parole commune, s’appuyant sur leurs qualités et expertises respectives pour assurer le show.
Le rire féminin, vecteur de réalisme. Le duo s’est appliqué à démontrer l’importance du rire et ses conséquences. Comprendre que ce réflexe possède une valeur, un message et n’est pas uniquement le témoignage bruyant d’un moment drôle. Renan Cros et Yaële Simkovitch nous entraînent dans la politique du rire, ses mécanismes et ce qu’il raconte. À travers des figures classiques (Lucille Ball, Roseanne Barr), montrer comment la fiction et le rire ont permis de dire la vérité ; l’évolution d’un genre vers un état de transgression, étape indispensable pour explorer de nouveaux territoires comiques (notamment le corps) ; puis le rire politique, celui du statut ; et enfin le romantisme et l’empathie.
Nous imaginons au fil des exemples et extraits, un immense tableau à entrée multiple. Un sentiment un peu vertigineux devant la complexité et la richesse du programme nous prend. On regrette alors le rythme très soutenu qui ne permet pas d’apprécier pleinement la parole érudite et de mesurer l’importance du verbe. La densité du programme n’est pourtant jamais étouffante, aidé par la vivacité des intervenants, qui jouent selon les termes de la comédie : rapide, précis et drôle.
Elle est peut-être là, la plus grande réussite de la conférence : d’avoir fait entrer une réflexion profonde dans un format dynamique. D’avoir jouer le jeu du spectacle sans sacrifier un fond qui avait besoin de cette parole. Yaële Simkovitch et Renan Cros nous avaient promis un voyage et nous avons voyagé. De la théorie à l’émotion. Nous avons pu comprendre combien Friends pouvait être une comédie normée sur la notion des corps tournés vers l’autre quand Broad City ou Inside Amy Schumer les libèrent. Combien Tina Fey ou Amy Poelher ont pu ouvrir les portes du rire féminin à l’intérieur d’une carrière institutionnelle. Combien la comédie a su embrasser son versant romantique pour rire dans l’empathie ou le casser pour s’ancrer dans la réalité. Enfin, de révéler par le rire la difficulté d’être une femme, tout en rendant sa voix accessible à tout le monde. Où quand le rire féminin est le moyen de faire une meilleure comédie.