
Mini Music Review : Yelawolf – Love Story (Shady/Interscope)
Avec Yelawolf, la question n’est pas « Loup Y Es-Tu? » mais « Que fais-tu? » Pour l’artiste originaire de Mobile, Alabama, l’arrivée sur la scène nationale rap a été semée d’embûches, après le succès de la mixtape Trunk Muzik en 2010. La rapide association avec le label d’Eminem, Shady Records, a engendré un album clairement taillé pour la FM et des titres carrés mais manquant carrément de relief. Un échec commercial également dû au positionnement de l’artiste, entre country rap façon UGK, country et blues-rock, parfaitement cohérent mais qui est notoirement pris de haut par critiques et public (exemple : Kid Rock).
De fait, on trouve peu de beats sur l’album, mais une grande quantité d’un artiste qui n’hésite pas à se représenter à son auditoire comme un « alien » venu de l’espace dès le premier titre, et qui bénéficie de l’aile protectrice d’un Eminem qui n’a pas eu à aller chercher un Mike Will Made It pour faire briller son artiste. Love Story pousse le curseur vers les passages les plus rock du Marshall Mathers LP 2 de son boss, mais en beaucoup plus insidieux et moins évident. La trinité Dieu/famille/patrie conservatrice est clairement prise de distance, même si « Disappear » prend les atours d’une balade – un tantinet soporifique – sur la relation violente entre Jésus et son Saint-Père, incarné à la première personne. Une bondieuserie sauvée par le potentiel et la sincérité de l’artiste, qui prend assez de risques par ailleurs pour des incartades de ce genre.
Des histoires d’amour poisseuses, on en trouve beaucoup sur Love Story comme Tennessee Love, à grands renforts de pedal steel guitar. Des proches qui demandent à être là, le mépris affiché des « bonnes gens » sur le single American You, avec le refrain marqué d’un cajôleur « fuck you too » : l’amour chez Yelawolf, c’est très vache. Pour peu que l’on adhère aux allers-retours entre grosses guitares, clins d’oeil à Johnny Cash comme un Jay-Z en ferait à Basquiat, Love Story s’avère un portrait complet et fascinant d’un artiste qui a déjà forgé et assumé sa propre identité. Fini le Yelawolf qui rugissait « Everybody get the fuck up », la menace se trouve beaucoup plus dans un gant de velours et l’artiste a gagné en maturité dans la semi-ombre. Si cela n’efface pas ses projets dans l’intérim avec des artistes aussi divers que le rappeur Project Pat, le producteur et batteur Travis Barker ou encore Ed Sheeran, la longueur de Love Story jouit d’une force tranquille. Et hormis les quelques facilités FM sur Heartbreak ou American You, il donne un sacré coup de pied dans la foumillière des genres tout en restant accessible pour un large public. L’attente en valait le coup : la complexité de l’Amour (et ses patates autour) fait de ce nouvel album le plus abouti de son auteur.
Play It : American You, Whisky In A Bottle, Fiddle Me This
Skip It : Love Story, Sky’s The Limit